dimanche 12 août 2012

À la recherche de la nouvelle star qaïdiste!



Qaidistes de tous les pays, unissez-vous, vous n’avez rien à perdre que votre trac. Après la Bosnie, la Tchétchénie et l’Afghanistan, l’Occident est tombé amoureux de vous tous, une fois de plus – un grand moment.

Et si toute preuve supplémentaire était nécessaire, la voilà – directement de la bouche de l’establishment US, incarné par le Council of Foreign Relations (CFR). [1]
Comment il est charmant d’apprendre que «les bataillons de l’Armée Syrienne Libre (ASL) sont fatigués, divisés, chaotiques, et inefficaces. Abandonnées par l’Occident, les forces rebelles sont de plus en plus démoralisées… Al Qaïda, cependant, peut aider à améliorer le moral. L’afflux de djihadistes apporte la discipline, la ferveur religieuse, l’expérience du combat de l’Irak, le financement des sympathisants sunnites dans le Golfe persique, et surtout, des conséquences mortelles. En bref, l’ASL a besoin aujourd’hui d’Al Qaïda».
Maintenant, nous allons réécrire ce qui précède et le placer? au milieu des années 2000, en Mésopotamie. «La résistance sunnite irakienne est fatigué, divisée, chaotique et inefficace. Se sentant abandonnées par le monde arabe, les forces rebelles sont de plus en plus démoralisées dans leur lutte contre l’armée la plus puissante de l’histoire. Al Qaïda, cependant, peut améliorer le moral. L’afflux de djihadistes apporte la discipline, la ferveur religieuse, l’expérience du combat de tous les coins du monde musulman, le financement de sympathisants sunnites dans le Golfe, et surtout, des conséquences mortelles. En bref, le résistance sunnite irakienne contre l’occupation US a besoin aujourd’hui d’Al Qaïda».

Imaginez les hurlements d’horreur, à travers l’Occident, si quelqu’un avait proposé cela, il y a quelques années. Comment est-il, humainement, possible de soutenir des «terroristes *» ?

C’est simple : aussi longtemps que ces «terroristes» sont «nos bâtards**».
Le messager de «terro», dans ce cas du CFR, est un certain Ed Husain, décrit comme «attaché supérieur d'études sur le Moyen-Orient» au CFR. Avant de mettre en place le premier laboratoire d'idées de contre-terrorisme en Grande-Bretagne, il était «un militant de la Jamat-e-Islami, du Hizb ut-Tahrir (HT), et d'organisations écrans des Frères Musulmans au Royaume-Uni». Mais grâce à Allah, il s'est repenti, et est devenu «un critique sévère de l’extrémisme et l’islamisme».

La Syrie prouve une fois de plus que l’Occident aime les transfuges. Pourtant, notre transfuge islamiste prend soin de couvrir ses arrières, en ajoutant, «le calcul tacite des décideurs politiques est de se débarrasser d'abord d’Assad – affaiblissant ainsi la position de l’Iran dans la région – et de négocier ensuite avec Al Qaïda plus tard».

Évidemment, notre transfuge – qui parle arabe et est «familier» avec l’ourdou – doit croire que le «blowback» (retour de manivelle) est un film porno (en fait, il est également). Même les nourrissons savent qu’après le djihad afghan des années 1980, les USA, l’Arabie saoudite et le Pakistan ont obtenu leur changement de régime à Kaboul. Ils ont également obtenu les Taliban, Oussama ben Laden, Ayman Al Zawahiri et le«terro» mondial.

Maintenant, j’ai une raison d’être patient.

La Syrie est aujourd’hui l'ultime version du morceau Holiday in the Sun (le remix qaidiste) des Sex Pistols : un aimant pour des Libyens, des Jordaniens, des Saoudiens, des Algériens, desTchétchènes, des Af-pakis, et même des Britanniques aux forts accents londoniens. [2]

Ils se battent aux côtés des Salafistes-wahhabistes syriens, comme cet Abou Bakr, qui vient d’avoir ses 15 minutes de gloire, sur Reuters. [3]

Interrogé sur ses plans futurs, Abou Bakr a admis : «Je ne veux pas imposer dans l'immédiat la charia et commencer à couper les mains des gens qui ont volé. Je crois en la charia. Mais si nous l’imposons à la population, nous allons créer la peur. Nous devons rassurer les minorités que nous les traiterons bien».

Le mot clé ici est, bien sûr, «dans l'immédiat» D’abord, nous nous débarrassons du sanguinaire dictateur et de son régime maléfique. Nous nous réservons de couper les mains et de décapiter les infidèles alaouites, chrétiens, druzes et kurdes, pour plus tard.

Composant la farce d’une ASL, totalement, infiltrée, par des djihadistes, et dans le cas de nombreux gangs ou brigades, dominant, en réalité, tout cela, les grands médias occidentaux ne font pas de prisonniers, en vendant la notion d'une présence de la CIA, sur le terrain, en train d’exécuter l'innocent travail consistant à séparer le bon grain de l'ASL de l’ivraie djihadiste, arbitrant sur qui doit recevoir les valises de dollars US.

Croyants, prenez note : les armes de destruction massive de Saddam Hussein sont, à présent, en vente, sur Ebay.

Apparemment, personne n’a rien raconté à la secrétaire d’Etat US, Hillary Clinton – auteure de la célèbre phrase «Nous sommes venus, nous l’avons vu, il est mort» [lorsqu’elle a été mise au courant de la mort de Kadhafi, NdT] – à propos de ce «monkey business» (affaires louches) djihadiste. [4]

Elle persiste et signe, elle n’aura rien de «la discipline, la ferveur religieuse, l’expérience de l’Irak», qui valent des éloges à Al-Qaïda. Mais elle l'aura quand même : l’Iran, après tout, reste le Mal Suprême, au-delà de tout Axe possible; d’ailleurs, Washington a besoin d'une tête de Turc fiable, sur qui jeter la faute, dans la mascarade sans fin de la «guerre contre le terrorisme».

Alors oubliez le prochain film de Kathryn Bigelow [réalisatrice US de films sur la violence et les menaces contre l'humanité, NdE] glorifiant le raid contre Oussama Ben Laden, à Abbottabad. «Nous dépensons des milliards de dollars. Et nous ne sommes toujours pas près d’en finir avec notre ennemi».

Vous ne vainquez pas votre ennemi, vous le séduisez et co-optez. Imaginez un remake de l'emblématique Sunset Boulevard de Billy Wilder, avec Norma Desmond jouée par Oussama Ben Laden. «J'étais grande d'habitude. Ce sont les images qui sont devenus petites».

Djihadistes du monde, vous n’avez rien d'autre à perdre que votre collection de discours d’Al Zawahiri sur DVD. Le temps est venu pour vous d’aller en pèlerinage à Hollywood, et enfin d’entrer dans la légende. «Je suis prête pour mon gros plan, M. Ben Laden». Préparez-vous à être submergés par des critiques dithyrambiques.

* Prononciation erronée du mot "terroriste" propre à George W. Bush. [NdE]
** Allusion à la réponse faite par le président Franklin D. Roosevelt à son secrétaire d'Etat qui lui avait dit : "Somoza (dictateur du Nicaragua) est un bâtard !": "Oui, mais c'est notre bâtard". [NdE]


Pepe Escobar



Notes de l'auteur :
1. Voir Council of Foreign Relations.
2. Voir rapport ici.
3.Voir ici.
4. V. dépêche Reuters ici.
5. Voir 
ici
Date de parution de l'article original: 10/08/2012

Traduit par Saïd Ahmiri

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