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mercredi 17 mars 2010
La « maison des esclaves de Gorée»
Chers lecteurs, chers amis et confrères,
Comme vous devez le savoir maintenant, ce mythe de la « maison des esclaves de Gorée» a été inventé par un médecin chef de la marine française dans les années 1940-1950 ; Pierre André Cariou (manuscrit « Promenade à Gorée » disponible à la BNF Paris et à Aix en Provence CAOM).
Dans les années 1980-1990, les médias se sont penchés sur l'équivalent noir de la Shoah juive suite au succès du film Racine ; ne trouvant pas de site "mémoire" en Afrique, ils ont découvert cette histoire pour touristes européens de passage au Sénégal, "La maison des esclaves de Gorée". Saisissant la balle au bon le guide touristique de cette maison peu visitée a su en faire peu à peu un mythe cette fois destiné aux afro-américains et caribéens. Les afro-américains inspirés par le travail de mémoire remarquable sur la Shoah ont eu besoin à leur tour d'avoir l'équivalent des lieux de mémoires consacrés aux victimes juives de la Shoah. L'Afrique étant pauvre, ils ne trouvèrent pas d'interlocuteurs formés et de supports de communications culturels sur cette période sombre de l'histoire du continent.
Seul le Sénégal grâce au Président Senghor a toujours eut la notion de "Culture et Patrimoine". Par conséquent leur attention se tourna vers ce pays qui fut le seul en mesure de leur répondre en s'appuyant sur cette histoire de "Maison des esclaves" inventée par Pierre André Cariou, médecin chef de la marine française. Joseph N’Diaye s'était donc trouvé au bon endroit et au bon moment, n’était t’il pas ce petit garçon qui faisait des courses pour Pierre André Cariou dans les années 1940 et qui avait assimilé l’histoire romancée de son mentor.
Peu à peu les touristes affluèrent des Amériques. L'erreur a été de laisser un guide touristique sans formation gérer cette affaire sans la tutelle administrative car n’étant pas fonctionnaire. Cela s'explique fort bien car le Sénégal des années 1980 ne connaissait que le tourisme balnéaire. Senghor étant parti le nouveau président qui avait des objectifs de développement ambitieux concernant son pays n'avait pas comme priorité la "Culture" et encore moins comme préoccupation la gestion d'un guide touristique privé.
Monsieur Joseph N'Diaye devint donc sans caution d’une autorité de contrôle, le "griot" de la ""Shoah Noire". Ce dernier, persuadé d'être le seul à détenir la vérité que son ancien patron, le médecin-chef de la marine Pierre André Cariou lui avait donné s’imposa aux médias européens comme l’unique interlocuteur.
Une protestation existait pourtant dès le départ de la médiatisation de cette histoire fantaisiste dans les années 1980 ; elle provenait des chercheurs de l'université C. Anta DIOP et du Département d’Histoire – L’Ifan de Dakar qui souhaitait faire connaître les vrais lieux de mémoire (sur le fleuve Sénégal et le fleuve Gambie) mais ils furent obligés de se taire sous la pression du gouvernement d'alors dirigé par Abdou Diouf actuel Président de l'Organisation Internationale de la Francophonie et du Directeur nationale du Patrimoine sénégalais. La raison était simple ; le guide de la fausse "maison des esclaves de Gorée" arrivait par la puissance de son discours larmoyant à faire venir les grands de ce monde qui au passage étaient encouragés à faire repentance des crimes passés en se délestant de quelques aides financières officiellement destinées à sauvegarder le faux "centre universel de la souffrance du peuple noir" : c'est-à-dire Gorée.
Cependant les sommes récoltées n’atteignaient pratiquement jamais les objectifs pour lesquels elles avaient été versées. Le guide, Joseph N'Diaye n'appartenant pas au sérail ne touchait pas de dividendes de cette "grande escroquerie", il a fait fonction "d’hameçon". Toutefois à son humble niveau il a su tirer un profit personnel de cette histoire farfelue ; il put voyager partout dans le monde et se présenter en "expert" de l'histoire de la traite négrière, qu'il réécrivait en fonction de la direction du vent et de la température de l'air en prenant soin bien sûr de tout concentrer sur son gagne-pain.
