jeudi 26 juillet 2012

Faux Printemps, Coup d’Etat Post Moderne




Un bilan sans concession circonstancié détaillé politique et géostratégique fait par Ismael Hossein-Zadeh professeur émérite d’économie à la Drake University, Des Moines, Iowa sur le « Printemps Arabe » sa récupération par les US/Israël et leurs alliés à des fins d’hégémonie coloniale mondiale.

Les tous premiers mois de 2011 les Etats Unis et leurs alliés ont perdu 3 fidèles « amis » : Hosni Mubarak en Egypte, Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie, et Saad Hariri au Liban. Tandis que Moubarak et Ali ont été chassés du pouvoir par de vastes soulèvements populaires Hariri a été chassé par le parlement. 

Inspirés par ces mouvements de libération, des rebellions pro démocraties contre des autocrates (et leurs soutiens occidentaux) se sont vite répandus dans d’autres pays comme le Bahreïn le Yémen la Jordanie et l’Arabie Saoudite. 

Alors que ces mouvements révolutionnaires semblaient profiter politiquement à « l’axe de la résistance » (comprenant l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas) au Moyen Orient, « l’axe d’agression » US-Israélien et leurs états vassaux dans la région ont monté une offensive de contre insurrection totale.  Surpris par la vague initiale du Printemps Arabe en Egypte, et Tunisie, les US et leurs alliés ont violemment répliqué pour se venger. Ils ont employé simultanément un certain nombre de tactiques pour saboter le Printemps Arabe. 

Celles-ci incluaient : 

(1) Créer de fausses situations de Printemps Arabe dans des pays qui étaient/sont dirigés par des régimes désobéissants tels que ceux dirigeant l’Iran, la Syrie, la Libye ; 

(2) Soutenir des mouvements révolutionnaires dans des pays comme l’Egypte la Tunisie le Yemen ; 

(3) Ecraser des mouvements pro démocratie contre des régimes « amis » dirigeant des pays comme le Bahreïn la Jordanie et l’Arabie Saoudite avant qu’ils ne deviennent « hors de contrôle » comme cela a été le cas en Egypte et Tunisie ; 

(4) Et utiliser la vieille astuce du diviser pour régner en jouant la carte sectaire Sunnites contre Shi’ites, ou Iraniens contre Arabes. 

1.Faux Printemps coup d’état post moderne 

Juste après avoir été pris par surprise par les soulèvements glorieux d’Egypte et de Tunisie les forces contre révolutionnaires dirigées par les Etats Unis se sont livrées à des opérations de contrôle des dommages. Une stratégie majeure pour atteindre cet objectif cela été de fomenter guerre civile et « changement de régime » dans des endroits «hostiles» et ensuite de dire que cela faisait partie du Printemps Arabe. 

Le plan fonctionnait comme suit : armer et entraîner des groupes d’opposants à l’intérieur du pays «hostile » fomenter une violente rébellion avec l’aide de mercenaires clandestins sous prétexte de combattre pour la démocratie et quand les forces gouvernementales essaient d’en finir avec cet insurrection armée ainsi fomentée les accuser de violations des droits de l’homme et commencer à s’embarquer ouvertement en affirmant être dans son droit à changer le régime au nom de la «responsabilité de protéger» les droits de l’homme. 

Le « lien le plus faible » dans la chaîne des gouvernements ainsi ciblés pour le changement de régime c’est celui de Kadhafi devenu la première cible. C’est communément admis que contrairement aux manifestations spontanées pacifiques non armées en Egypte en Tunisie et au Bahreïn la rébellion en Libye a été fomentée armée et orchestrée principalement à l’étranger. En fait les preuves montrent que les plans de changement de régime en Libye ont été conçus bien avant le déclenchement public de l’actuelle guerre civile.(1) 

C’est de même communément admis que tout comme la rébellion en Libye, l’insurrection en Syrie n’a été ni spontanée ni pacifique. Dés le départ elle était armée entraînée et organisée par les US et leurs alliés. Identique à l’attaque contre la Libye la Ligue Arabe et la Turquie ont été en première ligne des massacres en Syrie. Tout comme dans le cas de la Libye il y a des preuves de préparations pour une guerre contre la Syrie bien avant le début effectif de la rébellion armée qui a été intégrée au Printemps Arabe.(2) 

Dr Christof Lehmann un observateur expérimenté sur les développements géopolitiques au Moyen Orient a inventé le terme «coup d’état post moderne » pour décrire l’agenda récent de l’OTAN/Sioniste de changement de régime dans la région. Le terme fait référence à un mélange élaboré d’opérations clandestines d’interventions militaires directes et de tactiques de « soft power » (pouvoir doux) à la Gene Sharp : 

