"Les tensions importantes qui déchirent Haïti ont inévitablement marqué le sommet tripartite des ministres des Affaires étrangères tenu au Moulin de Wakefield, hier.
Le Canadien Lawrence Cannon, la Mexicaine Patricia Espinosa et la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton s'étaient donné rendez-vous pour discuter de thèmes communs à leurs trois pays : énergie, frontières, commerce. Mais pendant la conférence de presse qui a suivi la rencontre, le thème de la Perle des Antilles s'est dressé comme le sujet de l'heure, du moins pour le Canada et les États-Unis.
Les Canadiens s'intéressent à Haïti pour des raisons démographiques, culturelles et linguistiques. À cause du français en partage et de notre tradition d'ouverture, des dizaines de milliers de Haïtiens sont venus s'installer parmi nous au cours des cinq dernières décennies, souvent pour échapper à la succession de régimes politiques qui ont marqué le pays avant et depuis « Papa Doc », François Duvalier. Leur pays natal nous interpelle. Ces Néo-Canadiens se sont intégrés et s'illustrent dans notre cinéma, notre littérature, etc., jusqu'à Rideau Hall même, avec l'ex-gouverneure générale Michaëlle Jean. Plus récemment, des soldats et des policiers canadiens sont souvent intervenus lors de missions humanitaires. Haïti est proche de notre coeur et la litanie des problèmes que le sort leur a jetés et que leur désordre leur a amenés nous émeut tous.
Les États-Unis s'intéressent à Haïti pour des raisons géographiques, politiques, commerciales et, de plus en plus, démographiques. Des centaines de milliers d'Haïtiens ont trouvé refuge au pays de l'Oncle Sam, beaucoup dans les États de New York et de la Floride, à quelques kilomètres à peine des côtes haïtiennes. Les Américains souhaiteraient un régime haïtien plus stable parce qu'ils ont longtemps craint qu'un régime communiste puisse s'y installer comme à Cuba. Ils sont aussi, et de très loin, le plus important partenaire économique de Haïti (85 % des échanges).
Les pays riches investissent quelque 250 millions $ par année à Haïti. Cela n'inclut pas les efforts supplémentaires et exceptionnels qui ont été consentis à la suite de tremblement de terre du 12 janvier 2010, ou de la récente épidémie de choléra.
Bref, tout le monde souhaite plein de bonnes choses pour Haïti.
Mais la toute récente élection présidentielle, tenue le mois dernier malgré l'état de désorganisation qui marque encore ce pays en reconstruction, a illustré les énormes défis qui attendent Haïti et les tout aussi énormes limites qui handicapent l'aide internationale. Dans cette élection à deux tours, il était impératif de finir premier ou deuxième. Avec trois favoris, Mirlande Manigat, Michel Martelly et Jude Célestin et un processus électoral encore difficile, le camp de l'exclus était dû pour se sentir floué. C'est ce qui est arrivé chez les supporters de M. Martelly, que plusieurs disaient en avance dans les derniers jours avant le vote du 28 novembre dernier. Des accusations de magouillage électoral vont jusqu'à remettre en question le résultat de la présidentielle, laissant entendre que les autorités derrière M. Célestin, le candidat favori du président sortant René Préval, auraient réussi à trafiquer le dépouillement des urnes.
Haïti n'avait pas besoin d'une autre crise, de leadership celle-là. Le pays n'a pas de temps à perdre dans l'attentisme d'un résultat fiable mais la pauvreté de Haïti ne rend pas sa présidence moins attirante.
Les pays qui aident Haïti, et les pays qui observent Haïti, reconnaissent les limites de la fragile démocratie du plus pauvre pays des Amériques. Nous avons constaté, entre autres en Irak, les limites de l'impérialisme américain qui souhaitait répandre les principes démocratiques. Nous ne pouvons imposer nos valeurs à ceux qui n'en veulent pas, même si elles nous ont été profitables.
Dans le cas de Haïti, la « tradition » démocratique n'est pas à inculquer puisqu'elle est présente depuis au moins trois bonnes décennies. Mais elle ne s'exprime pas facilement. Il est difficile pour nous, citoyens de démocraties occidentales, d'imaginer comment un pays aussi ravagé peut s'exprimer collectivement. Justement, cette voix est contestée. Une chose demeure : ce n'est ni aux Américains, ni aux Mexicains ni aux Canadiens de dire aux Haïtiens qui doit diriger leur pays, et comment. Poser des conditions à notre aide - un sénateur américain a même suggéré la suspension de l'aide des États-Unis - ne fait rien pour appuyer les populations au sol non plus.
– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"
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