vendredi 1 juillet 2011

Témoins de Jéhovah : la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France


C'est un arrêt qui fera date. Pour la première fois, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a reconnu, jeudi 30 juin, que le gouvernement français avait violé l'article 9 de la convention européenne sur la liberté religieuse. Plus significatif encore, cette condamnation intervient dans une affaire qui opposait l'Etat auxTémoins de Jéhovah (TJ), dont le statut d'association cultuelle est régulièrement mis en question par les administrations françaises, en dépit de décisions de justice qui lui reconnaissent ce statut.

L'arrêt de la CEDH, – qui peut encore faire l'objet d'un renvoi devant la grande chambre de la cour –, concerne un contentieux, qui opposait depuis plus de quinze ans l'association des Témoins de Jéhovah à l'administration fiscale française."C'est une victoire", déclare au Monde l'avocat des TJ, Philippe Goni, qui souligne"l'unanimité" des sept juges européens, dont le Français Jean-Paul Costa.
UNE TAXATION QUI MENACE L'ASSOCIATION
Qualifiés de "secte" dans le rapport de l'assemblée nationale de 1995 publié sur ce sujet – et reconnu depuis caduque –, les Témoins de Jéhovah ont, à partir de cette date, fait l'objet de plusieurs contrôles fiscaux. L'association contestait ces contrôles, qui portaient sur les "dons manuels", – les offrandes des fidèles. Elle a donc saisi la justice dès l'ouverture de ces procédures fiscales. Le contentieux portait sur la question de savoir si ces offrandes devaient ou non bénéficier de l'exonération fiscale qui prévaut pour les dons et legs faits aux associations cultuelles et aux congrégations.
"Le fisc estimait que les dons révélés au cours de son contrôle devenaient taxables à hauteur de 60 % de leur montant pour les années 1993 à 1996, soit un montant de près de 23 millions d'euros", résume Me Goni. La somme réclamée par l'administration fiscale s'élève aujourd‘hui, après calcul des pénalités, à 57,5 millions d'euros, rappelle la CEDH dans son arrêt.
L'association estimait que cette procédure fiscale constituait une discrimination par rapport aux autres associations et qu'elle allait en outre à l'encontre de sa liberté de religion. C'est ce deuxième point que la cour a reconnu en rappelant que "ces dons constituaient la source essentielle de son financement" ; "Il y a donc bien eu ingérence dans le droit de l'association requérante à la liberté de religion". Ils soulignent que la taxation "a menacé la pérennité, sinon entravé sérieusement l'organisation interne, le fonctionnement de l'association et ses activités religieuses, étant observé que les lieux de culte étaient eux-mêmes visés". L'administration fiscale a en effet mis sous séquestre, depuis 1998, les biens immobiliers appartenant à l'association des TJ.
La cour a estimé que l'article du code général des impôts sur lequel se fondait l'administration fiscale pour taxer les dons des TJ n'était ni assez "précis" ni assez"prévisible". Elle renvoie en revanche à une date ultérieure la question de l'annulation du redressement et la restitution des sommes saisies (4,5 millions d'euros plus les intérêts), tablant visiblement sur un accord entre les deux parties.
Des règlements à l'amiable ont déjà été envisagés ces derniers mois. Ils ont notamment buté sur le refus des TJ de régler une partie des sommes dues et la nécessité pour le gouvernement de passer par le Parlement pour effacer le recouvrement.
"La motivation de la Cour constitue un sérieux rappel à l'ordre pour tous ceux qui s'opposent au pluralisme religieux", a estimé l'association des TJ dans un communiqué, jeudi.
Stéphanie Le Bars

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