mardi 27 juillet 2010

Les charognards planent sur Haïti



La catastrophe qui s’est abattue sur Haïti ne fait pas que des malheureux. Elle suscite bien des envies, bien des plans sordides de la part des charognards habituels de la boule puante nommée Terre : les multinationales toujours à l’affut d’un mauvais coup susceptible de générer du fric.

L’agriculture de ce pays martyrisé a été en partie détruite et désorganisée. Les stocks de semences ont été drastiquement réduits puisqu’ils ont servi…à nourrir la population affamée. Dans ce contexte d’urgence alimentaire, et à l’approche de la saison cyclonique, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) promet l’envoi de 345.000 tonnes de semences d’ici la fin de l’année. Le cahier des charges de l’institution prévoit l’achat de semences locales ainsi que l’appui technique aux paysans. Voilà qui est cohérent et intelligent puisque s’appuyant sur les productions locales.



Et voilà que… Et voilà qu’une firme multinationale bien connue dans le monde des semenciers, transportée par un élan d’altruisme et de générosité, promet de faire don aux paysans haïtiens de… 475 tonnes de maïs à Haïti dans le cadre du projet Winner, une initiative de l’agence publique américaine d’aide au développement (la très célèbre et très controversée USAID). Un pissat de lapin représentant 0,13 % du total des semences dont Haïti a besoin cette année.

On se demande dès lors pourquoi ce don négligeable a mobilisé dans la rue, début juin, près de 12.000 paysans haïtiens hostiles à cette manifestation de générosité. Pourquoi ? Parce que la firme en question n’est autre que la très célèbre firme multi reprise de justice Monsanto (La multinationale a été condamnée pour pollution des sols, des nappes phréatiques et du sang des populations avec les polychlorobiphényles (PCB) aux Etats-Unis et au Royaume-Uni (Pays de Galles), et pour publicité mensongère quant à la nature soi-disant biodégradable de son désherbant Roundup aux Etats-Unis et en France (condamnée à New York en 1996 et à Lyon en 2008).

Monsanto ne propose pas d’OGM (enfin, pas encore) mais sa variété d'hybrides F1 qui a effectivement un avantage : elle offre une bonne rentabilité à tout producteur capable de fournir…une grande quantité d'eau, d'engrais et de pesticides. Car ce type d'organisme productif est en même temps fragile. Le vrai problème est là : les paysans doivent acheter chaque année les semences pour l’année suivante. De plus, le rendement optimal de ces variétés hybrides dépend de l’utilisation de pesticides. Résultat probable : une dépendance accrue des paysans sur les multinationales, leurs semences et leurs produits chimiques.

On connait l’altruisme de Monsanto (qui fabriquait l’agent orange utilisé pendant la guerre du Vietnam). Elle est par ailleurs dénoncée pour avoir contribué à ruiner des dizaines de milliers de paysans dans les pays les plus pauvres, comme l’Inde, où le surendettement des semeurs de coton a entraîné des vagues massives de suicide.

Le gouvernement ( ?!) haïtien se montre très favorable à cette « aide » de Monsanto. Au fait le directeur des opérations en Haïti du projet Winner n’est autre que M. Jean-Robert Estimé, qui fut ministre des affaires étrangères du « président à vie », M. Jean-Claude Duvalier ! Coucou ! Les revoilou les tortionnaires des dictateurs sanguinaires Duvalier père et fils et leurs célèbres « tontons macoutes ».

Au fait, l’envoyé spécial de l’ONU en Haïti est…Bill Clinton. Ancien président fort sympathique au demeurant mais… Faisons un petit rappel historique : dès 1981, sous l’administration Reagan, l’USAID fait pression sur le gouvernement haïtien pour substituer des produits d’exportation (cacao, coton, huiles essentielles) aux cultures vivrières. L’opération sera facilitée par l’octroi d’une aide alimentaire américaine équivalente à 11 millions de dollars. En 1995, un accord passé entre l’ancien président, M. Jean-Bertrand Aristide, et le président américain William Clinton pour lever les barrières douanières, a autorisé le « dumping » des produits agricoles américains (subventionnés) sur le marché local. Autosuffisante dans les années 1980, la production nationale haïtienne alimentaire satisfaisait moins de 40 % de la demande alimentaire locale à la veille du séisme… A sa décharge, Bill Clinton a présenté ses excuses au peuple haïtien pour les dommages causés par son administration. Plusieurs spécialistes, et même certains membres du Congrès américain, ont proposé que les Etats-Unis achètent les productions locales pour les distribuer aux populations plutôt que d’envoyer leurs propres produits agricoles. En vain. Dans l’état actuel, Haïti demeure l’un des tout premiers clients du riz américain.

Derrière ces embrouilles et ces enfumages « généreux », on discerne la volonté de Monsanto – et d’autres multinationales – de conquérir de nouveaux marchés et d’asservir la paysannerie haïtienne en la rendant tributaire de ses semences ainsi que des pesticides et autres saloperies chimiques concomitantes.

Vive le capitalisme ultralibéral !

Sources : http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-06-15-Haiti

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