"La plupart des candidats à la présidentielle réclament l'annulation du scrutin en raison de «fraudes organisées à haut niveau». De source policière, des affrontements en partisans rivaux ont fait au moins deux morts et plusieurs blessés.
De notre envoyé spécial en Haïti
Il manquait à Haïti un rendez-vous démocratique raté pour accentuer son avance au classement des pays frappés par tous les maux possibles et imaginables de la planète. C'est fait. Après avoir subi cette année un tremblement de terre à 250.000 morts, un typhon, une épidémie de choléra, il s'offre des élections générales avortées et peut-être, demain, des émeutes. Un mouvement planifié de fraudes à grande échelle a poussé 12 des 18 candidats à la présidentielle à exiger, dimanche à la mi-journée, l'annulation pure et simple du scrutin qui avait commencé à l'aube et s'est achevé à 16 heures. Leur demande n'a pas été prise en compte par la Commission électorale provisoire (CPE), qui évoque seulement des dérapages et des incidents mineurs dans ses comptes rendus. Deux villes du nord de l'île ont annulé le vote à la suite de violences. Un centre de Port-au-Prince, où près de 10 000 électeurs étaient attendus, a été saccagé, les bulletins semés aux quatre vents.
L'épreuve de force est donc engagée entre le régime du président René Préval et le reste de la classe politique. Le dérapage du processus électoral a pris de vitesse la communauté internationale qui se penche au chevet d'Haïti. «On n'a pas vu venir ces fraudes pourtant planifiées», reconnaît en privé un haut responsable de la Minustah, la force internationale de stabilisation des Nations unies.
Détournements de voix
La journée de vote semblait avoir pourtant pas trop mal pas commencé. Massée devant le collège de la place Saint-Pierre de Pétionville, la foule acclamait son idole, le candidat Michel Martelly. Sweet Micky - surnom donné à ce chanteur - pénétrait dans son bureau de vote d'un pas décidé. Des électeurs lui réservaient un accueil plus que chaleureux. Un CRS casqué et harnaché tentait de les calmer. « Si le président Préval avait su que ça tournerait comme ça, il ne l'aurait jamais laissé se présenter», commentait un votant.
Dans le golf, l'un des principaux camps de déplacés de la capitale, un unique bureau de vote était installé. Il accueillait 724 inscrits pour 55 000 habitants. Les autres étaient priés d'aller exercer leur droit dans leur quartier d'origine ou plutôt dans ce qu'il en reste. Un peu partout, les électeurs cherchaient leur nom sur des listes. Beaucoup ne savaient pas dans quel centre ils devaient voter. A ces problèmes de désorganisation qui engendraient de fortes frustrations se sont ajoutés, au fil des heures, des entreprises de détournements de voix. Les poids lourds de la course à la présidence - à l'exception du candidat du pouvoir, Jude Celestin - s'enfermaient alors dans une chambre de l'hôtel Karibé pour définir une position commune. Il y avait là l'intellectuelle Mirlande Manigat, la favorite des sondages, et les trois outsiders - Michel Martelly, Jean-Henry Céant et Charles Henri Baker. Le groupe montait ensuite, sous les acclamations, devant les journalistes et les militants déchaînés pour lire un communiqué solennel. Il dénonçait «le détournement du processus électoral dans tout le pays» par le «régime corrompu du président Préval» et réclamait un nouveau scrutin. «Nous avons récupéré des données enregistrées qui prouvent des fraudes organisées à haut niveau», lançait Mirlande Manigat. En début de soirée, des milliers de manifestants défilaient dans Port-au-Prince. Les hélicoptères de la Minustah commençaient à bourdonner dans le ciel.
– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire