C’est une très vielle histoire que celle de Syrie que nous vivons actuellement, car alors que nous n’étions encore qu’en l’année 1142, il s’agissait déjà du désert de Syrie, et c’était déjà les “ Francs ” qui entendaient se rendre maîtres de cette région pourtant si éloignée de leur royaume...
Cette impressionnante forteresse, dont la photo ne rend malheureusement pas grâce à son immensité et à sa puissante majesté, telle qu’elle se trouve juchée intimidante, au sommet de la plus haute colline de la région, de sorte qu’elle est visible à des kilomètres bien avant d’en atteindre les contreforts, et du sommet de laquelle il est possible d’apercevoir la mer, pourtant lointaine, dans le golf d’Antioche, et donc de surveiller les navires qui y croisaient, constitue le symbole de neuf siècles d’une “énigmatique” et permanente prétention française, sur cette partie de l’Orient.
L’histoire est ainsi faite que certains de ses aspects ne trouvent pas d’explication selon notre rationalité habituelle, et tel est bien le cas, concernant cette véritable et surprenante “obsession” française, depuis cette époque pourtant déjà lointaine des croisades, d’établir l’autorité de la nation à laquelle les Francs, initiateurs de celles-ci, ont donné leur nom, sur cette région.
Bien sûr, les explications de circonstance ne manquent pas pour tel ou tel fait, mais ce qui est surprenant, c’est la permanence historique d’une volonté, par delà pourtant bien des déconvenues qui aurait du une bonne fois la dissuader, qui se manifeste encore jusqu’à cette heure même, et dont on ne comprend pas réellement la raison profonde.
Cette histoire qui commence en fait au 9e siècle avec Charlemagne auquel le calife abbasside Haroun al Rachid envoya, selon ce qui était alors une tradition, des émissaires lui porter les clefs de la ville de Jérusalem, et qui semble se terminer en 1291, avec la perte dramatique du royaume de Jérusalem qui demeurait le dernier royaume franc d’Orient, ne manquera pas pourtant de se poursuivre.
C’est ainsi que François 1er recevant en 1535 le sultan Soliman le Magnifique, obtiendra de lui les “ Capitulations”, c’est-à-dire un traité par lequel le sultan renonce à une partie de l’exercice de sa souveraineté dans son propre empire, au bénéfice du roi de France, qui devient aux termes de celui-ci, le protecteurs des pèlerins se rendant en Terre sainte, et par le fait, celui des lieux saints, et celui des chrétiens d’orient.
Par l’usage et au cours des siècles, les implications de ce traité vont se préciser et s’amplifier parce que la France exerçant en ce sens, elles lui offraient une position dominante pour les échanges et le commerce avec l’Orient, et lorsque les capitulations furent renouvelées pour la dernière fois en 1740, sous le règne de Louis XV et sous la régence du cardinal de Fleury, la protection française s’étendait non seulement sur tous les chrétiens latins du proche orient, mais également sur les chrétiens appartenant à des églises orientales, Grecs catholiques et Arméniens entre autres, qui eux, étaient des sujets ottomans.
Quand à la protection très ancienne accordée par la France aux chrétiens Maronites du Liban, qui va justifier la politique qu’elle mènera vis à vis de ce pays jusqu’à aujourd’hui, et qui date du passage de Saint Louis en Orient, elle a été confirmée officiellement au 17e siècle, par des lettres de protection accordées par Louis XIV, au patriarche Maronite.
La philosophie des rois de France était alors que la Méditerranée dans son ensemble devait constituer une zone d’influence et de suprématie française, et après quelques incertitudes dues à la révolution, c’est cette même doctrine qui sera reprise par Bonaparte, pour lequel l’Anglais n’avait rien à faire dans cette mer dont il n’était pas le riverain, et qui après s’être emparé de Malte, a engagé sa campagne d’Egypte puis celle de Syrie. Si la première est marquée par la désastreuse défaite navale d’Aboukir, et si, malgré la victoire des pyramides, la possession territoriale de l’Egypte ne s’est pas faite, cet épisode va cependant ouvrir une ère de relations très étroites entre la France et l’Egypte qu’elle aura en partie libérée du joug ottoman, et qui sera marquée plus tard par la création du canal de suez. Par contre, partant d’Egypte, et malgré une campagne marquée par plusieurs victoires, face à la grande mobilisation obtenue par le sultan après son ordre donné aux croyants de marcher contre les “infidèles”, Bonaparte va échouer dans sa volonté de soumettre la Syrie..
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Peut-être était-ce déjà un signe...?
