Benghazi s’agite, suite au prêche incendiaire d’un religieux contre la France, dont les troupes au mali pourchassent sans répit les “djihadistes”, frères spirituels de ceux que cette même France a installés au pouvoir en Libye, et d’une façon générale, contre les occidentaux.
Les chancelleries occidentales dont le Quai d’Orsay, ont donc recommandé à leurs ressortissants de promptement quitter la ville, pour ne pas faire les frais de représailles, en se souvenant de ce qu’il advint de l’ambassadeur américain lors d’une agitation du même genre.
Ainsi la France se trouve-t-elle contestée, et ses ressortissants menacées, par ceux-là même dont elle a fait la fortune, et cette situation ahurissante, de même que tous les autres aspects désastreux de ce qu’est devenue la malheureuse Libye, suite à l’agression dont ce pays fut l’objet, par des gens prétendant y instaurer la paix, la démocratie, et le progrès, pourrait nous laisser croire selon ces prétentions affichées, que cette politique menées par les puissance impérialistes aurait tourné au fiasco le plus total, mais il n’en est justement rien.
Pour bien comprendre la comédie tragique dans laquelle nous nous trouvons engagés, observons parallèlement que si certains présidents des Etats Unis d’Amérique paraissent avoir bien peu d’envergure, c’est parce qu’ils ne sont en fait que les représentants de tout un système qui constitue quant à lui, la réalité du pouvoir qui s’exerce effectivement dans ce pays. Parmi les principaux éléments de ce système, il y a le fameux département d’état, l’équivalent de notre ministère des affaires étrangères, au sein duquel des professionnels chevronnés et très talentueux, travaillent à définir ce que doit être la politique extérieure des Etats Unis. Et ceci, à seule fin de garantir à cette nation, de conserver la suprématie sur les autres.
En considérant les objectifs “proclamés” de cette politique extérieure américaine, lesquels le sont d’autant plus vivement que les véritables objectifs, décemment inavouables, ne font guère l’objet de débats, un observateur non averti pourrait trop rapidement conclure que cette politique n’aura été depuis des décennies, qu’une longue suite d’erreurs successives. C’est ainsi que la prétention “officielle” et d’une apparente naïveté, d’apporter la démocratie, la liberté, la paix et le progrès, dans les nations qui furent visitées pour cela par leurs armées, aura-t-elle fait sourire plus d’un, si cruellement démentie quelle fut, par l’évidence des faits.
Il est remarquable alors que ceci étant, ces Américains ne font pour autant strictement rien, pour que nous cessions d’être convaincus qu’ils ont lamentablement échoué. Pourquoi ?
En réalité, si en nous débarrassant de cette approche “émotionnelle” des choses, nous considérons que la démarche logique d’une puissance désireuse de conserver sa suprématie, c’est d’empêcher par tous les moyens que ne puisse se constituer en aucune circonstance et en aucun endroit que ce soit, une puissance susceptible de lui faire concurrence, ou même déjà tout simplement, de se soustraire totalement à sa tutelle, il faut bien constater à cette heure, que leur machiavélisme “secret” aura été d’une terrifiante efficacité. Ceci, pendant qu’ils se déclarent pour le progrès concerté de toutes les nations, selon une ouverture de celles-ci sur le monde, censée constituer ainsi un “nouvel ordre mondial”. Car, il est clair que ce nouvel ordre mondial ne correspond en fait qu’au renforcement, après qu’ils aient fait voltiger une bonne fois les dernières frontières derrières lesquelles s’abritaient encore quelques nations timorées, des institutions supranationales de leur hégémonie.
Non, ils n’ont pas échoué en Corée, même si la foudroyante contre attaque chinoise qui les a repoussés jusqu’à Séoul, pourrait laisser croire qu’ils furent alors défaits. Car, ils n’y sont pas allés pour vaincre militairement, mais pour officiellement contenir le communisme, ce qui fut fait, et surtout pour obtenir selon leur but secret, la partition de ce pays, ce qui fut également fait. Et, pour comprendre quel pouvait être leur intérêt à établir une telle situation, il suffit d’imaginer la grande puissance qui serait celle aujourd’hui d’une Corée unifiée. Ceci en considérant ce que produit déjà la seule moitié sud de ce pays, et en considérant également la capacité qui fut celle de la seule moitié nord, de se doter de l’arme nucléaire.
