Voici bientôt sept ans que le premier président démocratiquement élu de l’histoire d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide, a été enlevé par un coup d’État organisé par le gouvernement de George Bush, avec l’appui de la France et en particulier du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Dominique de Villepin qui, pour cette basse besogne, avait utilisé sur place sa propre sœur, Véronique de Villepin-Albanel, le peu scrupuleux et très ampoulé Régis Debray, intellectuel de pacotille qui, le 357 magnum à la ceinture, ou du moins sous la protection de gardes armés jusqu'au dents, faisait mine de réfléchir sur l’avenir des relations franco-haïtiennes, et l’ambassadeur Thierry Burkard, spécialement dépêché par Villepin pour déstabiliser le gouvernement haïtien. C’est le chargé de presse de l’ambassade, Eric Bosc, un bien curieux diplomate, expulsé depuis du Togo pour ingérence, qui se chargeait d’intoxiquer la presse française sur les prétendues «turpitudes» du président haïtien. Jean-Bertrand Aristide a été enlevé chez lui en pleine nuit par les forces spéciales de Washington, menées par le résident de la CIA à Port-au-Prince, Luis Moreno, ainsi que l’a parfaitement relaté Franz Gabriel, un témoin oculaire, dans un livre de Randall Robinson, Haïti l’insupportable souffrance. Un avion des services spéciaux américains, après plusieurs dizaines d’heures d’errance, a conduit le président en Centrafrique, où la France est devenue le geôlier de ce nouveau Toussaint Louverture. Il s’en est fallu de peu que l’ancien prêtre, vilipendé et calomnié par une presse aveugle, ne soit assassiné dans les geôles de Bozizé et que la France ne soit accusée d’avoir fait le coup… Un avion affrété par ses amis a fort heureusement pu venir le chercher et le conduire en Jamaïque, avec l’accord de la Caricom, avant que l’Union africaine ne prenne le relais en chargeant l’Afrique du sud de l’accueillir. C’est là bas qu’il a subi un exil forcé de près de sept ans. Sept années où, sous la protection des services sud-africains, il a enseigné à l’université de Prétoria. Sept années pendant lesquelles il a pu compter ses amis. En particulier en France où peu de voix, hormis la mienne, se sont élevées pour prendre la défense d’un homme injustement calomnié. Ce qui m’a valu maintes insultes, de la part des pires macoutes qu’une certaine France tient pourtant en haute estime. N’a-t-elle pas hébergé et protégé depuis 1986 un dictateur notoire, Jean-Claude Duvalier, parti lui, il est vrai, avec plusieurs centaines de millions de dollars d’économies ? Je n’ai jamais caché l’amitié et l’estime que je porte à Jean-Bertrand Aristide, depuis notre première rencontre, lorsqu’il préparait, l’été 2003, avec de bien maigres moyens, le bicentenaire de son pays, rappelant au passage que la France avait une dette de 21 milliards de dollars, extorqués par la force en 1825 à la jeune république. Les calomnies déversées sur le président haïtien, évidemment motivées par la volonté de saboter le bicentenaire de la première république nègre et d’écarter du pouvoir un homme jugé dangereux par son intelligence et son charisme, ne m’ont jamais fait dévier de cette amitié et il ne s’est jamais écoulé plus de cinq semaines sans que nous nous parlions longuement au téléphone. J’ai la très ferme conviction que Jean-Bertrand Aristide peut et doit à présent rentrer pour aider son pays meurtri par un cataclysme, une épidémie, et la déstabilisation entretenue depuis deux siècles par des Occidentaux racistes, à se reconstruire. Au moment où un Bébé Doc rentre tranquillement au bercail, et où Villepin a enfin compris que Napoléon ne paie plus, ce serait bien la moindre des choses. Ce qui a conduit les pays dominants, c'est-à-dire les anciens colonisateurs esclavagistes, à empêcher Jean-Bertrand Aristide de rentrer (tout simplement en refusant depuis sept ans de lui délivrer un passeport) c’est qu’à son arrivée, des dizaines, des centaines de milliers d’Haïtiens descendront dans la rue pour acclamer leur président. Depuis sept ans, les manipulations, les forces d’occupation, les élections truquées, les assassinats, les mensonges d’une certaine presse, n’en ont jamais effacé le souvenir. Avec Jean-Bertrand Aristide, nous avons souvent, et il y a seulement quelques heures encore, évoqué ce moment que j’espère bien partager avec lui. Très prochainement, peut-être.
Claude Ribbe
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