Le syndicat SNU http://www.snutefifsu.org/, qui a été créé en 2000 après une scission de la CFDT, a donné une conférence de presse ce mercredi 20 février à sa permanence du 43-45 rue de Javel à Paris, soit une semaine après l'immolation de Djamal Chaar, 43 ans, devant le Pôle emploi de Nantes.
Dans un entretien exclusif, Jean-Charles Steyger, conseiller au Pôle emploi sur le bassin de Nantes, membre du bureau national du SNU-FSU Pôle emploi, déplore la non-participation de la CGT Pôle emploi à la conférence de presse, parle de la situation très préoccupante du chômage, de la pauvreté, d'une véritable situation urgente où 230 000 chômeurs chaque année perdent l'assurance chômage, de la volonté du gouvernement de taire cette réalité et de la politique ultra-libérale de François Hollande, un président socialiste.
Quelle est la situation réelle du chômage en France ?
Le nombre de chômeurs en France toutes catégories confondues comprend 7 millions d'inscrits dont 3 millions, ceux qui ne travaillent pas, sont dans la catégorie A. Un chômeur sur deux n'est pas indemnisé. 42 % des chômeurs perçoivent une assurance chômage. Au mois de décembre 2012, 2,3 millions de personnes recevaient une allocation chômage. Chaque mois 80 000 à 90 000 personnes ne sont plus couvertes par l'assurance chômage. Elles se retrouvent dans une situation très précaire car elles sortent de l'assurance chômage. Ce sont ces personnes qui peuvent en venir à des actes d'immolation. Nous avons actuellement 2 millions de chômeurs de longue durée. La catégorie des chômeurs qui n'a pas travaillé au moins douze mois a explosé de plus de 12,5 %. On compte 500 000 personnes qui sont au chômage depuis trois ans et qui sont sans activité.
Dans quel cas de figure se trouvent ceux qui sortent de l'assurance chômage ?
Nous avons trois cas possibles. La personne touche l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique si elle justifie de cinq années d'activité salariée dans les dix dernières années. Si ce n'est pas le cas ils perçoivent le RSA, 483 euros pour une personne seule. Nous avons 4 demandeurs d'emploi sur dix qui ne remplissent pas ces conditions. Ils ne touchent rien. Cela représente 40 % des demandeurs d'emploi en France. Avec la crise on a de moins en moins d'emploi à proposer et le nombre de fins de droits est de 280 000 en 2013. C'est une véritable bombe.
Vous voulez quoi ?
Nous souhaitons que les chômeurs soient représentés. On veut interpeller les pouvoirs publics pour obtenir rapidement une concertation nationale. Les chômeurs, les entreprises, les partenaires sociaux, les personnels de Pôle emploi et l’État doivent se retrouver ensemble tout de suite pour mettre sur la table les mesures d'urgence pour s'occuper des personnes qui vont se retrouver dans des situations de misère. Nous voulons redonner de la dignité à nos usagers.
Le manque de dignité se manifeste comment ?
Depuis trois ans, nous avons la dégradation des relations avec les usagers. Il faut ré-humaniser les services, s'occuper des gens, les écouter, les recevoir, les accueillir et arrêter de les traiter comme des numéros, comme des dossiers à travers des plates-formes téléphoniques, des sites internet ou par l'emploi des SMS car c'est ça aujourd'hui Pôle emploi.
Vous mettez en cause le système de la démocratie en France ?
Cela fait longtemps que ce paritarisme français est poussiéreux. Il faut revoir les règles de la négociation sociale. Comment se fait-il que les usagers n'aient pas la possibilité de signer, de voter, de négocier des accords qui les concernent directement ? Dans la santé publique les conseils d'administrations des centres hospitaliers français sont tous constitués de représentants de patients. A l'école tous les parents d'élèves sont aujourd'hui représentés et ils ont le droit de vote sur les décisions qui les concernent. Nous demandons ce nouveau droit pour tous les chômeurs de ce pays. Les chômeurs doivent avoir des représentants auprès desquels ils pourraient déléguer leurs intérêts autour d'une démocratie sociale et renouvelée.
Les fausses annonces d'un agent du Pôle emploi, une preuve que le système implose en interne ?
Ce conseiller a certainement voulu attirer l'attention par la dérision. Depuis le 18 décembre 2008 nous avons eu 17 suicides depuis la fusion de l'Assedic et de l'ANPE sous Nicolas Sarkozy. Je ne compte plus le nombre de tentatives de suicide ou le nombre de collègues mis en longue maladie pour dépression. Cette fusion est dangereuse et elle s'est mal passée. Elle se retourne actuellement contre les chômeurs.
Pôle emploi, un système de contrôle, de flicage des individus ?
Oui, c'est ça. Initialement mon travail n'est pas de contrôler les gens mais de les conseiller à l'emploi. Le système actuel pousse à contrôler les gens. C'est le financeur du Pôle emploi qui réclame cette forme de contrôle. En 2012 nous avions un suivi mensuel personnalisé avec un contact avec un conseiller pour vérifier les démarches. C'était déjà une forme de contrôle. Aujourd'hui les rythmes des réceptions des chômeurs se feront selon les profils des demandeurs d'emploi.
Un conseiller doit s'occuper de combien de chômeurs ?
Un conseiller emploi doit s'occuper de 400 chômeurs ! Cela ne peut pas fonctionner.
Des volontés de liquider Pôle emploi ?
Faire tomber Pôle emploi, c'est dans l'intérêt du secteur privé. C'est un énorme marché très juteux. Depuis 14 ans que je travaille dans ce secteur il y a la volonté des gouvernements de gauche ou de droite de découper Pôle emploi.
Combien d'emplois disparaissent en France pour des créations ?
En France on a 13 000 destructions d'emplois par mois contre 9 000 créations.
La France n'a plus d'emplois à proposer ?
Ce n’est pas parce qu'il n'y a pas d'emploi qu'on ne peut pas aider les gens. On peut les aider par la formation, par la promotion sociale, les aider à trouver un logement. À se soigner, à obtenir le permis de conduire. Ce sont des choses qui devraient être du domaine du Pôle emploi et qui ne sont réalisées par personne.
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