Face au vote du Parlement britannique et à la résistance des chefs militaires et congressistes américains à toute attaque militaire contre la Syrie, le Président Barack Obama a décidé samedi de solliciter l’autorisation du Congrès, tout en prétendant qu’il n’est pas obligé, selon son interprétation personnelle du terme « commandant-en-chef », de respecter la Constitution.
Le projet de résolution schizophrène déposé par Obama fait appel à plusieurs provisions de la Charte des Nations unies, bien qu’il ait décidé d’ignorer, comme l’avait fait George W. Bush avant lui, l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU comme unique responsable de la mise en application de ces résolutions. Ainsi, le projet cite la Convention sur les armes chimiques (mise à jour du Protocole de Genève de 1925) et la Résolution 1540 de l’ONU de 2004 déclarant les armes de destruction de masse une menace à la paix et la sécurité internationale, dont toute violation doit être référée au Conseil de sécurité de l’ONU.
Prétendant qu’une attaque aérienne « limitée » (comme celle des Japonais sur Pearl Harbour qui n’avait duré que quelques heures) n’est pas un acte de guerre, le projet de résolution se garde bien, effectivement, de déclarer la guerre à la Syrie.
Le député démocrate progressiste Dennis Kucinich, qui avait joué un rôle de premier plan dans la mobilisation contre la guerre de 2003 contre l’Irak, a fait remarquer dans un courriel massivement diffusé vendredi dernier qu’il « n’existe aucune preuve définitive montrant qu’Assad savait ou aurait ordonné l’attaque aux armes chimiques du 21 août ». Il a réitéré les points suivants, largement débattus parmi les élus américains :
Il existe au moins deux incidents au cours desquels l’opposition aurait fait usage d’armes chimiques. Un premier incident, qui a eu lieu en mars, a été référé au Conseil de sécurité de l’ONU par la Russie. Un autre, qui a eu lieu en avril, a été cité par l’enquêteur spécial de l’ONU Carla Del Ponte.
Certaines fusées identifiées près des sites des attaques sont de fabrication artisanale.
Un effort coordonné avait été fait par des responsables américains pour décourager la tenue d’une enquête complète de l’ONU.
Le plus grand bénéficiaire de l’attaque sur le gouvernement syrien est al-Qaïda, qui dirige l’opposition.
La Syrie ne pose pas de menace imminente à la sécurité des Etats-Unis.
En l’absence d’un menace actuelle ou imminente à l’égard des Etats-Unis, seul le Congrès a l’autorité, selon l’article 1, section 8 de la Constitution, de déclarer la guerre.
Si plusieurs commentateurs on fait remarquer qu’un vote immédiat au Congrès donnerait un résultat négatif, d’autres estiment qu’Obama pourrait, en exerçant au cours des prochaines semaines un niveau de pression suffisant, faire basculer le vote en faveur de la guerre. Quoique qu’il en soit, le fait qu’il soit obligé de consulter les élus représente une défaite tactique importante pour un président qui n’a cessé, que ce soit par rapport aux multiples assassinats « ciblés » par drone ou bien par rapport aux programmes secrets d’écoutes et de surveillance des citoyens ordonnés par lui, d’empiéter sur l’autorité du pouvoir législatif.
L’opposition des militaires à la guerre
Pour ce qui est de l’opposition des militaires américains (et autres) à la guerre, elle est massive. Au-delà du général Martin Dempsey, le chef d’état-major interarmées, qui a réitéré à maintes reprises les raisons pour lesquelles une attaque sur la Syrie, même limitée, ne permettrait en rien de résoudre la crise, plusieurs autres personnalités militaires de haut rang ont fait part de leur opposition.
« Des attaques punitives ne résoudront absolument rien », a déclaré l’ancien secrétaire-général de l’OTAN Jaap de Hoop Scheffer au Telegraph le 31 août.
Quiconque croit qu’il y a solution militaire à l’horrible guerre ayant lieu présentement en Syrie a besoin d’un examen psychiatrique.
Scheffer a ajouté que les dirigeants occidentaux qui se sont eux-mêmes discrédités en traçant leur propre ligne rouge doivent la traverser pour discuter avec la Russie et même l’Iran. Il faut pour cela une Conférence de Genève II pour discuter de l’avenir de la Syrie, a-t-il expliqué.
Le colonel américain Douglas MacGregor, qui avait commandé les opérations de l’OTAN contre le Kosovo, a déclaré à Radio Canada qu’une attaque contre la Syrie serait un « exercice d’hypocrisie » car une chute du gouvernement Assad conduirait à une « annihilation » complète des minorité chrétienne, alaouite et autres actuellement protégées par le régime syrien.
Reprenant les propos de Kucinich, qui a déclaré que l’armée américaine n’a pas vocation à « être la force aérienne d’al-Qaïda », un officier militaire de rang modeste a fait parvenir à l’animateur radio Angel Clark un message qu’il voulait faire diffuser tout en gardant l’anonymat, au nom de plusieurs collègues officiers dans la marine :
Je n’ai pas joint la marine pour me battre pour al-Quaïda dans la guerre civile syrienne.
Progrès et Solidarité
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