Tous les observateurs attendent, pour aujourd’hui, la contre-offensive générale de l’armée, pour purger Alep des groupes ASL qui y sont entrés, dimanche dernier.
Des renforts militaires importants, comprenant entre autres des chars lourds et des transports de troupes blindés sont arrivés ce jeudi à Alep, ont rapporté des témoins oculaires au site Arab-Press. Selon une source«sécuritaire» syrienne citée par l’AFP, les rebelles, au nombre de 1.500 à 2.000, auraient reçu eux aussi des renforts, environ, 2.000 hommes accourus de toute la région et au-delà.
C’est que chacun est conscient de l’importance de l’enjeu, après l’échec de l’ASL à Damas. Le quotidien syrien "Al-Watan" a même qualifié les combats pour Alep de «reine des batailles».
Les dernières 24 heures
Mais des combats ont lieu depuis plusieurs jours déjà à l’échelle de quartiers ou de sous-quartiers.
Voici en tous cas ce qu’on peut dire sur les dernières 24 heures :
- Quelques quartiers étaient dans la nuit de mercredi à jeudi le théâtre d’affrontements violents. Dont Salaheddine, et Sakhour. Dans le premier, près du centre, qui est le plus envahi par les miliciens, et leur sert de base de départ, l’armée avait mercredi détruit un pick-up transportant une mitrailleuse lourde, tuant tous ceux qui étaient à son bord. Alors qu’à Sakhour, les médias officiels ont signalé que l’armée régulière a tué nombre de miliciens ASL. L’agence Arab-Pressindique que des véhicules équipés de mitrailleuse ont aussi été détruits. Les médias pro-gouvernementaux ont encore fait état d’une attaque de miliciens contre le commissariat de police de ce quartier qui a été avortée.Deux autres attaques contre deux commissariats à Chaar et Kalassé se sont soldées par la mort de cinq policiers. Les deux sièges ayant été incendiés. Le correspondant du Figaro avait rendu compte, hier, de la chute du commissariat d’al-Chaar, au terme de trois jours de résistance.
Syrian Documenta fait état d’affrontements violents dans le quartier de Hamadaniyyé (secteur sud-ouest de la ville).Citant une source militaire, la radio iranienne IRIB affirme que l’armée régulière syrienne a repris en revanche le contrôle du poste de police principal et du bâtiment de la mairie situés dans la localité d’Azaz, à Alep. Les soldats ont arrêté au moins huit rebelles libyens et turcs, qui étaient en possession d’armes et de munitions. Au cours de l’assaut lancé contre Rif Al Ghamchli, un autre secteur de la ville, dix terroristes ont été tués et une impressionnante quantité d’armes et de munitions a été découverte. Après la reprise de ce quartier, des dizaines de terroristes ont été obligés de se rendre.
Il faut tout de même rappeler que la plupart des quartiers cités sont très peu étendus, et sont même plutôt des sous-ensembles de quartiers. Tout ceci dans une ville guère moins étendue que Paris.
Et maintenant, des sources «familiales» : une parente alépine de notre amie et collaboratrice Cécila a donné par téléphone cette nuit les indications suivantes :
- Rien à signaler dans le quartier de Mohafazat et dans la majorité de la ville d’Alep à part certains quartiers excentrés de l’est. La population de ces quartiers orientaux est rassemblée dans les écoles et les jardins de secteurs calmes de l’ouest, notamment, le quartier de la Nouvelle Alep et Liramoun. Les gens essaient de trouver du ravitaillement : les boutiques et les ateliers sont fermés par peur de ces groupes armés très dangereux.
Ceux-ci passent avec leurs véhicules et tirent et mitraillent un peu au hasard.. Ils ont aussi ciblé un poste de police alors que les policiers déjeunaient avant le jeûne du ramadan et les ont tous tués.
Un ami de la parente de Cécilia est allé voir du côté de la citadelle ; il a pris sa voiture, l’a garé à Bab Quinesrin et est allé tranquillement à la citadelle présentée comme assiégée par les rebelles par le correspondant du Figaro ! Ce témoin a dit n’avoir rien vu de bizarre.
La direction ASL saisie par le doute, ou des doutes
Puisqu’on a cité plus haut "Le Figaro" dont le correspondant Adrien Jaulmes, nettement pro-rebelle, prétend – à l’unisson de sa collègue du Monde Florence Aubenas – que l’ASL contrôle la majorité d’Alep, voici ce qu’en dit un reporter de la BBC britannique : dans un article posté, tôt, ce matin, sur son site Internet, la BBC citant Lurk Harding du quotidien "The Guardian", qui se trouve à 50 km d’Alep (comprendre à la frontière Turque) affirme qu'il est «exagéré» de prétendre que les rebelles contrôlent la moitié d’Alep.
C’est encore la BBC qui a recueilli l’avis de l’opposant (modéré) syrien, Talal Mahini qui doute de la capacité des miliciens à garder le contrôle des régions d’Alep assez longtemps. «L’opposition syrienne manque de soutien stratégique et d’armes» a indiqué le fondateur du courant «Pour l’édification de l’Etat syrien», lors d’un entretien avec la BBC.
Ces soupçons sont nourris par les déclarations du chef de la milice ASL, le colonel dissident Riad al-Asaad, qui a refait surface à la faveur d’un entretien accordé à la télévision saoudienne Al-Arabiya. Que dit al-Asaad, apparement, en délicatesse avec certains autres dirigeants de l’ASL ? Que de grandes quantités de munitions étaient acheminées de la Turquie vers Alep. Mais aussi que «des embuscades lui (à l’ASL) ont été dressées, dans toutes les régions», par l’armée, et, sans doute, des milices kurdes, qui ont causé des pertes sensibles aux colonnes rebelles.
