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lundi 11 janvier 2010
DECLARATION DE SERGE LETCHIMY, Consultation du 10 janvier 2010
Le peuple martiniquais vient de s’exprimer.
Son choix est clair, net et sans ambiguïté : le Peuple Martiniquais refuse l’article 74, tel qu’il est conçu, tel qu’il est rédigé.
Notre appel à l’élaboration d’une responsabilité véritable et sérieuse, a été entendu.
Je veux en cet instant solennel, remercier celles et ceux qui ont cru en nous, en notre sincérité, mais aussi en notre détermination à nous battre, malgré une campagne par moment odieuse, et souvent peu respectueuse des femmes, des hommes, de la démocratie.
Notre sincérité, et certainement notre lucidité, pour démontrer que le peuple martiniquais méritait mieux, plus de respect, plus de transparence, plus d’ambition pour sortir ce pays de son marasme, économique et social, ont été comprises.
Partisans résolus du changement et de la responsabilité, nous, au PPM et au MAP, nous avons été respectueux des aspirations les plus profondes du peuple martiniquais.
Nous ne manifesterons aucun triomphalisme, et surtout nous ne tomberons dans aucune stigmatisation, ni aucune rancœur.
Mais nous tenons néanmoins à mettre en garde notre pays contre toutes formes de dérives dont la première victime sera le peuple martiniquais. Cette campagne nous a divisés mais elle ne nous a pas séparés. Nous devons trouver la force de nous respecter, et de nous élever collectivement vers ce qu’il y a d’essentiel : les valeurs humaines, les valeurs démocratiques, et l’intérêt supérieur de la Martinique !
C’est ainsi, et seulement ainsi , que l’on pourra prétendre, ensemble, je le dis haut et fort, ensemble, sortir ce pays de sa situation de mal-développement, et répondre de manière cohérente aux besoins vitaux de la population, sans sectarisme, sans stigmatisation de quiconque, et surtout sans haine.
On ne peut construire ce pays en édifiant des clans, des murs, des mises en accusations Nous devons, et nous pouvons, fonder de nouvelles espérances sur la base d’un projet de société responsable, d’inspiration et d’institution communes.
Ce n’est donc pas la victoire du PPM, ni celle du MAP. C’est la victoire de la lucidité d’un peuple. C’est la victoire d’une sagesse, la sagesse du peuple martiniquais.
Ce NON n’est pas un refus de la dignité et de la responsabilité. C’est le refus d’un simple numéro d’article dans une Constitution obsolète. C’est le rejet d’une conception des libertés locales qui, en ce 21eme siècle, et à l’heure de la mondialisation, est tout simplement inacceptable. C’est la mise en accusation d’une conception jacobine bien française, qui ne répond pas à la double ambition du peuple martiniquais d’appartenir à une République aux valeurs admirables tout en exprimant son génie singulier et sa claire différence.
C’est, enfin, un appel à reconnaître la personnalité collective de ce peuple, dans une approche républicaine modernisée, où la pleine égalité des droits ne sera pas incompatible avec le droit à l’initiative locale, le droit à la différence, le droit au rayonnement endogène.
Le temps d’un nouveau commencement est arrivé. Ce pays aura besoin de tous ses enfants, quelque soit leur couleur de peau, leur origine, leur rang social… Il aura besoin de tous ses acteurs économiques, sociaux, culturels et intellectuels… C’est l’heure du mieux être ensemble pour mieux construire ensemble les bases et les fondements d’une société martiniquaise pleinement responsable, dans une France mieux ouverte aux pluralités identitaires et culturelles dont l’histoire l’a enrichie.
Puisque le numéro 74 a été rejeté, nous devons poursuivre la bataille pour le changement.
Je vous invite, tous, y compris ceux qui ont milité et voté pour le OUI, à faire front pour éviter tout statut quo, tout conservatisme suicidaire, et tout assimilationnisme réducteur.
Dans 15 jours, le 24 janvier, nous serons de nouveau consultés, non pas seulement sur l’article 73, mais sur le choix d’une collectivité unique dans le cadre de cet article. Pour certains, c’est une fin en soi. Pour nous, c’est la première étape d’un processus : celui de la troisième voie.
C’est le moment d’amorcer une transition qui nous permettra, dans la transparence, dans le travail, dans l’expérimentation, d’aller vers des choix partagés, cohérents, et négociés en vue d’un espace de responsabilité conforme aux attentes du peuple martiniquais.
Le 24 janvier, nous vous invitons à dire OUI !
OUI à une responsabilité qui ne renonce pas aux acquis de nos luttes ancestrales !
Aux martiniquaises et aux martiniquais, je dis que c’est sans complexe, et avec la détermination la plus sereine, que vous devez aborder l’Avenir. Il ne s’agit plus d’attendre une quelconque solution qui nous viendrait d’ailleurs : Il s’agit maintenant de mettre en œuvre une autonomie de pensée, une autonomie de conception, une autonomie de vouloir, et surtout une autonomie de résolution pour changer ce qu’il y a à changer, et dans cette Constitution, et dans notre vision de nous-mêmes, et dans notre vision du Monde !
Aux élus martiniquais, je dis que la confrontation d’idées est essentielle. Que l’ajustement de nos différences est fondamental. Que les attaques à l’intégrité des personnes, sont le creuset des grandes dérives autoritaires. Je plaide pour l’humilité, pour le respect mutuel, pour le droit à la liberté d’expression, et pour la tolérance.
Aux services de l’Etat, je dis que tous les Etats-généraux du monde, tous les paternalismes, toutes les réparations, toutes les bienveillances mémorielles, ne pourront compenser ce qu’il y a de plus précieux pour nous martiniquais, à savoir : la reconnaissance de ce que nous sommes en vue d’une démarche décisive vers un total épanouissement !.. Mais c’est d’abord à nous, Martiniquais, hors de toute haine, hors de toutes arrière-pensées, mais aussi loin de tout complexe d’infériorité, que nous pourrons, de manière sérieuse et responsable, opérer les choix qui inaugurent de vraies ambitions pour notre pays.
C’est ainsi, et seulement ainsi, que nous pourrons exiger, et obtenir !, la nécessaire modernisation des institutions et de la Constitution de cette République !
Vive la Martinique qui avance ! Vive la Martinique responsable !
Fort de France, Dimanche 10 janvier 2010, 21 heures.
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