Chirac aurait reçu 3 mios d'euros d'Abidjan
Jacques Chirac et Dominique de Villepin sont accusés, d'avoir reçu, par mallettes entières, des fonds occultes de dirigeants africains. Un ancien dirigeant ivoirien confirme.
L''ex-numéro 2 du régime du président déchu Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire a affirmé dimanche à l'AFP que quelque trois millions d'euros avaient été transférés d'Abidjan à Paris pour financer la campagne électorale de l'ancien président français Jacques Chirac en 2002.
Ces déclarations de M. Mamadou Koulibaly, actuel président de l'Assemblée nationale, confirment les accusations de l'avocat français Robert Bourgi, conseiller officieux pour l'Afrique du président français Nicolas Sarkozy.
«Robert Bourgi a parfaitement raison il y a eu un transfert d'argent entre Laurent Gbagbo (2000-2011) et Jacques Chirac, en 2002» a déclaré M. Koulibaly, faisant état «d'environ deux milliards de FCFA (environ trois millions d'euros) transportés d'Abidjan vers Paris par valise».
«J'ai dit au président (Laurent Gbagbo) que nous étions un pays pauvre et que nous n'avions pas d'argent à financer des élections d'hommes politiques de pays riches», a-t-il expliqué.
M. Koulibaly a ajouté avoir «rencontré Robert Bourgi à la table de Gbagbo en 2002, venu solliciter de l'aide en vue d'un financement de la campagne présidentielle en France».
«Monsieur, vous êtes jeune, quand on veut faire de la politique on est généreux», lui aurait répondu M. Bourgi devant son opposition.
Bourgi accuse
Dans le «Journal du Dimanche», l'avocat d'origine libanaise Robert Bourgi, 66 ans, décrit avec luxe de détails des remises de fonds d'Afrique - «plusieurs dizaines de millions de Francs», «incalculable !», dit-il - qu'il aurait opérées auprès de l'ex-président et l'ex-Premier ministre français entre 1997 et 2005.
Sa confession coïncide avec la sortie d'un livre-brûlot du journaliste-enquêteur Pierre Péan «La République des mallettes» décrivant un tourbillon de commissions et rétrocommissions autour d'Alexandre Djouhri, ami de M. de Villepin.
La noria de «valises» africaines aurait commencé pour M. Bourgi, selon lui, en mars 1997, «le jour de l'enterrement de mon maître Jacques Foccart».
Jacques Foccart créa, sous de Gaulle, la Françafrique, système décrié de réseaux d'influence maintenus par Paris avec ses ex-colonies d'Afrique noire.
«L'argent de tous les Africains sent le soufre»
Les livraisons auraient pris fin en 2005 quand M. de Villepin lança abruptement, selon M. Bourgi: «l'argent de tous les Africains sent le soufre».
«Par mon intermédiaire», «cinq chefs d'état africains -Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d'Ivoire), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et, bien sûr, Omar Bongo (Gabon) ont versé environ 10 millions de dollars pour cette campagne de 2002», prétend l'avocat.
L'actuel ministre des Affaires étrangères Alain Juppé n'est pas épargné. «L'argent d'Omar Bongo a servi a payé le loyer pendant des années» de son club 89, accuse M. Bourgi.
Rendez-vous devant une boutique de fleurs, tambours africains, surnoms fleuris («Villepinte», «Chambertin») émaillent ce récit. Pourquoi cet homme de l'ombre rompt-il son long silence ? «J'en ai assez des donneurs de leçons et des donneurs de morale».
Dans des documents diplomatiques ayant fuité via Wikileaks, M. Bourgi est décrit comme «un mercenaire uniquement préoccupé par son bien-être».
Souvent qualifié de conseiller officieux de Nicolas Sarkozy - à l'Elysée, on se contente de relever qu'il n'est dans aucun organigramme - M. Bourgi exonère le président qui «m'a demandé de travailler pour lui, mais sans le système de financement par valises ».
Au contraire, Michel de Bonnecorse, conseiller Afrique de Chirac, a assuré à Péan que Bourgi avait, avant 2007, déposé une mallette «aux pieds du ministre de l'Intérieur» Sarkozy.
L'Elysée ne commente pas
Accusation que l'Elysée a refusé de commenter.
Comme il avait qualifié le livre de Péan de «fantasmes», M. de Villepin parle à propos de Bourgi de «fariboles» et d'«écran de fumée».
«On voit ce lapin sortir du chapeau à un moment très particulier», pendant le procès Chirac et avant la décision d'appel sur Clearstream, analyse-t-il. «Volonté de salir la présidence Chirac», voire de ligoter ses propres ambitions présidentielles, a-t-il glissé.
Alors qu'à droite, on s'étonne que M. Bourgi ne s'adresse pas directement à la justice, Marine Le Pen, présidente du Front national s'est empressée de parler de «République pourrie jusqu'en son centre».
Le socialiste François Hollande a pour sa part demandé au ministre de la Justice l'ouverture d'une enquête sur ces graves allégations.
Interrogé auparavant par l'AFP sur l'éventuel lancement d'une procédure judiciaire, le parquet s'était refusé à tout commentaire.
(afp)
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