"À la veille des élections haïtiennes, le rappeur et prétendant déçu à la présidence d'Haïti Wyclef Jean lance un mini-album politiquement engagé, If I Were President: My Haitian Experience, prélude à son prochain disque attendu en février. La ronde d'entrevues qu'il donne n'est pas fortuite: l'ex-leader des Fugees veut parler politique.
«Ma candidature pour la présidence a joué un double rôle, analyse l'artiste engagé. D'abord, elle a démontré que les jeunes sont majoritaires dans la population et qu'ils veulent du changement. L'autre côté de la médaille, c'est qu'elle a aussi montré que le pays n'est pas nécessairement prêt pour ce changement et que les gens au pouvoir préféreraient que les monopoles et la corruption perdurent.»
Après avoir annoncé à Larry King son intention d'être candidat au poste de président, Wyclef Jean s'est rendu à Port-au-Prince le 5 août dernier pour poser sa candidature. L'un des plus ardents promoteurs de la culture créole depuis presque 20 ans traversait de l'autre côté du miroir, zone dont il n'est pas tout à fait sorti, même si sa candidature a été rejetée par le collège électoral haïtien.
Les semaines qui ont précédé, puis suivi, cette décision ont profondément marqué Wyclef Jean, qui a d'ailleurs été hospitalisé, à la fin du mois de septembre, pour cause d'épuisement. Le mini-album est traversé par ce qu'il appelle son «expérience haïtienne», avec des chansons comme Earthquake et Death Threats, en référence aux menaces de mort qu'il a reçues à la fin de l'été.
Une fois exclu de la campagne, Wyclef Jean est parti lécher ses plaies, se gardant de donner son appui à l'un ou l'autre des 19 candidats en lice - même s'il dit s'être assis avec plusieurs d'entre eux pour parler du pays -, tout à fait conscient que son appui pourrait faire la différence en faveur de l'un d'eux.
«En ce moment, quatre candidats sont dans le peloton de tête de cette course. Mirlande Manigat, Jude Célestin (dauphin du président René Préval), Michel Martelly et Charlito (Charles Henri) Baker. Au bout du compte, donner mon appui à Manigat serait mauvais pour Martelly, et vice-versa. Je préfère le rôle d'observateur. Je préfère me préoccuper de la bonne tenue du vote, pour que le résultat soit juste pour tous.»
Il espère que les chances soient égales pour tous les candidats et insiste pour dire qu'il soutient des élections justes. «J'appuie les jeunes, je leur demande d'aller voter. Je serais simplement heureux si les élections étaient propres, et que personne ne se fasse tuer.»
«J'insiste parce qu'en Haïti, le paysage politique n'est pas aussi simple que de dire: lui est démocrate, lui est républicain, lui est au centre. Tellement de partis différents, autant d'idéaux différents. Je crois que, dans le contexte, il faut trouver le moyen d'inviter tous ces partis différents à collaborer ensemble. Après tout ce qui est arrivé au pays depuis le tremblement de terre, j'attends seulement l'occasion de pouvoir travailler avec celui que le peuple aura choisi et de commencer à rebâtir le pays. Il me semble que c'est la position la plus judicieuse. Celui qui gagne doit vite retourner au boulot.»
Si sa candidature suscitait autant d'intérêt, c'est que, en plus de son statut de pop star, sa notoriété aurait pu assurer une forte participation au vote, dans un contexte où l'influence de l'ex-président Jean-Bertrand Aristide se fait toujours sentir, où la présence (ou l'absence) d'un candidat d'allégeance lavaliste puisse décider de l'affluence aux urnes.
Les détracteurs de Wyclef Jean l'ont d'ailleurs souvent dépeint comme un anti-Lavalas, un anti-Aristide... Est-ce justifié? «Note bien mes mots, dit Jean en pesant ceux-ci. Je veux la paix en Haïti et la démocratie. Je ne crois pas qu'un président, n'importe quel président, devrait être expulsé de son pays, à moins qu'on puisse prouver que celui-ci est impliqué dans des actes illégaux, la corruption, des actes meurtriers ou de torture. Et qu'ensuite, les Nations unies les sanctionnent.»
«Prends d'autres pays comme l'Iran, la Corée du Nord. Est-on d'accord avec leurs gestes? Est-ce qu'on force leurs dirigeants à l'exil pour autant? Les Nations unies ont un tribunal pour juger ces chefs d'État. Au bout du compte, je suis un peacemaker. Et si j'avais le dernier mot, je décréterais l'amnistie (pour Aristide, exilé en Afrique du Sud). Le président devrait avoir le droit de revenir au pays.»
Un dernier mot pour la communauté haïtienne au Québec, monsieur Jean?
«J'aimerais dire à la communauté haïtienne de Montréal: s'il vous plaît, appelez vos proches, votre famille, et encouragez-les à aller voter demain. Qu'ils votent pour le candidat qu'ils désirent voir à la tête du pays de sorte que lorsque vous en Haïti, vous serez à l'aise avec le choix que le peuple aura fait.»
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