Même absence de triomphalisme de la part du vice-commandant de l’Armée syrienne libre, le général dissident Malek Kurdi, qui a lui aussi reconnu que la situation sur le terrain était «très compliquée».
«L’armée syrienne libre souffre d’un problème dû aux tentatives préméditées de l’affaiblir et de lui tondre le bras, après l’avoir armée, sans compter le chaos qui sévit et qui est nourri par des protagonistes régionaux et internationaux», a-t-il expliqué dans un entretien avec le journal saoudien "Al-Yaoum" (Aujourd’hui). Kurdi a également reconnu que «des erreurs énormes ont été commises par les opposants syriens influent sur le cours de la révolution, ce qui a eu beaucoup d’impact sur la réalité de la révolution et sur l’Armée libre».
Assassinats, enlèvements & exécutions sommaires
Tant Jaulmes-"Figaro" qu’Aubenas-"Le Monde" nous décrivent les ASL d’Alep, comme d’estimables jeunes gens, courageux et responsables, préoccupés uniquement de lutter contre la tyrannie, et prêts à mourir pour cette cause sacrée. C’est du reste ce que suggère le titre d’un article de "Libération", publié, mercredi : «À Alep, les rebelles attendent l’armée syrienne, et la mort».
Ce mépris de la vie, les sympathiques jeunes gens de l’ASL ne le pratiquent pas que pour eux-mêmes : un photographe de l’AFP, rapporte Libération dans son article du 26 juillet, assiste à l’exécution, d’une balle dans la tête, de deux jeunes gens accusés d’être des chabihas. La chose se passe dans la nuit de mercredi à jeudi à Salaheddine, point d’appui principal des rebelles.
D’autre sources indiquent que les insurgés ont arrêté 23 personnes sur la même accusation d’appartenance aux chabihas devant le lycée de théologie musulmane et la mosquée de Salaheddine avant de les exécuter sommairement dos contre le mur de la mosquée et le lycée.
Selon le site alépin Taht-l-Mijhar, trois cadavres qui semblent être ceux des membres du club des officiers et d’autres cadavres appartenant à des membres de la police militaire ont été retrouvés dans plusieurs quartiers d’Alep. De plus 6 fonctionnaires de la société Azzouz, une société privée ont été kidnappés ce jeudi matin alors qu’ils se rendaient à leur travail. Les enlèvements se sont multipliés dans cette ville, perpétrés par des groupes qui se revendiquent de l’ASL, en échange de rançon.
Mais la fureur épuratrice des amis d’Adrien Jaulmes et de Florence Aubenas ne se limite pas aux policiers et chabihas : le Cheikh Abdulatif al-Chami, Imam de la mosquée Aminah bint Wahab, a été arrêté par eux, devant les fidèles, ceux qui tentaient de s'interposer étant menacés. Quelques heures après, ils le tuent, en diffusant une vidéo intitulée «Les chabbihas tuent Abdulatif al-Chami», attribuant selon une méthode rodée depuis longtemps, leurs crimes à leurs adversaires !
D’après le site - anti-opposition – Syriatruth, les auteurs de ce meurtre appartiendraient à la brigade de Liwaa al-Tawhid (Unicité) liée aux frères musulmans de Farouq Tayfour, membre du CNS.
Le cheikh al-Chami était très proche du Grand Mufti de la Syrie, Ahmad Badr al-Din Hassoun, résolument pro-gouvernemental, et il a toujours prêché contre les semeurs de haine et de mort au nom de l’Islam. En quelque sorte, cet homme de Dieu, assassiné par des islamistes fous en plein ramadan, est devenu un nouveau martyr de la Syrie multi-confessionnelle – et laïque.
Il n’y a pas que les exécutions et les assassinats, il y a aussi les enlèvements : la correspondante alépine de Cécilia signale que des amis à elle sont sans nouvelle de leur plus jeune fils enlevé contre demande de rançon.
Plus tôt, un neveu de la parente de Cécilia avait lui aussi été enlevé contre rançon mais relâché après quelques jours : on ne sait plus toujours ce qui relève du terrorisme « pur » et ce qui est à mette au compte du banditisme. Mais il est évident que le second prospère à partir du premier.
En résumé…
L’armée et les services de sécurité ont donc, ces jours-ci, concentré de gros moyens sur Alep. Des combat préliminaires, ces dernières 48 heures, semblent avoir permis de contenir les rebelles dans des quartiers de l’est et du sud de la ville ; la citadelle serait toujours au mains des gouvernementaux, de même d’ailleurs que la majorité de la ville. Les habitants ne fraternisent pas avec les ASL, mais évacuent au contraire les secteurs où ils ont pu s’implanter.
Si ce qui est dit au début de l’article est vrai, les rebelles auraient été renforcés ces dernières 48 heures de 2.000 combattants, et pourraient donc compter de 3 à 4.000 hommes. Ces chiffres sont peut-être exagérés, mais le fait qu’ils aient pu entrer dans la ville, après une première colonne de plusieurs centaines d’hommes dimanche, peut faire penser que les autorités politiques et militaires syriennes ont choisi, après leur succès à Damas, d’attirer l’ASL dans cette grande cité à forte valeur symbolique et stratégique pour la saigner à blanc en une bataille, au lieu des innombrables et épuisants accrochages quotidiens.
La porte-parole du Département d’État américain, Victoria Nuland, a déclaré jeudi que son pays – qui s’y connait en la matière – redoutait un «massacre» à Alep. Nos lecteurs avaient, bien sûr, rectifié d’eux-mêmes : c’est le massacre de l’ASL que l’administration Clinton/Obama redoute, et peut-être n’a-t-elle pas tort.
source info-syrie