Les élections générales ont donné lieu à une avalanche de fraudes. Douze candidats demandent leur annulation. Les autorités font comme si de rien n’était. Port-au-Prince (Haïti),envoyée spéciale.
Un cycle d’instabilité s’est ouvert dimanche en Haïti. Un de plus dans un pays à genoux depuis le séisme du 12 janvier, au terme d’une supercherie électorale, montée de toutes pièces par l’Organisation des États américains et les Nations unies, sous la supervision des États-Unis.
Devant l’école Jean-Bosco dans Cité soleil, des manifestations sporadiques ont émaillé la journée aux cris d’«À bas Inite», le parti de Jude Celestin, poulain du président René Préval. « Les petits mouns (enfants) meurent, le peuple est dans le chômage, il n’y a pas de travail », dit abattu Pooshon. D’après cet habitant du plus grand bidonville de Port-au-Prince, Inite « a complètement acheté le vote parce que la jeunesse est dans la faim ». Les leaders des quartiers auraient reçu 40 000 gourdes (environ 1 000 dollars) pour forcer à voter Inite. Un joli pactole : le salaire minimum quotidien est de 200 gourdes. À l’intérieur de l’enceinte, ce n’était que cris et empoignades entre des électeurs interdits de voter et des membres de bureaux incompétents. Le tout sous les yeux de la Minustah (mission des Nations unies de stabilisation en Haïti), de la police et d’agents de sécurité d’entreprises privées. Car, autant le dire, ces élections ont surtout été un business.
À Bulding 2004, l’imposant édifice, désormais entouré de bâches depuis le séisme du 12 janvier, la situation était abracadabrantesque. Quatre heures après le début du scrutin, les urnes étaient vides faute… de bulletins pour voter. « C’est du jamais vu, déplore Reginald. Mais les autorités diront que tout s’est bien passé. C’est de la pure magouille électorale. » Même scènes ubuesques à l’école de la Voilière à Delmas 31. « Les gens qui sont sous les décombres ont leur nom sur la liste mais nous qui sommes vivants, nous ne pouvons pas voter », s’emporte Augustin Yonnel. L’électeur est exaspéré. « C’est le peuple qui doit voter, poursuit-il. S’il ne peut pas le faire alors il n’y a pas d’élections. »
Avant même la fermeture des 11 000 bureaux de vote, douze des dix-huit candidats à la présidentielle ont demandé l’annulation des élections. « C’est du brigandage organisé, a fustigé Mirlande Manigat, la favorite, selon les sondages. Des institutions de l’État sont complices de ce brigandage. » Qu’importe. Gaillot Dorsainvil, le président du conseil électoral provisoire, accusé de rouler pour le gouvernement, a qualifié la journée de « réussite », osant même dire que « dans la fièvre électorale, des électeurs n’ont pas réussi à trouver leur bureau de vote ». Le scrutin a pourtant été annulé dans au moins 56 centres. Au moins deux personnes ont été tuées lors d’affrontements entre partisans de candidats. Les Nations unies, elles, ont fait part de « leur vive préoccupation suite aux nombreux incidents ». Sans plus. Mais comme les États-Unis et l’Union européenne, elles ont leur part dans le marasme ambiant. En imposant cet agenda électoral en décalage total avec les préoccupations de la population, elles ont provoqué davantage d’instabilité. Les résultats électoraux ne devraient pas être connus avant le 5 décembre. Et après ?
Cathy Ceïbe
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