Zouk. Essai raté de «buddy movie» à la française sur l’esclavage.
La première réalisation ciné de Thomas N’Gijol et Fabrice Eboué, deux vedettes du Jamel Comedy Club, fait déjà polémique sur le Net après les quelques avant-premières en province et les projections de presse. «Case Départ est-il un film raciste ?» titre le site Filmsactu.com, pour répondre à la vidéo de la militante et chanteuse Joby Valente, qui accuse les deux scénaristes-coréalisateurs-comédiens «de ridiculiser et de banaliser la traite négrière», et les affuble du doux nom de «collabos». Ce genre de caractérisation lourde de sens historique devrait sans doute être manipulée avec davantage de précautions.
Case Départ n’est certainement pas un film raciste, mais il n’empêche que les deux apprentis cinéastes ont raté leur objectif : traiter avec humour l’horreur de l’esclavage, entreprise peut-être a priori vouée à l’échec. Ce film potache est à la croisée de deux genres comiques : la téléportation de deux personnages dans le passé, motif scénaristique vu et revu avec les Visiteurs, et le budy movie à la française avec ses duos désaccordés, deCorniaud en Bienvenue chez les Ch’tis.
Case Départ raconte l’histoire de deux demi-frères, Joël et Régis, qui vivent leur négritude en France de manière totalement opposée. Jeune de banlieue, Joël, très noir de peau, ex-taulard, père célibataire toujours chez sa mère, converti à l’islam comme les copains de cité, est un rebelle à deux balles, prêt à sortir la carte du racisme à toute occasion. Clair de peau, Régis, employé municipal, marié à une blanche, humilie tout ce qui est en dessous de son statut social (une mère africaine en recherche de logement ou des mendiants roumains), mais encaisse sans broncher les blagounettes racistes de son maire.
A la mort de leur père antillais, Joël et Régis reçoivent en héritage la lettre d’affranchissement de leurs ancêtres esclaves. Bêtes à manger du foin, ils la déchirent et se retrouvent envoyés en 1780 par une tante, prêtresse vaudou. Capturés, vendus au marché en slip kangourou à la famille Jourdain, les demi-frères vont vivre les deux conditions d’esclaves : le nègre de maison et le coupeur de canne. Tous les poncifs y passent, le contremaître, blanc et sale, pauvre bougre presque aussi maltraité par les patrons, est obsédé par la «grosse bite» de ses ouvriers ; les chasseurs d’esclaves en fuite sont consanguins ; le commerçant qui rapporte les produits frais de France est juif (la joute verbale entre l’acteur Michel Crémadès et les deux larrons reste un des meilleurs moments du film)…
Le stand-up comme genre comique plein de ressources connaît en France un renouveau rafraîchissant, grâce précisément à un certain nombre de comédiens issus, comme on dit, «de la diversité». Mais chacun son talent et d’évidence nos compères ont placé la barre soit trop haut, soit trop bas !
STÉPHANIE BINET
CASE DÉPART de THOMAS N’GIJOL, FABRICE EBOUÉ etLIONEL STEKETEE avec Thomas N’Gijol, Fabrice Eboué, Stefi Celma, Joséphine de Meaux… 1 h 34.
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