Ces deux dernières semaines resteront sans doute dans l’Histoire de France. Le PS, non content de chuter d’une façon indicible, vient de voter quasi-conjointement deux lois dont la portée semble aussi rocambolesque que destructive sur le plan social.
Il s’agit primo, vous l’aurez deviné, de la légalisation du mariage homo ou de la ratification définitive du projet de loi Taubira. Secundo, jeudi dernier a été marqué par la suppression de la notion de race dans les textes de loi français, ces derniers prévoyant en outre la conservation du mot racisme dans toute sa réalité et sa gravité pénale. Un troisième fait non moins intéressant vient ponctuer cette série de réformes exotiques : la relance d’une polémique relativement vieille portant sur le droit de vote des étrangers non communautaires aux municipales.
Ces trois sujets, a priori très peu liés, font en réalité partie intégrante d’une mosaïque parfaitement représentative. Voyons en quoi.
- Applaudissant la ratification de son projet de loi, notre garde des Sceaux a prononcé une phrase autrement plus importante que cela ne puisse paraître : « Chacun d’entre nous, dit-elle, est singulier ».
- Motivant la suppression du terme race des textes de loi français, l’Assemblée nationale argue du fait que « la République combat le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Elle ne reconnaît l’existence d’aucune prétendue race ».
- Soulevant la question du vote des étrangers non communautaires aux municipales, M. Hollande prononce lui aussi une thèse clé qui résume à merveille sa vision de l’idée de nation : « Notre pays se doit de reconnaître un nouveau type de citoyenneté qui ne soit pas uniquement le fruit de la nationalité ».
L’analyse s’impose maintenant d’elle-même. Soit je suis vieux jeu, soit mon imagination devient défaillante, mais je crois distinguer dans ces trois thèses les unes plus passionnantes que les autres un manque de logique flagrant.
La singularité de chacun d’entre nous évoquée par Mme. Taubira, tout en restant une réalité indéniable, n’est pas une raison suffisante pour être universalisable à l’échelle d’une loi subitement imposée. M. Un Tel est par hypothèse homo. Il n’affiche pas ses affinités, vivant son amour ou ses passions en solitaire (plus-moins quelques connaissances mises au courant). Soit, pourquoi pas ? Il est ici bel et bien question de sa singularité que je respecte entièrement dans l’esprit, par exemple, de la dernière édition du Catéchisme catholique. Si par contre M. Un Tel s’applique à me démontrer que sa singularité sexuelle est aussi universalisable et efficace que celle de son voisin, hétéro, je présume qu’il sera vite à court d’arguments. L’homosexualité universalisée ne profite pas plus aux intérêts d’un Etat (armée y compris et surtout l’armée !) qu’à l’identité d’une nation. L’unisexualité qui se cache derrière amènera tôt ou tard à la dissolution totale du système déontologique d’une civilisation. L’homogénéité du genre conduira et conduit d’ailleurs déjà au transsexualisme, d’une part, de l’autre, à des revendications criminelles du type « je suis pédophile, c’est ma singularité, pourquoi n’aurais-je pas les mêmes droits que les homos » ? Cette dernière tendance, relevée à plusieurs reprises aux USA, discrédite indirectement la logique de Mme. Taubira tout en nuisant très fortement aux homosexuels dès lors erronément associés à ces individus-là. Tout le monde y perd : l’Etat-nation, notre système de valeurs de plus en plus alambiqué, sinon embrouillé, les homosexuels eux-mêmes dans leur singularité.
La dissolution du genre et le culte sous-jacent de toute singularité est à percevoir sous un angle bien plus large. On constate que le PS, se prenant sans doute pour un magicien ou un incantateur droit sorti des tréfonds de Brocéliande, essaye d’effacer des réalités ineffaçables en effaçant les mots qui les désignent. Disant singularité, peut-être devrais-je arrêter de croire en l’origine on ne peut plus naturelle de l’union homme-femme. Maintenant, si j’arrête de dire race, arrêterais-je de voir, pour simple exemple, des métisses ou des créoles ? Si maintenant je parle d’une civilisation indo-européenne, devrais-je dire ethnie indo-européenne et non pas race indo-européenne ? Avec grand plaisir, mais le dictionnaire vient de me renvoyer à la synonymie des deux termes. Le fait que des atrocités sans nom aient été commises sous le III Reich sous l’égide de la notion de race a certes noirci la portée du mot en tant que tel mais si je me figure quelles atrocités avaient été commises au nom de la Révolution de 1789, donc, au nom de la République, devrais-je supprimer le terme République en en inventant un autre ? Idem des années noires du communisme soviétique de type stalinien !
Mais la cerise sur le gâteau, cette fois, c’est la conservation du terme racisme dans les textes de loi. Il aurait été plus logique de garder xénophobie, notion extrêmement plus large à laquelle on ne trouverait rien à redire. Or, on nous emmêle délibérément les pinceaux pour dissoudre, là encore, les repères anthropologiques immuables que nous avions jusqu’ici. La xénophobie est formée sur le terme phobie qui signifie peur. Un xénophobe a peur de ce qu’il ne connaît pas. Il est question d’une circonstance atténuante qui est refusée au raciste, conscient de son délit. Si donc je tiens des propos désobligeants à l’égard d’une femme portant le voile intégral dans un lieu public, je serai qualifié(e) de raciste, alors que mon grief était d’ordre socioculturel. Le PS s’imagine donc liquider la réalité des ethnies aussi appelées races tout en ressuscitant cette réalité à tout bout de champ … même là où il n’y a rien à ressusciter.
Une même logique de dissolution se retrouve dans les propos tenus par M. Hollande par rapport au vote des étrangers. Citoyenneté et nationalité, au demeurant indissociables, ne devraient plus être liés. Nous assistons, d’une part, à une dévalorisation totale de l’idée de nation, de l’autre, à la commercialisation de la citoyenneté rappelant vaguement le principe du suffrage censitaire mais dans sa version dénaturée puisque le système censitaire, si répréhensible qu’il soit à mes yeux, ne concerne que les citoyens de tel ou tel pays. En fait, le projet de loi formulé par le Président est beaucoup plus ancien qu’on ne le pense puisqu’un projet constitutionnel datant de 1793 prévoyait déjà d’accorder le droit de vote aux étrangers. Il fut abandonné en 1799 comme peu pertinent. François Mitterrand l’avait déterré en 1981 dans ses intérêts personnels pour le réenterrer une fois au pouvoir. Et M. Hollande, quel but poursuit-il au juste ?
On ne réécrit pas les fondements d’une civilisation dont le couple productif homme-femme au même titre que la synonymie nationalité-citoyenneté font partie. Or, un lobby oligarchique en pleine décomposition veut nous convaincre du contraire. Je vous renvoie à ce triste passage de Mathieu Gauvin de l’Université de Laval : « Mon attachement pour la civilisation occidentale est douloureux. Comment aimer quelque chose qui se déteste et s’adule à la fois, comment éprouver une affection soutenue pour un être qui ne veut pas comprendre qu’il doit se redresser, qu’il n’est plus tout à fait lui-même ? ». Cette interrogation est au fond très juste dans la mesure où, à commencer par l’ère Mitterrand, nos gouvernements semblent se détester tout autant qu’ils semble aduler d’étranges chimères démocratiques qui sont à notre civilisation ce qu’est aux vivants, selon l’expression originale d’Emile Cioran, le voisinage d’un cadavre parfumé. A partir du moment où on cessera de se délecter du parfum pour voir enfin le cadavre, notre civilisation sera peut-être sauvée.
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