Il y a 25 ans, j'ai obtenu un poste d'enseignant à Toronto, dans le cadre d'un échange avec l'ENS. J'ai été accueilli dans le département de français de l'université, et on m'a expliqué qu'il était essentiel, dès la première séance, de donner le calendrier de toutes les évaluations de l'année, qu'il s'agisse du contrôle continu ou de l'examen final.
J'ai été surpris qu'il faille dès septembre planifier précisément un devoir sur table qui doit se faire fin avril. On m'a expliqué la nécessité des choses.
En effet, si un étudiant veut prendre un rendez-vous médical avec son généraliste ou avec un spécialiste, il devra attendre au moins 6 mois ou 1 an pour obtenir ce rendez-vous. Et si ce jour-là, il doit assister à un devoir sur table, il devra choisir entre :
-renoncer à son rendez-vous médical, et donc attendre encore 6 mois ou un an avant de pouvoir se faire soigner, ce qui veut dire être beaucoup plus malade qu'il ne l'est déjà, s'il est encore vivant ;
-ou renoncer à son devoir ou à son examen, et donc à son diplôme, puisque toute absence est éliminatoire, (sauf à créer une distorsion entre étudiants, ce qui serait source de procès sans fin), ce qui conduira probablement à sa ruine, car sans diplôme, il ne pourra avoir la carrière prévue, qui seule lui permettrait de rembourser sur 20 ou 30 ans le prêt contracté pour financer ses études.
Et encore, c'était le Canada, Etat beaucoup plus social que les Etats-Unis. Nous nous rapprochons de cette situation, quand on voit les déserts médicaux s'intensifier, quand on voit que les prix de l'université ont été multipliés pour les étrangers.
Quand Sarkozy a mis en place la RGPP, l'hôpital a été saigné à blanc, et à cause de cette hémorragie, on a dû faire le tri, directement, ou indirectement, causant la mort de milliers de patients du Covid, et d'autres patients dont les opérations ont été reportées.
Je constate que les principaux candidats de droite promettent de baisser le nombre de fonctionnaires. Le feront-ils dans l'hôpital (où un lit sur 5 est fermé, faute de personnel), dans l'enseignement (où la crise des vocations commence aussi à se faire sentir), dans la police, dans l'armée ou dans la justice (au moment où on dit qu'il faut renforcer ces institutions) ?
Je constate encore que ces engagements sont présentés comme des accomplissements, comme si supprimer des postes était en soi une réussite. Le déclin des services publics accompagne évidemment le déclin de la France. Mais ce sont justement les plus nationalistes des politiciens qui organisent le déclin du service public, et donc de la nation.
Louis Georges Tin