mercredi 20 janvier 2010

Haïti : Claude Ribbe tire sur Obama l'Africain pour mieux toucher Villepin le béké par alliance


Le 20 janvier 2009, Barack Obama prenait ses fonctions à Washington, suscitant dans la diaspora africaine fierté irrationnelle pour les uns, espoir mesuré pour les autres. Obama était un Africain. Il allait sauver le monde. On cherchait (ou on faisait semblant de chercher) l'Obama français. Pour saluer l'évènement, le LKP déclenchait ce même jour une grève générale à la Guadeloupe, qui devait durer 44 jours, et qui était destinée à profiter de l'effet Obama pour abattre définitivement les séquelles de l'ordre colonial français. Un an après, Obama envoie des milliers de marines à Port-au-Prince - capitale de la première république nègre de l'histoire - appliquant, à la faveur des circonstances, un plan prévu de longue date par son odieux prédécesseur, qui est d'ailleurs, chose étrange, dans la boucle de l'opération.

Pour l'instant, la seule différence avec le débarquement de 1915, au cours duquel les Américains avaient de même envahi l'ancienne colonie française pour apporter leur "aide" (pendant dix-neuf ans !) c'est que Obama a donné cette fois pour consigne aux soldats US de "cacher leur fusil dans le dos", ce qui est tout un programme. Les soldats ont toutefois l'ordre de tirer s'ils sont "attaqués". Il est rare qu'on se promène avec un fusil dans les rues, surtout caché dans le dos (ce qui donne l'avantage de la surprise), sans intention de s'en servir. Bien sûr, ceux qui ne veulent pas voir diront que cette opération est nécessaire pour "sauver Haïti". J'observe ce qui s'y passe depuis une semaine. Les secours promis ont du mal à parvenir. On a laissé mourir les Haïtiens sous les décombres, on n'a fait qu'enterrer les morts et sauver les étrangers. Hier encore, un avion français de Médecins sans frontières a été refoulé, et par trois fois. Les Américains, qui ont une certaine expérience de ces choses, savent bien que les avions humanitaires français ne transportent pas toujours que des médecins... Comme il y a eu un précédent, avec un autre avion humanitaire transportant Klarsfeld, c'est le signe que la France n'est plus la bienvenue si elle entend, comme Nicolas Sarkozy l'avait bien fait savoir, mais trop tard, se mêler des affaires du pays. L'absence de son gouvernement à la messe célébrée samedi dernier en mémoire des victimes montrait bien que Paris obtempérait aux ordres d'Obama : Messieurs les Français, circulez, il n'y a rien à voir à Port-au-Prince. Conséquence inévitable de la doctrine Monroe. On est loin de cette conférence internationale fièrement annoncée voici quelques jours. Je suppose que les Américains ont fait subtilement allusion au passé de la France à l'égard d'Haïti et au "rôle positif de la colonisation française". On appelle ça le French bashing. Obama n'allait pas se priver de ce plaisir à l'égard de Sarkozy. Tout ce que j'annonce depuis des années, à savoir qu'un jour ce passé que la France a eu jusqu'ici la stupidité de nier lui reviendra en face comme un crachat, comme une humiliation imposée non pas par les Haïtiens qui ne demandent que de l'aide et du respect, mais par les Américains qui ont beau jeu de dire aujourd'hui qu'un pays vaincu ayant extorqué 21 milliards de dollars à son ancienne colonie victorieuse n'a de leçons à donner à personne et surtout pas aux Etats-Unis d'Amérique. L'attitude de la France lors du coup d'Etat de 2004 a fait le jeu de Washington. Cela aurait pu même être pire si, comme il était prévu, Jean-Bertrand Aristide avait trouvé la mort, comme Toussaint Louverture au fort de Joux, dans les geôles militaires françaises de Bangui après son enlèvement. Qui obligeait un Villepin à aider Bush d'une manière si déshonorante ? Qu'est-ce que cela a rapporté ? La honte. Pour la première fois de ma vie, en 2003, à Port-au-Prince, voyant de mes yeux les agissements pathologiques de Régis Debray, de l'ambassadeur de France Thierry Burkard, de la soeur de Villepin, Véronique Albanel, j'ai ressenti quelque chose d'atroce qui m'a fait monter les larmes aux yeux : j'ai eu honte d'être français, j'ai eu honte d'avoir quelque chose de commun avec ces gens là. Cette humiliation, je ne suis pas près de l'oublier, donc de me taire sur ce sujet.


Texte - Claude Ribbe

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