Si l’Afrique reste l’éternelle vaincue du monde, 50 années après les indépendances, ce n’est pas dans l’activité passéiste de l’héritage des ‘Grands Blancs’ qu’il faut aller chercher le refuge qui fait le lit facile et juteux de la victimisation. Une posture qui sonne fausse selon le poète Amadou Lamine Sall. Ce dernier, convié en début de mois à un colloque international à l’Université du Québec en Outaouais au Canada sur ‘Savoir, culture, développement et renaissance de l’Afrique’, pointe un doigt coupable en direction des hommes politiques africains.
(Correspondant permanent - Montréal) - Sur le thème ‘Culture de résistance et développement en Afrique’, Amadou Lamie Sall a voyagé dans le temps et dans l’histoire du continent noir pour démontrer la culture de résistance des fils de l’Afrique. Une résistance face à l’envahisseur à travers ce que le poète nomme ‘une culture de combat’ qui a permis à l’Afrique de garder sa survie malgré des siècles d‘occupation et d’exploitation. ‘Tout au long de son histoire qu’il s’agisse de la période anté-coloniale, de la période de la traite négrière, de celle de la colonisation ou de l’ère post-indépendance, l’Afrique a développé des actions de résistance prenant différentes formes : actives, violentes physiques, spirituelles, morales, linguistiques, culturelles, vestimentaires, architecturales, mystiques. Cette résistance s’est aussi manifestée dans des mythes ésotériques, des narrations verbales, écrites, imagées ou symboliques, des contes, proverbes, des récits épiques, dans la théologie, la pharmacopée, la musique, l’art culinaire…’, témoigne l’écrivain.
Mais en dépit de cette résistance, l’Afrique moderne 50 ans après les indépendances reste encore victime du formatage colonial. Le poète note que ‘la macération coloniale a été telle que 60 ans après les indépendances, des générations restent encore l’otage inconscient des préjugés, écoles de pensée et des corpus axiologiques du monde colonial et post-colonial qui ont créé des identités mal maîtrisées, un brouillage idéologique et culturel terrifiant’. Seulement, le triomphe idéologique d’un tel système a été surtout possible par le soutien des élites politiques africaines. ‘En Afrique, ce sont les hommes politiques qui sont actionnaires du désastre. L’Afrique a été longuement et patiemment exploitée non pas seulement par l’Occident, mais également par ses propres enfants’, souligne Amadou Lamine Sall. Ce dernier ajoute que ‘les politiciens, en général et dans leur plus grand nombre, ne sont pas nés pour servir leur pays et le monde, ils sont nés pour gagner de l’argent. Ce n’est pas seulement chez nous que le mot politique a une mauvaise réputation. Désormais, il sert même d’injure’.
50 ans d’échecs suffisent, le temps de relever la tête
Partant d’une intime conviction que malgré le constat que ‘c’est l’Afrique qui secrète elle-même son propre venin’, il n’y a plus raison au regard de la raison que l’Afrique continue à être l’éternelle vaincue du monde. Nonobstant les difficultés encore réelles en Afrique, le continent noir se porte mieux, selon le poète. L’écrivain note que ‘l’Afrique n’est pas aujourd’hui le continent où l’on souffre le plus’. ‘L’Europe que je vois aujourd’hui produit une telle misère, une telle solitude que j’ai du mal à comprendre comment fonctionnent les indices de prospérité’, fait remarquer Amadou Lamine Sall. Selon lui, des changements majeurs s’opèrent sur le continent en termes d’approfondissement de la démocratie, de réformes économiques qui tiennent en compte des données exogènes en lieu et place des modèles occidentaux ou imposés de la Banque mondiale.
L’autre atout de l’Afrique, c’est l’émergence de la Chine comme acteur africain majeur qui remet en question la suprématie du modèle occidental et la coopération ouverte avec de nouveaux acteurs comme l’Inde, le Brésil. Autre changement perceptible, selon l’écrivain, c’est que ‘les conflits s’estompent et l’Afrique fait désormais appel à l’Afrique comme médiatrice et non plus l’extérieur. Sur le plan économique, l’Afrique comble son retard sur la mondialisation. Les flux d’investissement étrangers en Afrique ont doublé en passant à 19 milliards de dollars en 2006. Les contributions de la Diaspora ont atteint huit milliards de dollars annuels’. Amadou Lamine Sall se félicite de l’ancrage de plus en plus fort dans le continent de la prégnance des bonnes politiques nationales endogènes sur l’aide étrangère. Il précise, cependant, que ‘c’est à partir de nos pays et dans nos ensembles sous-régionaux que nous créerons les meilleures garanties et les plus solides conditions de la croissance, de la stabilité et de la prospérité’.
Abdou Karim DIARRA
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