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samedi 16 janvier 2010
Course contre la mort dans le chaos de Port-au-Prince
Trois jours après le séisme qui a dévasté Port-au-Prince, mardi 12 janvier, des survivants sont encore dégagés des décombres. Samaël Lochard, 5 ans, est l'un de ces miraculés. Son petit corps couvert de poussière blanchâtre est allongé sur une planche dans la cour du centre hospitalier de la Renaissance, où il a été déposé par des sauveteurs haïtiens bénévoles. Le bâtiment à moitié détruit par le tremblement de terre est inutilisable. Douze médecins cubains ont improvisé une salle d'urgence dans la cour, à deux pas de la cathédrale de Port-au-Prince, dont seuls quelques murs sont encore debout.
"Nous l'avons dégagé dans un immeuble de la rue Saint-Gérard. Une équipe de sauveteurs nous avait dit qu'il n'y restait plus de survivants. Nous avons continué à chercher et avons trouvé ce garçon en vie, le fils d'un ancien commissaire de police", raconte Claire Lydie Parent. Maire de Pétionville, une banlieue de la capitale, cette femme dynamique a organisé des équipes de sauveteurs dès les premières heures qui ont suivi la catastrophe.
Alice Anaya, une infirmière cubaine, ausculte doucement le petit Samaël, en état de choc. Elle nettoie ses paupières, collées par le plâtre et lui fait une injonction d'analgésique. "Il est déshydraté, un médecin viendra l'examiner", dit-elle avant de retourner prodiguer les premiers soins à une longue file de blessés. L'équipe cubaine est arrivée dès mardi soir, quelques heures après le séisme, et attend un chirurgien. Dans un bloc opératoire de fortune, sous une bâche, un médecin ampute un blessé. "Il nous manque des antibiotiques, du sérum pour hydrater les patients, des pansements, des seringues", énumère l'infirmière.
"C'est comme une nouvelle naissance. J'étais dans mon bureau quand la terre a tremblé et j'ai bien cru que je n'en ressortirais jamais", raconte Edwin Paraison, le ministre des Haïtiens de l'étranger. Les membres du gouvernement qui ont survécu au séisme, sortent d'une réunion avec le président René Préval et des représentants de la communauté internationale, au siège de la direction centrale de la police judiciaire. Jouxtant l'aéroport, le bâtiment, épargné par le tremblement de terre, abrite ce qui reste de l'Etat haïtien. C'est là que le président Préval réunit ses ministres le matin pour une réunion de la cellule de coordination stratégique. Le Palais national et la grande majorité des dix-huit ministères ne sont plus que des montagnes de décombres. "Aucun des ministères n'est opérationnel et nous n'avons aucun moyen de communication", ajoute M. Paraison. Le président Préval et son premier ministre, Jean-Max Bellerive, viennent tout juste d'obtenir des téléphones satellite, la seule façon de communiquer en Haïti depuis le séisme.
"Nous sommes tous à la même enseigne, le peuple comme les ministres, la nation a été détruite mais nous allons la reconstruire", assure Patrick Delatour, le ministre du tourisme. Son père et sa mère ont péri, ensevelis dans la maison familiale. "Tout est détruit, la population est dans les rues et il y a très peu d'incidents violents", ajoute-t-il, lui qui s'efforçait depuis plus d'un an de restaurer l'image de son pays pour attirer les visiteurs étrangers.
Pourtant, la tension semble monter dans certains quartiers. Sur le vaste Champ-de-Mars, transformé en un gigantesque campement au centre de la capitale, des groupes de jeunes manifestaient en fin d'après-midi, réclamant de l'eau et de la nourriture. La destruction de la grande prison du centre a permis aux truands de la ville de s'évader. Des habitants dont les maisons sont encore debout disent avoir été pillés. Si des sinistrés cherchent dans les décombres des magasins de quoi se nourrir, des bandes recherchent du matériel stéréo et tout autre objet de valeur.
Outre la capitale, les villes de Jacmel, de Léogane et de Petit-Goâve ont été dévastées, confirme le ministre de l'éducation nationale, Joël Desrosier Jean-Pierre. "Environ 90 % des écoles de ces villes ont été détruites. Souvent, les élèves étaient dans les salles de classe", soupire-t-il. Son ministère est totalement détruit. "Des dizaines de fonctionnaires sont morts, on ne sait pas encore combien. Nous avons dû pratiquer des amputations avec des scies à métaux pour dégager certains survivants. Mon travail de ministre aujourd'hui, c'est organiser les secours, sans bureau, sans téléphone", raconte le titulaire de l'éducation nationale. Son collègue, Paul Antoine Bien-Aimé, le ministre de l'intérieur, a dressé, vendredi, un nouveau bilan du séisme, qui aurait tué entre 100 000 et 200 000 personnes.
C'est la bousculade à l'entrée de l'aéroport de la capitale, dont le contrôle a été cédé temporairement aux Etats-Unis par les Haïtiens. Des dizaines de personnes veulent embarquer dans un avion militaire américain venu décharger de l'aide humanitaire. Les appareils se succèdent sur l'unique piste de l'aéroport Toussaint-Louverture. Beaucoup ne pourront pas atterrir et devront repartir soit vers les Antilles, soit vers Saint-Domingue.
Les Nations unies tentent de coordonner l'afflux d'aides, depuis un QG provisoire installé à l'aéroport. Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU, a demandé au Guatemaltèque Edmond Mulet de reprendre la direction de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), fonction qu'il occupait avant le Tunisien Hedi Annabi, porté disparu.
Jean-Michel Caroit
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