« un réseau de think tank de fonds et fondations sont derrière la déstabilisation directe d’états nations ciblés. Leurs narrations dans le domaine de la politique publique pour l’opinion publique sont trompeuses et cherchent son adhésion. Ils visent souvent une cible spécifique et obtiennent le ralliement de penseurs progressistes de médias et d’activistes. Le résultat est presque invariablement un coup d’état post moderne. Selon l’hybridation choisie et la résistance du gouvernement des structures sociales et des besoins de réformes observées chez les populations le résultat peut être plus ou moins violent. Les tactiques peuvent être si subtiles impliquant des organisations des droits de l’homme, et les Nations Unies qu’elles sont difficiles à comprendre. Cependant aussi subtiles soient - elles le message pour le gouvernement ciblé est invariablement : « part ou tu seras chassé ».(3) 

Ce n’est un secret pour personne que le but ultime de la politique de changement de régime au Moyen Orient c’est de remplacer le gouvernement iranien par un « régime client » identique à ceux de la plupart des régimes dans la région. Il reste à voir si cette politique de renversement du gouvernement syrien et de frappe militaire contre l’Iran réussira. Une chose est claire cependant les conséquences imprévisibles d’une aventure militaire contre l’Iran seront incalculables. Cela risque de provoquer une guerre régionale (et probablement mondiale). 

2.Des Révoltes manipulées 

Quand le Printemps Arabe a éclaté en Egypte Tunisie et Yémen, les US et leurs alliés ont d’abord essayé de maintenir au pouvoir aussi longtemps que possible leurs dirigeants vassaux, Hosni Moubarak, Ben Ali et Abdullah Saleh. Dés lors que les soulèvements en masse persistants ont rendu impossible le maintien au pouvoir de ces fidèles autocrates, les US et leurs alliés ont alors changé de tactique : ils ont laissé partir Moubarak Ali et Saleh tout en essayant de préserver les structures socioéconomiques et les régimes militaires qu’ils avaient entretenus durant leurs longues périodes de règne dictatorial. 

Ainsi donc tout en perdant 3 dictateurs vassaux les US et leurs alliés ont réussi (jusqu’à présent) à maintenir les 3 états vassaux. Mis à part les élections de pure forme qui ont pour but de soumettre des groupes d’opposition (comme les Frères Musulmans en Egypte) et fournir une légitimité aux dirigeants militaires rien n’a vraiment changé dans ces pays. En Egypte par exemple la junte militaire soutenue par l’OTAN/Israël de l’époque Moubarak qui actuellement dirige l’Egypte avec les Frères Musulmans est devenue de plus en plus tout aussi répressive contre le mouvement de réforme qui a donné naissance au Printemps Arabe que du temps de Moubarak. 

Les politiques économique, militaire et géopolitique des nouveaux régimes dans ces pays sont décidées après consultation des US et de leurs alliés tout comme elles l’étaient sous les régimes autocrates obligés de quitter la scène politique. Les nouveaux régimes collaborent également avec les US et leurs alliés pour obtenir un « changement de régime » en Syrie et en Iran comme ils ont aidé à renverser le régime de Kadhafi en Libye. 

3.Tuer Les Bourgeons 

Une troisième tactique pour contenir le Printemps Arabe c’était de réprimer violemment les mouvements pro démocratiques dans des pays dirigés par des régimes vassaux des US Le Bahreïn L’Arabie Saoudite La Jordanie et d’autres royaumes du Golfe Persique avant que ces mouvements ne s’amplifient et deviennent «hors de contrôle» comme cela est arrivé en Egypte Tunisie et au Yémen. Ainsi donc collaborant avec ses patrons occidentaux l’Arabie Saoudite a depuis plus d’un an réprimé vicieusement les manifestants pacifiques non seulement dans ses frontières mais aussi dans le pays voisin le Bahreïn. A la tête de l’invasion du Bahreïn par des forces militaires du Golfe Persique l’armée saoudienne avec le soutien des puissances occidentales continue de brutaliser des manifestants pacifiques là bas. 

Tandis que les Saoudiens le Qatar et d’autres régimes du Golfe Persique ont joué un rôle d’avant-garde dans l’axe d’agression US- israélien contre des régimes «hostiles » les forces de l’OTAN dirigées par le Pentagone étaient occupées dans les coulisses à entraîner les forces de « sécurité » à vendre des armes pour ces régimes répressifs et à construire encore plus de bases militaires sur leurs territoires. 

"Alors même que les forces de sécurité dans la région réprimaient le mécontentement démocratique le Pentagone a aussi envoyé des troupes américaines pour des missions d’entraînement aux armées alliées là bas. Au cours de plus de 40 de ces opérations portant des noms tels que Eager Lion et Friendship Two qui ont parfois duré des semaines ou des mois d’affiliée elles ont enseigné aux forces de sécurité du Moyen Orient des tactiques raffinées de contre insurrection, telles que des tactiques utilisant de petites unités, la collecte d’information et des opérations d’information - des capacités cruciales pour battre les soulèvements populaires. 