Mais cet esprit n’a pas disparu, car nous avons vu ces dernières années, qu’un intrigant étant parvenu à se hisser au sommet de notre nation, s’était cependant emparé selon cet vieil atavisme, d’un très ambitieux projet “d’Union de la Méditerranée”, dont il n’est pas douteux qu’il contenait et camouflait une ambition hégémonique bien sûr inavouable, ce qui, en plus de l’insuffisance opérationnelle de son promoteur, n’a pas manqué de laisser les partenaires éventuels quelque peu circonspects...
C’est parce qu’il était soucieux de préserver la suprématie française dans cette région que Napoléon III, protecteurs des chrétiens d’Orient, va s’opposer implacablement au Tsar qui, désireux de se faire à travers la Bulgarie et la Grèce alors sous domination Ottomane, un passage lui permettant d’atteindre enfin la Méditerranée, va se proclamer quant à lui, protecteurs des “chrétiens orthodoxes” d’Orient. Ce sera la guerre de Crimée dans laquelle la France se trouvera alliée à la Turquie. Cependant, d’appuyant sur le fait que des chrétiens avaient été persécutés au Liban, Napoléon III y envoya un corps expéditionnaire en 1860, ce qui contraignit le sultan à accorder un statut spécial à ce pays au terme duquel, le chef du gouvernement de cette province serait toujours un chrétien, disposition qui existe jusqu’à aujourd’hui, et qui n’est pas sans poser de problèmes. Et tout ceci, en consacrant l’influence française dans ce pays qui en adoptera la langue, et alors qu’une circulaire provenant du Vatican lui-même viendra confirmer pour les chrétiens d’orient, la valeur de cette prérogative.
Bien sûr, concernant cette politique de suprématie française, ce qui sera à la fois le plus déterminant et le plus dramatique du fait de ses terribles conséquences, ce sera le démantèlement de l’Empire Ottoman, perdant de la guerre de 14-18 aux cotés de l’Allemagne dont il fut l’allié, selon des accords secrets franco-britanniques dits accords “Sykes-Picot”. Il convient de bien comprendre une bonne fois et de ne surtout pas l’oublier, pour pouvoir prendre toute la mesure de la malfaisance de la politique qui est actuellement appliquée par notre gouvernement, que c’est bien à ce démantèlement que le proche orient doit toutes les douleurs qui l’accablent depuis un siècle.
Ces puissances coloniales, la France et la Grande Bretagne, les plus suprématistes et les plus impérialistes que la Terre ait jamais connues, et qui régnaient pourtant déjà sur deux gigantesques empires, se sont partagé, et sans se soucier le moins du monde de la volonté des peuples directement concernés, la dépouille de l’empire Ottoman.
C’est ainsi que l’Irak fut confiée aux britanniques et que la “grande Syrie”, déjà privée de la moitié de la principauté d’Antioche qui demeurera attachée à la Turquie, ce qui est à l’origine d’un antagonisme irréductible entre ces deux nations qui dure jusqu’à aujourd’hui, sera quant à elle partagée entre une Syrie que vont s’octroyer les Français, et une Palestine que vont s’octroyer les Britanniques.
La Société des Nations qui, comme par hasard, sera fondée à Paris, et possédera un siège à Londres, ne fera que reprendre ainsi les termes de ce partage, sous l’appellation de “mandats”, par lesquels elle confiera la charge de ces nations, aux empires qui s’en étaient déjà emparés.
Ce qu’il faut bien noter, c’est que toutes les guerres qui ensanglantent aujourd’hui cette région martyrisée, trouvent leur origine plus ou moins directement dans ce partage, et dans la volonté des impérialistes, de tirer avantage de ces divisions.
C’est ainsi qu’à partir de l’Irak qu’ils se sont octroyé, les Britanniques vont tailler à coup de serpe, autour des puits de pétrole dont ils vont faire la découverte, et afin de pouvoir les exploiter à leur guise sans en faire profiter les Irakiens, un état, le Koweït, dont ils vont en faire la souveraineté d’un obscur émir à leur solde, arguant que celui-ci possédait déjà là une autorité locale du temps des Ottomans. C’est pourtant ce qui, suite à d’autres développements, va nourrir la première guerre du Golf, Saddam Hussein usant de l’argument que le Koweït fait historiquement partie de l’Irak, ce qui est parfaitement vrai...
