jeudi 19 mai 2011

Il n'y a pas mort d'homme




L’amour rend aveugle paraît-il. L’amour pour un ami de 30 ans, un compagnon de route et de combat, un homme dont on a été le témoin de mariage, rendrait-il bête, mufle et sexiste ? A moins que ce ne soient le choc psychologique, la douleur, qui égarent et rendent consternantes une bonne partie des prises de parole de certains défenseurs de Dominique Strauss-Khan.

C’est Jack Lang, nous expliquant que la justice américaine veut « se payer un français » et que bon dieu, on en fait peut-être un peu beaucoup ! De l’acharnement, du lynchage contre Dominique Strauss-Kahn, de la part du système judiciaire et du système médiatique. Ne pas libérer un homme prêt à payer une caution alors qu’il n’y a, je le cite « pas mort d’homme » ? Un scandale selon l’ex-ministre de la Culture. Pas mort d’homme, en effet.

C’est Bernard Henri-Lévy réclamant, impératif, une mise au clair rapide sur le fait qu’une femme de chambre ait pu entrer seule dans la chambre d’un des personnages les plus surveillés de la planète. Commencer par discréditer la plaignante. Ça peut toujours servir. On passe rapidement sur le fait que la déposition de la dite jeune femme fait apparaître -et plusieurs journaux américains sérieux l’on révélé dès lundi- qu’elle est entrée dans une chambre dont la porte était ouverte, où se trouvait déjà un garçon d’étage s’activant à desservir, lequel garçon lui aurait dit que le client était parti. Et oui, dans une suite de 155 mètres carrés, on peut imaginer qu’un client sous sa douche n’entende pas les appels du personnel annonçant son arrivée. Et inversement.

BHL encore, indigné, nous expliquant que « bien sûr la démocratie dit qu’il faut traiter tout le monde de la même façon mais… tout le monde n’est pas tout le monde. Le président du FMI, au bord d’être candidat à la présidentielle française menotté ? Ce n’est pas le quidam absolu ». Tout le monde n’est donc pas tout le monde…

Et puis, et puis, Jean-François Khan affirmant dans un gloussement gourmand : « Je suis certain, enfin pratiquement certain, qu'il n'y a pas eu une tentative violente de viol… je ne crois pas, ça, je connais le personnage, je ne le pense pas. Qu'il y ait eu une imprudence on ne peut pas le… enfin, j'sais pas comment dire, un troussage… Qu’il y ait eu un troussage de domestique, enfin, j’veux dire, c’qui est pas bien mais voilà… c’est une impression… ».

Troussage de domestique… Peau de banane jetée sous les pas de DSK, piège tendu dans lequel un pauvre homme serait tombé... On en passe et des pires.

Ce qui s’est déroulé dans cette chambre d’hôtel entre le directeur du FMI et une femme de chambre, deux personnes au monde, seulement, le savent. Bafouer la présomption d’innocence ou de véracité des dires de l’un ou de l’autre est une atteinte aux droits de la personne. Jeter en pâture un inculpé, menotté, est sans nul doute choquant, quel que soit cet inculpé, qu’il soit président du FMI, prisonnier irakien dans le désert, escroc de haut vol ou chanteur de rock. Tout le monde est bien tout le monde. Bafouer le droit au respect d’un être humain, en l’occurrence une femme de chambre, voire légitimer l’usage de la violence à son égard, voilà qui n'est certainement pas en accord avec les valeurs affichées depuis des décennies par de donneurs de leçons pourtant patentés.


Audrey Pulvar

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