samedi 19 novembre 2011

Le Pape convie l'Afrique à entrer dans la modernité

Benoît XVI adresse à tous les pays africains une exhortation apostolique pour encourager ce continent à aller de l'avant. 


C'est en «passeur» que le Pape est entré vendredi au Bénin. À peine arrivé à Cotonou, où il séjourne jusqu'à demain, Benoît XVI a été chaleureusement accueilli par le président Boni Yayi et s'est adressé aux chefs traditionnels pour leur demander de contribuer «par leur sagesse et leur intelligence» au «délicat passage qui s'opère entre la tradition et la modernité» .

Vocations florissantes 

Benoît XVI, plutôt en forme malgré la perspective de ses 85 ans, a redit à l'Afrique, dans un français très appliqué, la conviction qui anime à la fois sa vision de l'Église et du monde : «La modernité ne doit pas faire peur mais elle ne peut se construire sur l'oubli du passé.» D'où la nécessité selon lui d'«accompagner» cette transition «avec prudence» afin d'éviter une série «d'écueils» dont il a dressé une liste sans appel : «la soumission inconditionnelle aux lois du marché ou de la finance, le nationalisme ou le tribalisme exacerbé et stérile qui peuvent devenir meurtriers, la politisation extrême des tensions interreligieuses (…) et l'effritement des valeurs humaines, culturelles, éthiques et religieuses».

Le ton de ce court voyage était donc donné. Le second pour lui en Afrique et le vingt-deuxième de son pontificat hors d'Italie. Dans l'esprit du Pape, il s'agit surtout de trouver «les critères sûrs» pour «guider» ce «passage à la modernité». Et pas seulement au Bénin. L'exhortation apostolique post-synodale, un document de 140 pages qu'il rendra public ce matin (conclusion du synode africain de 2009) a le statut d'une véritable charte pour bâtir l'avenir. Benoît XVI est même venu spécialement au Bénin pour remettre cette feuille de route, lors d'une cérémonie officielle ce matin, aux représentants des Églises catholiques de tout le continent.

Mais ce voyage, qui est une fête pour les catholiques de ce pays - un tiers d'une population de neuf millions d'habitants -, et cette volonté d'apporter de l'espérance interviennent dans un contexte très lourd. Le chômage touche 70 % de la population. La réforme agraire visant à distribuer trois millions d'hectares profite plutôt aux grosses entreprises agricoles, ce qui accélère l'exode rural massif, à l'opposé de l'objectif recherché. La corruption frappe à tous les étages. Les évêques la dénoncent mais une enquête vient de démontrer que 80 % des habitants affirment devoir payer sous la table pour obtenir ce qui leur revient de droit.

Sur le plan religieux enfin, les vocations religieuses sont florissantes (800 séminaristes pour 1 500 prêtres) mais l'animisme est roi. «La majorité de notre population pratique encore la religion traditionnelle africaine», a reconnu hier après-midi, devant le Pape, Mgr  Antoine Ganyè, archevêque de Cotonou. Sans compter les sectes protestantes qui «se diffusent comme une tâche d'huile» au Bénin selon l'expression de l'Osservatore Romano d'hier.

Un thème que Benoît XVI a d'ailleurs abordé de front devant les cinquante journalistes qui l'accompagnaient sur le vol papal : «Nous ne devons pas imiter ces communautés mais nous demander ce que nous pouvons faire, nous, pour donner une nouvelle vitalité à la foi catholique. Et je dirais qu'il faut certainement un message simple, profond et compréhensible. Il est important que le christianisme n'apparaisse pas comme un système difficile et européen que d'autres ne pourraient pas comprendre. Il doit apparaître comme un message universel.»

Jean-Marie Guénois 

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