80 bébés sont refusés chaque mois à l'orphelinat La maison des enfants de dieu à Delmas 31, quartier détruit. 65 enfants y habitent et sont considérés comme sauvés par rapport au milliers d'autres réduits à la mendicité au vagabondage ou au gangstérisme. Reportage.
Un petit garçon me tire les doigts de la main et puis s'agrippe à la dentelle de mon tee-shirt, il veut sauter dans mes bras et fièrement il me répète son nom en créole : Vladimir Corca, 3 ans. C'est tout ce dont il se souvient, ce qui reste de son histoire que l'on ne pourra jamais sans doute reconstituer. Des passants l'ont trouvé sur un tas de gravats protégé par les bras d'un père mort par la chute d'une poutrelle. De sa mère, aucune trace manifestement.
Ces gens-là l'ont apporté chez monsieur Alexis, "pou qu'il swâ ben nouri" et qu"'il ait de l'eau pou bwè". Monsieur Alexis, le directeur, est un Mac Gyver, et puis, nous dit-il: "Comment dire non à un enfant ?" Depuis le 12 janvier, cet orphelinat où la débrouille est de rigueur ,c'est sa maison, son refuge, son avenir...
Dans la cour, la pouponnière : une tente offerte par les dons canadiens. Une nounou s'occupe d'une vingtaine de petits d'un an tout au plus. Certains marchent, d'autres rampent, ils sont survivants et orphelins et ne peuvent pas être adoptés.
Le gouvernement interdit toujours toutes les démarches par crainte de la reprise du trafic d'après le tremblement de terre. Tout reste en l'état et Jean-Pierre Alexis doit refuser des enfants, 80 par mois. Pour cette raison-là mais aussi parce les dons diminuent. "Les larmes des donateurs sont ailleurs pour un autre endroit, Haïti on l'oublie", nous confie-t-il, "à l'exception du Canada et de la Belgique où une école supérieure est devenue un mécène" (l'Ipsma à Charleroi).
Il y a donc 65 enfants, l'orphelinat pourrait en accueillir près de 200 mais l'argent manque cruellement. Alors pas de risques inutiles, on pense aux lendemains...
Tout fonctionne avec des soins médicaux, des nounous, du personnel habilité et des bouts de ficelle... Un poulailler offert par des Belges, des clapiers et des vivres de l'Unicef mais on ne sait pas pour combien de temps encore car les distributions sont terminées officiellement... Pourtant les enfants sont notre avenir, dit le directeur .
La cuisine sent bon, de grandes marmites sous un appentis de bois fument. A côté du linge qui sèche sur de longs fils, les plus grands chantent, chantent en frappant dans les mains...
La présence de Dieu est partout, même pendant la sieste des moyens, les nounous se réunissent pour implorer leur seigneur de sauver ce qui reste d'Haïti dans des incantations psalmodiées et répétitives...
30 orphelinats à Port-au-Prince loin d'être saturés mais des milliers d'enfants sont dans les rues, se nourrissant dans les camps, gagnant deux francs, six sous en nettoyant les vitres des grosses quatre-quatre ou en grossissant les rangs des gangs de la Cité soleil. Là, la relève est assurée sans l'ombre d'un doute. Et combien sont-ils ? Aucun recensement n'existe.
Vladimir quitte mes bras pour aller courir derrière un petit chien qu'il attrape et qu'il tend fièrement. "C'est son ami, son réconfort", conclut le directeur.
F. Baré, à Haïti
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