Ces philosophes et théoriciens révolutionnaires nous avaient proposé la “démocratie”, c’est à dire l’exercice du pouvoir par le peuple...
Cependant les nécessités pratiques ont conduit dès le début à un exercice du pouvoir au nom du peuple, et pour le peuple, par les représentants élus de celui-ci.
Si cette charge de “service” rendu à la nation était demeurée sans avantage d’aucune sorte, autre que la satisfaction de servir efficacement celle-ci, elle n’aurait pas donné lieu à la convoitise d’aventuriers et de carriéristes. Mais il fut convenu, afin que ce ne soient pas des citoyens des seules classes aisées qui soient en mesure de l’assumer, de donner aux élus les moyens d’en faire en quelque sorte profession, pour qu’ils puissent y consacrer tout leur temps et toute leur énergie, sans avoir la nécessité d’exercer d’autres activités afin de subvenir à leurs besoins.
Dès lors il était clair que loin de l’idée de s’en faire l’humble “serviteur”, selon la signification fondamentale du terme latin “minister”, une course au poste, pour le poste, c’est-a dire pour ses avantages matériels, ses privilèges, et sa notoriété, allait conduire sur la voie de la candidature à la représentation, des hommes fort éloignés, comme nous en découvrons avec consternation en ce moment et au sommet même de la nation, de la préoccupation d’assumer cette charge avec tout le dévouement et l’abnégation nécessaires.
Nous avons donc assisté à une première trahison de l’idée démocratique, par le fait d’individus pourtant élus par le peuple, mais après l’avoir bercé de promesses afin d’obtenir ses suffrages, et qui se sont employés à un exercice du pouvoir toujours au nom du peuple, mais à seule fin de satisfaire leurs ambitions personnelles, leur narcissisme, leur goût immodéré de l’exercice du pouvoir pour le seul plaisir que leur procure le fait d’avoir autorité sur les autres, et pour acquérir tous les objets, qu’il soient matériels et même humains, de leur convoitise...
Puis, nous avons assisté à la seconde trahison de l’idée démocratique et curieusement, par une utilisation abusive d’une disposition pourtant inscrite dans la constitution elle-même, c’est-à dire le scrutin d’arrondissement, et sa fonction volontairement amplificatrice.
En effet, suite à la période de profonde instabilité politique de la quatrième république, aggravée par le fait que celle-ci dut faire face à deux guerres coloniales, autant dramatiques qu’impopulaires, il fut convenu, afin d’obtenir une stabilité politique autrement impossible, d’user de l’artifice amplificateur du scrutin d’arrondissement pour faire en sorte qu’à défaut de pouvoir rassembler une majorité sous une seule et même étiquette, on puisse pour le moins accorder la qualité de majorité à la plus forte des minorités, pour qu’elle puisse gouverner.
C’est ainsi que selon ce mode de scrutin, une minorité n’atteignant même pas 30% de l’électorat, peut obtenir malgré cela une large majorité de députés à l’assemblée, sans craindre ainsi d’être renversée à tout moment, et c’est ce qui fait que sous notre actuelle cinquième république, et curieusement au nom de la démocratie, cette nation ne fut jamais gouvernée que par des minorités, contre une majorité des citoyens, dispersés il est vrai en une pluralité de minorités, selon leur diversité.
Cependant, tant que cette charge fut assumée par des hommes d’honneur et de grande probité, simplement désireux de servir au mieux la nation, conscients de l’obligation qui leur était faite de gouverner en vue de l’intérêt commun, et non pas en vue des intérêts particuliers d’un clan partisan, les choses se passèrent plutôt bien. Et ceci, d’autant qu’au début de la mise en œuvre de ce système, pour la plupart d’entre eux les représentants furent recrutés parmi les compagnons de la libération, d’anciens résistants qui au cours des épreuves de la deuxième guerre mondiale, avaient fait la preuve de leur courage, de leur honnêteté, de leur abnégation, et de leur dévouement entier à la cause de la nation.
Mais, vaincus les uns après les autres par la logique des temps, ces vaillants allaient être progressivement remplacés par des hommes d’une tout autre extraction, des carriéristes, avides, ambitieux, méprisants et intolérants, qui allaient donner à l’institution une toute autre physionomie.
Pour ceux-là en effet, une fois parvenus par la combine politique, par la manipulation médiatique, par les promesses et la tromperie, à se hisser dans les allées du pouvoir, afin de leur unique satisfaction personnelle, leur seule et unique préoccupation durant toute la durée de la mandature, sera simplement de tout mettre en œuvre afin de pouvoir s’y maintenir. Pour cela, ils s’emploient en la favorisant outrageusement par rapport aux autres catégories de citoyens, à se constituer une clientèle d’inconditionnels qui par un vote acquis d’avance, leur garantira d’être toujours présents lors des négociations et des combinaisons nécessaires à la constitution d’une majorité, afin de se récupérer des postes.
Ainsi, s’appuyant sur cet effet qui fut autrefois bénéfique mais devenu aujourd’hui totalement pervers du scrutin d’arrondissement, en trahissant l’esprit de la république et de la démocratie, c’est en s’appuyant sur des majorités parlementaires qui n’ont rien à voir avec la majorité sociologique des citoyens du pays, que ces gens s’emploient à mener des politiques entièrement au bénéfice de leur clientèle et des groupes d’intérêts particuliers qui les soutiennent, au mépris le plus total des attentes légitimes du peuple.
Nous nous retrouvons donc aujourd’hui face à un pouvoir exercé au nom du peuple, par les représentants d’une minorité de celui-ci, menant une politique contre la majorité de ce peuple, au seul bénéfice de ceux qui en retour, leur permettent de se maintenir au pouvoir. Et tout cela, au nom de la démocratie.
Ce que nous constatons finalement c’est que par la mise en œuvre de ses mécanismes, la démocratie ne vaut strictement rien si l’action gouvernementale ne s’inscrit pas dans le cadre d’une “éthique” politique rigoureuse, et si ses servants ne sont pas des hommes d’honneur, intègres, désintéressés, dévoués, et respectueux de leur concitoyens...
Dans ces conditions, et compte tenu de l’immoralité totale dans laquelle se trouve plongée dans tous ses aspects notre actuelle société qui, tout à la fois, a constitué la faveur de l’accès au pouvoir de ces usurpateurs, et qui dans ses aspects détestables, est le produit de leur action malfaisante, le respect formel d’une pratique démocratique désormais totalement dévoyée, n’est plus opposable à l’action rénovatrice des citoyens désireux de sortir la nation de la fange dans laquelle la plongent et la maintiennent des politiciens crapuleux...
Dès lors, il appartient à chacun d’assumer ses responsabilités envers sa nation...
Paris, le 15 janvier 2013
Richard Pulvar
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