En fait, les spécialistes de la géopolitique américaine, savaient que la Mandchourie, la Corée, et l’ile de Taïwan, firent anciennement partie de l’empire du Japon, qui y avait laissé son empreinte culturelle, et ayant observé ce qu’était déjà devenu le Japon, ils ont facilement pu imaginer ce que deviendraient Taïwan et la Corée, et ils ne se sont pas trompés.
Non, ils n’ont pas échoué en Iran comme on le pense encore, même s’il s’est établi en ce pays un régime qui leur est hostile. Car en soutenant le Sha dans toutes ses erreurs et toutes ses outrances, telle était bien la manœuvre qui devait par l’exaspération totale du peuple, ouvrir finalement la voie à un Imam ténébreux sorti de son asile français, qui, par un discours archaïque et des dispositions on ne peut plus rétrogrades, allait mettre fin au développement fulgurant qui était alors celui de ce pays, grâce à sa rente pétrolière et l’ambition de son chef.
Aujourd’hui, par delà des péripéties politico-religieuses, et surtout, après la terrible et dévastatrice guerre Iran-Irak, qui à résulté de l’inconséquence totale de Saddam Hussein qui n’a à aucun moment pris conscience, ni dans ce cas, ni dans celui de l’attaque du Koweït, de la félonie manipulatrice des occidentaux qui l’y ont encouragé, l’Iran retrouve peu à peu de sa puissance. Ceci crée la fébrilité des occidentaux qui le soupçonnent de vouloir se doter de l’arme nucléaire.
Mais, comprenons bien que ce n’est pas la puissance militaire de l’Iran, pays qui n’a pas vu un seul de ses soldats hors de ses frontières depuis plus d’un siècle, et dont on ne voit absolument pas, se serait-il même doté de l’arme atomique, quel intérêt il aurait à en faire usage contre les occidentaux, garanti qu’il serait d’être totalement anéanti par les représailles, que craignent ces occidentaux. Non, il s’agit bien en cette crainte, du retour de la puissance économique de l’Iran, et par le fait, du retour de son influence géostratégique dans la région, que craignent ces occidentaux. Ils le menacent alors toutes les semaines, d’une intervention, ce qu’ils ne feront jamais, tout simplement parce qu’ils n’en ont pas les moyens. Et ceci, pour tenter de défaire l’Iran selon le scénario qui fut utilisé avec un certain succès contre l’URSS, c’est à dire en contraignant ce pays à des dépenses militaires considérables, pour mettre ainsi, par un manque d’investissements productifs, un frein à son développement économique.
Non, ils n’ont pas échoué en Irak et dans les pays voisins, dans leur ambition affichée d’y apporter la liberté et la démocratie, parce telle n’a jamais été leur véritable dessein, et en ce domaine comme en d’autres, ces serments d’ivrogne n’ont engagé que ceux qui y ont cru.
En réalité toutes les manœuvres occidentales dans cette région comme dans les autres, ont pour but principal et bien sûr non avoué, d’empêcher par tous les moyens possibles le développement de puissances régionales, industrielles, technologiques, et militaires, telles que l’était bien cependant devenue l’Irak, ce qui justifiera sous les prétextes les plus fallacieux, deux guerres criminelles contre ce pays pour le mettre à genoux. C’est à ce statut de puissance régionale qu’était, selon le cours normal des choses, appelée à accéder la Syrie, contre laquelle une opération de déstabilisation est en cours, et appelé à accéder de nouveau l’Iran, après un intermède de près de trente ans. Ceci, grâce une “utilisation avisée” par ces nations, de leurs ressources pétrolières.