Quant aux Français, déjà responsables du partage de la principauté d’Antioche entre la Turquie et la Syrie, ce qui constitue la source lointaine d’un conflit persistant qui fait que la Turquie aura pris récemment le parti des ennemis de la Syrie, et qui étaient enfin parvenus à se rétablir dans cette région dont ils avaient été chassés depuis les croisades, leur volonté fut de pouvoir s’y maintenir par tous les moyens. Ils ont donc opté de s’appuyer sur les populations chrétiennes du mont Liban, qui demeuraient placées sous leur protection, et pour lesquelles ils vont créer là aussi de toutes pièces en 1922, un état, l’actuel Liban. Ceci, en commettant l’erreur historique de rattacher à cet état, et bien au delà du seul mont Liban, de larges zones de populations musulmanes qui à l’époque étaient minoritaires, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, erreur qui se trouve à l’origine de tous les affrontements religieux qui ont ravagé ce pays au cours des trois dernières décennies...
Bien sûr, le pire de toute cette affaire c’est la fourberie des Britanniques, alliés des Français dans la première guerre mondiale, mais cependant concurrents de ceux-ci quant au renforcement de leur puissance impériale, et qui avaient fait aux masses qu’ils s’employaient à manipuler, des promesses qu’ils n’avaient visiblement pas l’intention de tenir.
Ceci va les amener à partager la Palestine sous mandat, laquelle n’était déjà qu’une partie de la grande Syrie, en une région située sur la rive gauche du Jourdain, dite Palestine, et celle située sur la rive droite, dite Jordanie.
Ceci, afin de satisfaire d’une part, la promesse faite en 1917 par Lord Balfour ministre britannique des affaires étrangères, à Chaim Weizman, président de la fédération sioniste, et futur président de l’état d’Israël, de fonder un foyer juif en Palestine, et d’y favoriser l’installation des Juifs. Ceci, officiellement, en remerciement des services apportés à la couronne par la communauté juive britannique. Mais il apparait qu’en réalité, en pleine négociation sur les accords secrets Sikes-Picot, débutés depuis 1916, qu’il s’agissait pour les Britanniques de s’offrir un prétexte altruiste, pour pouvoir préempter la Palestine face aux Français.
D’autre part, concernant la Jordanie il s’agissait de remercier le Shérif Hussein de la Mecque, pour avoir concouru en compagnie de Lawrence d’Arabie, au soulèvement des peuples arabes contre les Ottomans. Car, si celui-ci avait bien proclamé avec leur concours, l’indépendance du Hedjaz, il avait été rapidement renversé par Ibn Seoud, et en faisant de son fils Abdallah, en se moquant éperdument de l’avis des Palestiniens dont c’était pourtant le pays, le roi de Jordanie, c’était en quelque sorte une façon de le dédommager. Ceci sera à l’origine de furieux affrontements entre la dynastie Hachémite parachutée en ce pays, et les Palestiniens, qui vont assassiner Abdallah. Ces affrontements vont alors culminer en ce triste mois de septembre 1970 dit “septembre noir”, où Hussein de Jordanie, fils d’Abdallah et donc conscient des risques qu’il encourrait, envoya l’armée jordanienne pour réprimer, laquelle va exécuter plusieurs milliers d’activistes palestiniens. C’est ce qui vaudra plus tard à un groupe armé, de reprendre ce nom...
Ainsi, de la Turquie jusqu’au Koweit, de l’Irak jusqu’à Gaza, du Kurdistan jusqu’au Liban, de la Syrie jusqu’a la Jordanie, de l’Arménie jusqu’en Israël, nous pouvons constater toute l’étendue de la malfaisance que ces nations auront eu à supporter, du fait de l’intervention des nations prédatrices de l’occident, et tout particulièrement de la France, sur près de neuf siècles, dans leur affaires...
Il est temps d’ouvrir les yeux...!
Passé ces longs chapitres historiques, et à l’heure où ce pays vient déjà de dévaster la Côte d’Ivoire, et la Libye, et que des mabouls s’emploient à nous engager dans une guerre de tous les dangers et perdue d’avance, en Syrie, il nous appartient citoyens responsables de ce pays, de combattre avec la dernière énergie, cette idéologie interventionniste obsédée et satanique, cette célébration maladive du crime, qui depuis des siècles déjà, se fait au prétexte de protéger les uns contre les autres, derrière des montagnes de cadavres.
A l’heure où nous ne nous connaissons nul ennemi à l’horizon, nos véritables ennemis sont ceux-là mêmes qui d’ici, s’emploient à nous en fabriquer dans tous les azimuts.
Halte aux bellicistes...!
Paris, le 27 juin 2013
Richard Pulvar