lundi 25 juillet 2011

Nafissatou Diallo veut que "DSK aille en prison"



Nafissatou Diallo a finalement décidé de briser le silence. Elle a donné une interview exclusive à la chaîne américaine ABC qui en a diffusé quelques extraits dimanche soir. Le reste doit être distillé lundi matin dans Good Morning America, puis mardi soir. Sur les images, on la voit marcher dans New York : une grande femme, les cheveux raides en pantalon noir et blouse blanche, avec le visage légèrement grêlé par des marques d'acné. Selon le magazineNewsweek, qui était aussi présent lors de l'interview, qui a duré trois heures, dans les bureaux de son avocat Kenneth Thompson sur la Cinquième Avenue, Nafissatou Diallo ne sait ni lire ni écrire, et a peu d'amis. Selon le magazine, la femme de chambre a pleuré plusieurs fois au cours de l'interview et ces pleurs, par moments, "avaient l'air forcés".
"Je n'ai jamais voulu parler publiquement, mais je n'ai pas le choix... Je dois le faire, pour moi. Je dois dire la vérité, explique-t-elle. Je veux que justice soit faite, je veux qu'il aille en prison, dit-elle. Je veux qu'il sache qu'il existe des endroits où vous ne pouvez pas vous servir de votre fric, de votre pouvoir quand vous faites un truc pareil", ajoute-t-elle. Quand on lui demande pourquoi le procureur a émis des doutes sur l'affaire, elle reconnaît "des erreurs", mais affirme : "Dieu est témoin que je dis la vérité. Du plus profond de mon coeur. Dieu le sait."
"Cirque indécent" (avocats de DSK)
Les avocats de Dominique Strauss-Kahn ont aussitôt réagi avec un communiqué exaspéré et vengeur. "Il est temps que ce cirque indécent s'arrête", expliquent-ils. "Madame Diallo est la première accusatrice de l'Histoire à lancer une campagne médiatique pour convaincre le procureur de poursuivre les accusations contre une personne à qui elle veut soutirer de l'argent. Ses avocats et ses attachés de presse ont orchestré un nombre sans précédent d'évènements médiatiques et de manifestations pour faire pression sur le procureur après qu'elle a avoué ses efforts extraordinaires pour le tromper. La conduite de ses avocats n'est pas professionnelle et viole les règles fondamentales de la profession. Son but évident est d'enflammer l'opinion publique contre un accusé dans une affaire criminelle en cours."
Dans l'interview, Nafissatou Diallo maintient farouchement que Dominique Strauss-Kahn l'a attaquée dans la chambre du Sofitel. Elle a vu un serveur sortir avec un plateau de la chambre 2806. Il lui a dit qu'elle était vide. Elle est rentrée en disant "Bonjour, femme de chambre" et puis elle a vu apparaître un type à poil avec des cheveux blancs. "Oh ! mon Dieu, je suis désolée", raconte-t-elle, ajoutant qu'elle a fait demi-tour. "Ne vous excusez pas", lui a-t-il dit. Mais il s'est mis à agir comme "un fou", selon elle. Il lui a attrapé la poitrine. Il a claqué la porte de la suite. "Tu es très belle", lui dit-il en la tirant vers la chambre, toujours selon la femme de chambre. "Arrêtez, monsieur, je veux pas perdre mon boulot." "Tu vas pas le perdre." "Il m'a tirée violemment vers le lit, il a essayé de me mettre son pénis dans la bouche", affirme la jeune femme en mimant comment elle a essayé de résister en tournant la tête et en serrant les lèvres. "Je l'ai poussé je me suis levée, je voulais l'effrayer." 
"Je ne voulais pas perdre mon job"
"J'ai dit Regardez, il y a mon chef qui est là." Mais DSK lui répond qu'il n'y a personne. Selon le récit, il la pousse dans le couloir vers la salle de bains, remonte son uniforme sur les hanches et déchire son collant, lui attrapant violemment le sexe. Il la met à genoux, le dos au mur et lui impose une fellation. "Il me tenait la tête très fort là", dit-elle en montrant son crâne, "il bougeait et faisait du bruit. Il faisait 'uhh, uhh, uhh'", il m'a dit "suce mon-je peux pas le dire. Je me suis relevée, je crachais, j'ai couru, je me suis enfuie sans regarder en arrière, j'ai couru dans le couloir, j'étais tellement nerveuse, tellement effrayée, je ne voulais pas perdre mon job."
Elle raconte qu'elle s'est cachée dans un coin et a essayé de se calmer. Elle a vu DSK sortir. "Il m'a regardée comme ça", dit-elle en inclinant la tête et en regardent droit devant fixement. "Il n'a rien dit." Elle avait laissé ses produits de ménage dans la chambre 2820 donc elle est allée les chercher puis est revenue dans la 2806 pour "la nettoyer". Ce qui ne correspond pas à son témoignage devant le Grand Jury où elle a affirmé qu'elle était allée nettoyer la chambre 2820 et ensuite la chambre de DSK. Elle a aussi changé sa version disant d'abord à la police que DSK n'avait pas parlé pendant l'attaque. Newsweek a apparemment vu le rapport médical qui dit que la zone vaginale montre des signes d'irritation et qu'elle a un ligament déchiré dans l'épaule.
Procès ou non-lieu
Le lendemain quand Nafissatou Diallo regarde les informations et découvre qui est DSK, elle s'affole. Elle est ensuite logée dans un hôtel avec sa fille de 15 ans, sans téléphone portable, et a très peu de contacts avec l'extérieur pendant des semaines. Son visage s'éclaire seulement quand elle parle de son boulot. En avril, une de ses collègues est partie en congé de maternité et on lui a donné le 28e étage. "On travaillait en équipe. J'adorais ce job, j'aimais les gens. Tous de différents pays, Américains, Africains, Chinois. Mais nous étions tous pareil ici", raconte-t-elle.
Elle reste vague sur son passé, sur son père. Elle dit que son mari est mort "de maladie", qu'elle a été violée par deux soldats en Guinée. "Nous sommes pauvres, mais nous sommes des gens bons, je ne pense pas à l'argent." Quid alors de la fameuse conversation téléphonique avec Amara Tarawally, un trafiquant de drogue emprisonné en Arizona ? Selon le New York Times, elle lui aurait déclaré le lendemain de l'incident dans son dialecte : "Ne t'inquiète pas, ce type a plein de fric, je sais ce que je fais." Mais apparemment la citation est une paraphrase du traducteur et la vraie citation serait différente. Dans l'interview, elle nie avoir touché de l'argent d'Amara Tarawally. Il a eu accès à ses comptes en banque en lui donnant de faux sacs de marque. "Six ou sept. Ils n'étaient pas de très bonne qualité." 
Ces déclarations publiques risquent de compliquer les rapports déjà très tendus entre les avocats de Nafissatou Diallo et le procureur. Les derniers interrogatoires au bureau de Cyrus Vance ont été particulièrement houleux. Reste maintenant au procureur à décider s'il peut aller au procès ou s'il vaut mieux un non-lieu. Une décision qui peut survenir à tout moment. 

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