Il est clair que les impérialistes préfèrent à ces nations, qui furent un moment laïques pour certaines, donc dotées d’un modèle de société tolérante et apaisée quant aux questions religieuses, ce qui est bien sûr absolument nécessaire au développement, les anachroniques monarchies féodales du golf, dont certaines d’entre elles sont carrément fondamentalistes, et qui se trouvent dirigées par des jouisseurs outranciers, qui ont bien peu de considération pour les populations de leur pays, parfois composées de plus de soixante pour cent d’immigrés.
Ainsi, quand elle ne sert pas à leur enrichissement personnel, ou à la réalisation de leur palais fastueux, ou encore à la réalisation de projet spectaculaires mais qui n’entrainent pas un véritable développement structurel de leur pays, parce qu’ils sont l’œuvre presque exclusive de sociétés étrangères, la rente pétrolière de ces pays se réalise finalement, principalement en investissements dans les nations occidentales. Pour ces dernières, ces investisseurs qui leur doivent leur sécurité, constituent alors des créanciers dociles. C’est ainsi que les Etat Unis ont su faire promptement renter dans les rangs, ceux de ces monarques qui, lassés de voir leur pactole diminuer lorsqu’il se produisit une dépréciation du dollar par rapport à l’euro, avaient envisagé un moment d’utiliser cette autre devise comme monnaie de réserve, ce qui aurait placé le dollar dans une situation très difficile.
Cette politique déterminée d’empêchement par tous les moyens, du développement des pays pétroliers du proche orient, va comme on l’a vu, jusqu’à faire carrément main basse sur ces ressources, à la faveur d’opérations militaires placées sous le sceau des Nation Unies, facilement obtenu par un travail au corps des membres non permanents du conseil de sécurité. Elle s’accompagne logiquement de la mise en place dans les nations préalablement dévastées, de régimes fondamentalistes rétrogrades, complices par les gratifications personnelles qu’en retirent leurs obscurs dirigeants, de l’exploitation des ressources de leur pays par des sociétés occidentales, et dont l’autoritarisme et l’intolérance constituent comme on le comprend bien, les pires entraves qui soient au développement.
Ainsi, dans cette région du monde ou par la force des choses, il ne pouvait exister que des régimes autoritaires, hérités tout d’abord de l’histoire si tourmentée de l’émergence de ces nations, à partir du démantèlement de l’empire ottoman, et ensuite nécessités par l’ingérence permanente dont elles furent alors les objets de la part des nations prédatrices de l’ouest, les régimes qui eurent à leur tête des chefs nationalistes soucieux de la défense des intérêts de leur nation, furent bien vite qualifiés de dictatures, et férocement combattus.
Tout ceci pour dire que le spectacle de la Côte d’Ivoire et de la Libye dévastées, pays dans lesquels, à ce jour, des affrontements persistent, qui n’ont connu en guise d’une démocratie promise, que la dictature d’un clan de guerriers spoliant et persécutant ceux qui ne sont pas des leurs, pour l’une, et le règne terrifiant des seigneurs de la guerre pour l’autre, ne signifie pas que les criminels qui sont la cause de ces désastres, se sont trompés ou on échoué.
En effet, la Côte d’Ivoire constituait jusqu’alors et de loin, la nation la plus prospère et la plus développée d’Afrique de l’ouest. Quant à la Libye, elle constituait tout simplement le pays d’Afrique au niveau de vie le plus élevé. Le président de la première envisageait de confier à des sociétés qui lui en offriraient une meilleure rente, l’exploitation des ressources pétrolières de son pays. Quant au président de la seconde, compte tenu des larges excédents que lui permettait ses revenus pétroliers, face à la charge modérée de sa faible population, après avoir doté le continent d’un satellite de télécommunication permettant aux citoyens des nations africaines d’obtenir le meilleur tarif pour leurs communications, il n’envisageait rien d’autre que de créer à la fois, une banque et une monnaie africaine appelées à se substituer à la zone franc par laquelle les nations africaines adhérentes se font constamment exploiter. Il envisageait également la création d’un fond monétaire devant se substituer pour les nations africaines, au FMI qui soumet à ses directives, les nations tombées dans le piège bancaire.
