Prendre le risque de voir encore des soldats français se faire tuer dans des opérations militaires qui officiellement du moins, sont menées afin de protéger des nations dont les populations, de bonne ou mauvaise foi, accusent la France de soutenir leurs ennemis, est une situation insoutenable pour le président de la république comme pour la France elle-même…
Dans la mesure où ces accusations sont proférées par des personnalités en vue, de ces nations et même, par certains membres des appareils d’état, ceci nécessite une clarification de la part de leurs dirigeants qui dans les faits, et même s’il est évident que la défense des intérêts français a pesé dans la décision, ont bien demandé cette intervention de l’armée française dans le cadre d’accords de défense, à l’heure où plusieurs organisations clandestines menaçaient l’intégrité de leurs territoires…
Dans ce sens, les présidents des cinq nations africaines qui participent à l’organisation de coopérations économique et militaire dite G5 Sahel, ont été convoqués en France, ce qui a déclenché une vague de mécontentement dans les populations qui ont vécu cette démarche pourtant parfaitement logique, comme une assignation, afin de lever toute ambiguïté, au moins au niveau des responsables, quant aux missions qu’ils espèrent voir accomplies par l’armée française dans cette région…
L’opération ne sera pas simple du point de vue diplomatique, mais il serait souhaitable que le chef de l’état saisisse très opportunément, voir en en exagérant la réalité, la contestation de l’engagement français par les opinions publiques africaines, pour précisément se dégager de ce guêpier dans lequel l’armée s’est trouvée fourvoyée, dans une guerre asymétrique qui comme telle, ne peut être ni gagnée ni perdue, mais dont les coûts humains et financiers ne manqueront pas de devenir de plus en plus élevés, dans une confrontation sans fin et dont la nation en subira en fin de compte bien plus de dommage qu’elle n’en tirera de profit…
Bien-sûr, ceci sera un coup très dur porté à ces nations qui dans ce qui est déjà leur désolant état de faiblesse, verront la guerre achever de totalement les ruiner. Car ce départ sera le signal donné à des assaillants puissamment armés, pour mener des offensives contre les régimes en place qu’ils honnissent, offensives qui à l’usure, ne manqueront pas de leur ouvrir tôt ou tard les portes des capitales si les armées nationales, bien trop faibles et sans moyens financiers pour se renforcer, ne sont pas soutenues par une aide étrangère, ce qui se serait d’ailleurs déjà produit s’il n’y avait eu cette intervention française.
Ceci, d’autant qu'il ne s’agit pas en ce G5 Sahel, d’une simple organisation militaire, mais d’un organisme dont l’objet principal qui curieusement demeure le moins connu, est le développement. Car il a en effet été conçu avec l’idée que ce développement soustrairait les populations les plus démunies, aux sirènes des fondamentalistes religieux qui promettent de leur offrir des conditions de vie bien meilleures, en échange de leur adhésion à leur projet de société.
C’est ainsi que cette organisation parraine plus de cinq cents projets de développement dans différents domaines, et dont le coût de leur réalisation est estimé à plus de 12 milliards de dollars, une somme absolument considérable pour ces nations. Mais il est clair que rien de tout cela ne sera engagé, tant que l’ordre ne règnera pas dans la région.
De là l’intervention de l’armée française qui, en plus de protéger les entreprises françaises qui exercent dans la région dans des domaines sensibles comme l’exploitation des mines d’uranium, et à condition bien-sûr que cette intervention se fasse dans la stricte légalité internationale, donc à la demande clairement formulée des nations concernées, s’adonnait depuis des décennies déjà à une forme bien-sûr non avouée et inavouable de “mercenariat”. Ceci, en se portant promptement candidate pour des opérations de force onusiennes à la décision desquelles la France participait en tant que membre permanent du conseil de sécurité, et pour lesquelles elle était payée par les Nations Unies…
Les gouvernements français successifs trouvaient ainsi un moyen d’entretenir à un très haut niveau de compétence et d’équipement, une puissante armée devenue professionnelle, grâce au financement onusien d’incessantes opérations extérieures, qui rentre dans une ligne budgétaire différente de celle de la défense nationale, et qui relève du secret d’état. Ceci, d’autant que les autres nations quant à elles, dont les expériences militaires ne sont bien-sûr pas au même niveau que celui de cette nation guerrière et impérialiste, rechignaient à envoyer leurs soldats aller se faire tuer sur des sites lointains, dans des opérations dont il était évident qu’elles n’avaient rien à y gagner…
Ainsi, après avoir fait reconnaitre la légitimité et la légalité de leur intervention au Sahel par les Nations Unies, les Français ont voulu faire inscrire celle-ci sous le chapitre VII de la charte de l’illustre assemblée, afin qu’elle leur soit financée par celle-ci, comme d’habitude. Mais c’est alors que les Etats-Unis et la Grande Bretagne, nations que nombre de Français continuent à vivre naïvement comme étant leur alliés, mais qui n’ont absolument aucun intérêt à défendre dans ces zones d’influence française, et qui disposent chacune d’un droit de véto, se sont farouchement opposées à ce financement…
Cette déconvenue va plonger le gouvernement français dans une grande difficulté dont le général chef d’état major des armées, qui s’offusquait bruyamment de voir les coupes sombres portées au budget régulier de la défense nationale, pour pouvoir financer sans que cela ne soit jamais révélé, ces opérations extérieures, en fera les frais…
Il est manifeste à ce sujet que la volonté du président de faire appel à l’Otan dans cette affaire, ne relève pas d’une nécessité militaire mais bel et bien d’une nécessité budgétaire, pour remplacer un financement onusien par un financement otanien…
La situation actuelle, c’est que sur les 12 milliards de dollars promis pour le développement, pas un seul centime n’a encore été donné, et que sur les 415 millions de dollars nécessaires pour équiper, entrainer, et rendre efficacement opérationnelles les troupes de la coalition militaire, à peine la moitié à été versée, les différentes nations se moquant pas mal de respecter leurs engagements pour une région désolée où elles n’y ont aucun intérêt…
C’est ainsi que l’Union européenne qui devait participer à hauteur de 100 millions d’euros, dont 7 pour la France, n’a à ce jour pas versé un seul centime, pas d’avantage que l’Arabie saoudite qui devait donner 100 millions de dollars, et les Emirats, 30 millions de dollars, les nations de la zone ne pouvant donner chacune que 10 millions de dollars. Ceci, de sorte que ce qui caractérise le plus le G5 Sahel, c’est qu’il a les poches trouées…
Si donc l’armée française s’en va, le coup sera redoutable pour ces nations car aucune autre nation que la France qui possède pourtant une longue expérience de ce genre de conflit mais qui rencontre des difficultés, et qui a des intérêts à la fois économiques et géopolitiques dans la région, ne se portera candidate pour affronter une guerre asymétrique désespérante, et n’enverra contre son opinion publique ses soldats se faire tuer dans ces pays lointains et désolés. Dès lors, la déstabilisation de toute la région qui s’en suivra, enterrera pour de longues années toutes les velléités de développement en privant ces nations instables, déjà si mal notées par les différentes agences, de tout financement, qu’il soit public ou privé…
Cependant, il semble que c’est ainsi que les choses devraient se faire pour que les populations de la région remettent une bonne fois les pieds sur la terre pour bien comprendre quelle est leur situation et où se trouve leur intérêt, et parce que la logique historique ne peut pas les priver d’endurer, comme ce fut le cas pour les autres nations, les épreuves redoutables du prix d’une indépendance, au demeurant illusoire, dont elles se réclament…
Richard Pulvar
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