La guerre au Mali va durer très longtemps et risque de ne pas avoir l’effet escompté. Les craintes viennent des spécialistes français eux-mêmes. Selon le général français Vincent Desportes, ancien directeur de l'Ecole de guerre, «l’armée française est là pour très longtemps». «Dès lors qu'elle s'est engagée, la France est responsable de ce qui se passe dans ce pays. Si elle part trop tôt et que, dans la foulée, la situation se dégrade, Paris en portera la responsabilité», estime-t-il dans une interview publiée par le journal L’Express d’aujourd’hui. Pour lui, la France est déjà responsable du chaos libyen. Elle «a fait une erreur stratégique en Libye qu'elle ne doit pas répéter au Mali», met-il en garde. «Quand on fait le choix de déclencher une guerre, il faut pousser jusqu'au bout la logique impliquée par cet engagement. En Libye, il aurait fallu soit s'en tenir à la mission initiale prévue par la résolution de l'ONU, c'est-à-dire protéger la ville de Benghazi face aux menaces de l'armée libyenne, soit s'engager au sol et désarmer les milices. L'entre-deux adopté par la France a détruit le pouvoir politique et ne l'a remplacé par rien. On en paie maintenant les conséquences au Sahel», dénonce-t-il. Pour le général Desportes qui enseigne également à Sciences Po, le problème est que l’armée française n’est pas en mesure de sécuriser une zone qui s’étend sur 1 500 km. Même avec des techniques de renseignement très sophistiquées, la mission de «pacifier le Mali» est quasi impossible pour cet expert qui estime que «les terroristes ont toujours l'avantage de la surprise ; et ce type d'attaque est très peu coûteux pour eux. Pour les actions menées à Gao ces derniers jours, il est difficile de savoir si elles représentent le chant du cygne des groupes armés ou le début de quelque chose de nouveau». Il souligne que si les armées française et malienne ont progressé sans couacs vers le nord du pays, c’est parce que les terroristes ont adopté la stratégie de l’évitement. Il précise que même si l’armée française réussit à sécuriser les villes du Nord, chose qui reste extrêmement difficile, cela ne suffirait pas pour enrayer la menace terroriste. «La guerre d'Algérie a montré qu'on peut gagner une bataille – comme celle d'Alger – et perdre la guerre», rappelle-t-il. Ce général, qui a connu la malheureuse expérience de la guerre d’Afghanistan dans laquelle la France était engagée, appelle à renouer le dialogue politique pour régler la crise. «Au Mali, non plus, on ne l'emportera pas si on ne s'attaque pas aux racines de la crise», alerte-t-il. Pour lui, le règlement de la crise malienne passerait par le retour à la légitimité du pouvoir de Bamako et le traitement de la question des Touareg dans toute sa complexité à travers un dialogue permanent. A cela s’ajouterait la nécessite de «rétablir l'unité de l'armée malienne, en proie à de graves luttes intestines actuellement».
Sonia B.
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