Il est donc clair que ces deux nations que des hommes occidentaux venus d’au-delà des mers, se sont employés à dévaster, en y provoquant des victimes par dizaines de milliers, n’ont nullement été par hasard les victimes de ces crimes, et que dans les couloirs du Quai d’Orsay, ou le cynisme qui y règne n’a de toute évidence rien à envier à celui du département d’état américain, certain doivent se féliciter de ce résultat, et laissent à d’autre, le soin de présenter en toute bonne foi, toutes ces abominations, comme le résultat malheureux d’une erreur d’appréciation de la réalité de ces pays.
Souvenons-nous que le pays logiquement le plus prometteur d’Afrique au sujet duquel certains ont parlé de “scandale géologique”, tant son sous-sol est riche de ressources minières, c’est à dire le Congo, se trouve gangrené par une guerre qui a déjà fait plus de cinq millions de victimes, dont tout le monde se moque. Dans ce marasme politique, social, et sanitaire, il se trouve être la proie de vautours venus du monde entier, qui se servent tout simplement. Or, il fut lui aussi totalement déstabilisé par les puissances impérialistes, là aussi au prétexte d’y apporter la démocratie qui, il est vrai, n’y régnait pas, mais qui n’y règne toujours pas, après toutes ces années de tourmente, alors que jusque là, cette nation vivait au moins en paix.
Ainsi, à l’heure où des manifestants affrontent la police dans les rue du Caire, pour protester contre le fait que, tout comme cela s’est produit en Tunisie, ils se sont fait déposséder de leur révolution, détournée qu’elle fut par des fondamentalistes ayant reçu pour cette occasion, le soutien de l’occident, il apparait clairement que plonger les nations du sud avec leur démographie triomphante, principal atout du développent, dans la pire des pagaille, constitue le véritable projet, bien sûr non avoué, des impérialistes, pour pouvoir maintenir leur domination sur elles.
Malheureusement, il faut reconnaitre que si par son habile exploitation, cette pagaille constitue par prédilection l’instrument de domination des impérialistes sur les nations du sud, elle ne tend au départ qu’à être installée, par le fait de ceux-là mêmes qui en font les frais. Ceci, à cause de toutes les tensions sociales, raciales, et religieuses, qui tenaillent depuis toujours ces nations, qui ne sont déjà pas reconnues comme telles par leurs propres ressortissants, c’est-à-dire comme étant des espaces d’un “vivre ensemble”, transcendant leurs particularismes. Les ressortissants de ces nations demeurent ainsi furieusement attachés à des mœurs et des structures sociales archaïques, découlant de tous les sectarismes, sexiste, ethnique, et religieux. Il en découle des divisions et des conflits sans fin que, pour autant qu’ils les exploitent, les impérialistes n’ont eu aucun besoin de provoquer.
Il est temps que ceux du sud prennent conscience une bonne fois, que c’est bel et bien de toutes leurs tares et insuffisances, de leurs mœurs et de leurs croyances archaïques, qui les conduit sans cesse à s’affronter, que se nourrit opportunément la toute puissance impérialiste, ce qui finalement, confère curieusement un aspect moral à toute cette affaire.
En fait, dans la façon pour une nation de devenir suffisamment forte, afin de pouvoir affronter la puissance impérialiste, il lui faut déjà tout simplement se débarrasser de tout ce qui la rend faible, autrement dit de tout ce qui est de nature à la diviser. Or, il est clair que quand sous des prétextes religieux anachroniques, un sectarisme sexiste disqualifie déjà la moitié de leur population, ou quant sous le prétexte de frontières héritées de la colonisation, en proie qu’ils sont à leur “ethnicisme” morbide, certains vont jusqu’à prétendre que c’est à cause du colon qu’ils assassinent leur voisin, que de telles nations n’ont aucune chance de pouvoir faire face, et c’est bien tout simplement ce que nous constatons.
Il est temps que chacun prenne conscience et assume sa responsabilité, faute de quoi, l’impérialisme aura encore de beaux jours devant lui...
Paris, le 27 janvier 2013
Richard Pulvar