Il n’hésita pas à exercer des pressions sur quelques chercheurs sénégalais de l’IFAN et les écarta systématiquement de toute décision importante avec l’aide d’autres chercheurs de L’IFAN corrompus par les subventions, défraiement et voyages qu’ils obtenaient grâce au discourt de monsieur N’Diaye. Monsieur N’Diaye convaincu que sa parole et surtout que son imagination "était" la vérité et que les archives et études ne comptaient pas continua à sévir. Il faillit être stoppé par la démarche d’un grand philosophe et chercheur africain Ki ZERBO qui ne bénéficia pas malheureusement de la même couverture médiatique.
Dans les années 1980-2000 des intellectuels africains comme Ki Zerbo se rendirent compte en effet de la tournure catastrophique de cette histoire farfelue enrichie d'année en année par un guide devenu "mégalomane" pouvait à terme constituer un point de rupture dans la diaspora noire entre l’Afrique et le monde afro des Caraïbes et des Amériques. On ne construit pas une amitié « diasporique » noire, nègre, black sur une escroquerie. On ne constitut pas un dossier de dédommagement moral et économique pour le tribunal de l’histoire sur un château de sable inventé par un médecin-chef de la marine française. Tout bon juriste sait qu’un bon dossier doit s’appuyer sur des faits et des preuves concrètes ; l’Afrique et la diaspora ne manque pas de véritable « preuves » de la « Shoah Nègre ».
C’est dans cet esprit que Ki ZERBO écrivit alors dans son livre « Histoire d’Afrique Noire une rectification qui passa inaperçue aux yeux des médias :
Si l'Angola est pour lui le paradis des Négriers, le Sénégal ne fournit que peu d'esclaves. « Les Compagnies n'arrivent pas a ramasser assez d'esclaves dans un pays à faible densité » (30).Référence (30) Ki ZERBO « Histoire d’Afrique Noire » Page 214, 232.
Dans les années 1990 ce fut au tour d'un chercheur de l'université C. Anta Diop de Dakar de faire savoir à travers un article du Journal le Monde écrit par le journaliste Emmanuel de Roux que cette histoire n'était pas très sérieuse. Ce chercheur et enseignant sénégalais de niveau universitaire dut se faire oublier après avoir été réprimandé par sa hiérarchie pour les mêmes raisons citées plus haut, la loi économique.
Enfin en 2006 parut mon livre "Céleste ou le temps des signares" dans lequel je dénonçais les dérives de certains de mes compatriotes sénégalais qui profitaient sans honte de la souffrance des pèlerins descendants de personnes victimes de l’esclavage. Un livre écrit en partie parce que je compte de nombreux amis antillais et aussi une famille par alliance Martiniquaise à qui l'on a fait prendre une vessie pour une lanterne.
Que mes amis des Caraïbes se rassurent, bientôt leurs morts seront respectés officiellement au Sénégal, car de nombreux universitaires sénégalais et Caribéens souhaitent en finir et faire connaître les vrais lieux de mémoire au Sénégal.
Vive le Sénégal, Vive l'amitié entre les africains et les afros des Caraïbes et des Amériques et place aux vrais chercheurs.
Jean Luc Angrand – Historien
Prix de l’Académie des Sciences d’Outre-mer 2006
Note du 13 février 2010 – France : La fausse maison des esclaves de Gorée, n’est plus reconnue par le gouvernement Sénégalais depuis l’année 2006 et l’ensemble de la communauté scientifique (historiens) ne prend plus cette mascarade au sérieux de nos jours. Wikipédia l’encyclopédie internet à fortement informait de nombreux internautes tout comme mes mailings massifs adressés à la communauté scientifique ; à l’EHESS (Paris) le message a fini aussi par être compris et désormais les charlatans n’y trouve plus tribune.
Nous pouvons désormais faire connaître les vrais lieux de mémoires à Gorée car il y en a deux petits comme dans tout le Sénégal sans être obligé de payer la visite de la boutique des épiciers de la honte.
Désormais aussi le temps est aux excuses ; excuses attendues de la Direction du Patrimoine Sénégalais dirigée par monsieur Bocoum Hamady qui n’a pas encore fait son mea culpa vis-à-vis de personnes descendantes de victimes de l’esclavage qu’elle a contribuée à tromper.
Merci à tous les chercheurs- historiens des Caraïbes et aussi Sénégalais qui m’ont soutenus pendant ces quatre dernières années.
Jean Luc Angrand - Historien
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