Ces exercices conjoints récurrents occultés par les médias et rarement mentionnés en dehors de l’armée constituent le cœur d’un système élaboré existant depuis longtemps qui lient le Pentagone à des régimes militaires répressifs partout au Moyen Orient ". (4) 

Ces politiques réellement impérialistes et ces pratiques montrent une nouvelle fois que les affirmations des US et de leurs alliés que leurs aventures soit disant justes pour un « changement de régime » au Grand Moyen Orient visant la défense des droits de l’homme et l’instauration de la démocratie sont tout simplement risibles. 

4.Diviser Et Conquérir : Sunnites Contre Shi’ites 

L’une des tactiques pour écraser les mouvements pacifiques pro démocratie dans les pays arabo musulmans dirigés par des régimes vassaux des US c’est de décrire ces mouvements comme des insurrections « shi’ites ». Cette tactique vieille comme le monde de diviser pour régner est poursuivie avec zèle au Bahreïn où la destruction de mosquées shi’ites comme faisant partie de la politique cynique du régime »d’humilier les Shi’ites » pour » qu’ils se vengent sur les Sunnites » vise en fait à prouver que le soulèvement à en fait un caractère sectaire .(5) 

Citant Nabeel Rajab qui se décrit lui-même comme étant séculier à la fois sunnite et shi’ite de par ses antécédents familiaux la reporter Finian Cunningham écrit : « le gouvernement essaie d’inciter des tensions sectaires pour diviser pour intimider les Sunnites de sorte qu’ils ne soutiennent pas le mouvement pro démocratie car il est présenté comme un mouvement shi’ite » 

Cunnignham ajoute : « cibler les Shi’ites est une tactique utilisée par le régime pour faire passer le mouvement pro démocratie nationaliste comme étant en fait sectaire. C’est aussi une façon de saper le soutien international pour le mouvement pro démocratie en essayant de le présenter comme un problème interne de l’état face à des « Shi’ites perturbateurs ». De cette manière on fait croire que le soulèvement au Bahreïn est quelque chose de différent des soulèvements pour la démocratie qui ont balayé la région ». 

Pour résumer le magnifique Printemps Arabe qui a débuté en Egypte et Tunisie début 2011 a été brutalement détourné déformé et bridé par une totale contre offensive orchestrée par les puissances occidentales et leurs alliés dans le Grand Moyen Orient tout spécialement Israël la Turquie et la Ligue Arabe. Pendant combien de temps ce bridage des aspirations de libération nationale des masses arabes/musulmanes va durer nul ne le sait. Une chose est sure cependant : le succès d’un Printemps Arabe ( ou autre) dans le monde sous développé semi colonial est totalement lié au succès du mouvement des 99% dans les pays plus développés du monde impérialiste dont le but est de vaincre les politiques d’austérité des 1% pour redistribuer un grand pourcentage des gigantesques dépenses militaires dans le domaine social et pour bénéficier d’un niveau de vie respectant la dignité humaine. 

De manière subtile et détournée les guerres impérialistes choisies et les aventures militaires à l’étranger reflètent ou sont les tribulations de luttes domestiques sur la distribution des ressources nationales : c’est seulement en inventant ( sans fin) de nouveaux ennemis et en s’engageant dans des guerres permanentes à l’étranger que les puissants bénéficiaires des guerres et du militarisme détruisent les «bénéfices de paix » et tirent profit des «bénéfices de guerre» importants réalisés chez eux. 

Dans le combat pour la paix et la justice économique peut être que les 99% peuvent prendre exemple sur les 1% d’élites qui coordonnent leurs politiques d’agression militaire et d’austérité économique au niveau international et ainsi les 99% de par le monde peuvent (et doivent) coordonner leur réponse à ces politiques brutales internationalement. Ce n’est seulement que par une lutte transfrontalière pour la paix et la justice économique que les travailleurs et les autres groupes populaires pourront stopper la production de biens et services pour la réorienter vers un monde meilleur - un monde ou les produits du travail humain et les ressources naturelles pourront profiter à tous. 

Prof Ismael Hossein -zadeh 25/07/2012 


Notes 

1. Michel Chossudovsky, When War Games Go Live. 

2. See, for example, Dr Christof Lehmann, The Manufacturing of the War on Syria. 

3. Dr Christof Lehmann, The National Counsel of Syria and US Unconventional Warfare. 

4. Nick Turse, Did the Pentagon Help Strangle the Arab Spring? 

5. Finian Cunningham, Bahraini Rulers Play sectarian card in Bid to Trump Pro-democracy Movement. 

Ismael Hossein-zadeh est Professeur Emérite d'Economie, Drake University, Des Moines, Iowa. Il est l'auteur de The Political Economy of US Militarism (Palgrave-Macmillan, 2007) et Soviet Non-capitalist Development: The Case of Nasser’s Egypt (Praeger Publishers 1989). Il a particfipé à la rédaction de Hopeless: Barack Obama and the Politics of Illusion, bientôt publié par AK Press. 

Traduction pour PNV Mireille Delamarre

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