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mercredi 13 janvier 2010
Le séisme replonge Haïti dans des heures noires
PORT-AU-PRINCE — Le puissant séisme qui vient de frapper Haïti porte un nouveau coup à ce pays des Grandes Antilles, le plus pauvre des Amériques, qui a déjà largement connu son lot de misère, entre crises politiques à répétition, violences et déchaînement dévastateur des éléments naturels.
Aux dictateurs meurtriers, aux coups d'Etat -plus de 30-témoignant d'une instabilité endémique qui ont marqué ses 206 ans d'histoire tumultueuse, sont venus s'ajouter ouragans (près de 800 morts en 2008) et autres catastrophes naturelles. Une conjonction d'épreuves sombres qui a rendu ce pays de neuf millions d'habitants totalement dépendant de l'aide étrangère.
Le tremblement de terre de magnitude 7 survenu mardi, le plus fort qu'ait connu le territoire d'Haïti depuis 1770, s'ajoute à ce sombre tableau. L'épicentre du séisme a été localisé à 15km de la capitale, Port-au-Prince, à une profondeur de seulement 8km, ce qui explique largement l'ampleur des dégâts, avec la mauvaise qualité des constructions.
La secousse s'est produite le long d'une ligne de faille à laquelle seraient dus sept grands séismes entre 1618 et 1860, d'après Harley Benz, du Centre d'étude géologique américain (USGS). Si l'on en croit des documents historiques, le tremblement de terre de 1860 avait frappé Port-au-Prince et pourrait avoir provoqué un tsunami.
Le plus fort séisme recensé au cours de la période contemporaine sur l'île d'Hispaniola, qu'Haïti partage avec la République dominicaine, était une secousse de magnitude 8,1 qui a provoqué un tsunami et tué 1.790 personnes en 1946. Son épicentre était situé en République dominicaine, selon l'USGS.
Haïti est devenu indépendant en 1804, à la suite d'une longue guerre de libération. Les troupes françaises se sont rendues aux forces de Jean-Jacques Dessalines, dirigeant de la première révolte d'esclaves réussie du monde moderne. Mais les dirigeants ont plongé le pays dans un désordre paralysant, dont Haïti ne s'est toujours pas remis.
Des troubles politiques conduisirent les Marines américains à occuper Haïti entre 1915 et 1934. En 1937, quelque 18.000 Haïtiens furent massacrés le long de la frontière avec la République dominicaine sur les ordres du dictateur dominicain Rafael Trujillo.
Vingt ans plus tard, François Duvalier, alias "Papa Doc", accédait au pouvoir, gérant le pays d'une main de fer avec la milice des "tontons macoutes" et lançant un cycle de 29 ans de terreur. Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées sous son règne et celui de son fils, "Baby Doc", Jean-Claude Duvalier.
Il a fallu attendre 1990 pour qu'Haïti ait son premier président démocratiquement élu: Jean-Bertrand Aristide, un prêtre des bidonvilles qui gagna l'adhésion d'une population majoritairement pauvre. Mais "Titide" fut renversé en 1991 et, par milliers, des Haïtiens prirent la mer, dans un exode désespéré vers la Floride.
Le président américain Bill Clinton envoya 20.000 soldats en Haïti en 1994 pour rétablir dans ses fonctions Aristide, qui fut réélu en 2000. La promesse initiale de ce dernier vacilla rapidement: des accusations selon lesquelles son parti se serait rendu coupable d'irrégularités lors des législatives, aurait empoché des millions de dollars issus de l'aide étrangère et envoyé des gangsters attaquer ses opposants, déclenchèrent une insurrection sanglante qui entraîna sa chute en 2004.
Une mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a été établie le 1er juin 2004, succédant à une Force multinationale intérimaire qui avait été autorisée par le Conseil de sécurité en février de la même année après le départ en exil d'Aristide.
Toujours présente aujourd'hui, la MINUSTAH, dont le quartier général se trouve à Port-au-Prince, compte plus de 10.800 hommes dont 6.957 militaires et 2.008 policiers UNPOL, selon le site Internet de la mission des Nations unies, dont la première intervention dans le pays date de février 1993.
Le pays est présidé depuis 2006 par René Préval, qui a demandé à la communauté internationale de s'engager en faveur de solutions à long terme pour son pays, observant qu'un "paradigme de charité" ne mettrait pas fin aux cycles de pauvreté et de catastrophes.
Une fois que cette "première vague de compassion humanitaire" sera épuisée, "nous nous retrouverons, comme toujours, véritablement seuls pour faire face à de nouvelles catastrophes, et nous verrons reprendre, comme dans un rituel, les mêmes exercices de mobilisation", soulignait-il.
James Anderson (CP)
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