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lundi 11 janvier 2010
Les Martiniquais et les Guyanais restent attachés à la République
Les deux référendums qui proposaient une autonomie accrue pour la Martinique et la Guyane ont été rejetés dimanche 10 janvier par les électeurs de ces deux départements d’outre-mer
Non, non et non ! Les électeurs de Guyane et de Martinique ont nettement refusé dimanche 10 janvier l’autonomie accrue de leurs départements qui leur était proposée lors de référendums organisés à la demande d’une majorité de leurs élus locaux.
Ils ont répondu ‘non’ à 69,8 % en Guyane, avec une participation limitée à 48,16 %, et à 78,9 % à la Martinique, avec une participation de 55,35 %, selon les résultats annoncés hier par le ministère de l’Outre-mer. Il s’agissait d’approuver, ou non, « la transformation de la Martinique (ou de la Guyane) en une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution ».
À la Martinique, les électeurs ont exprimé en réalité plusieurs refus. Ils ont notamment désavoué les deux hommes forts de l’île : l’indépendantiste Alfred Marie-Jeanne, député GDR, président du conseil régional, et l’autonomiste Claude Lise, sénateur apparenté socialiste, président du conseil général et dissident du Parti progressiste martiniquais, fondé par Aimé Césaire en 1958.
Serge Letchimy pour l’autonomie
Ce sont eux, en effet, qui avaient pris l’initiative, en juin dernier, de faire approuver par les deux assemblées régionale et départementale une déclaration demandant au président de la République l’application du fameux article 74. Mal leur en a donc pris. La victoire des partisans du ‘non’ est d’autant plus large qu’elle a été obtenue à l’issue d’un scrutin marqué par une participation honorable, sur un territoire réputé pour son abstentionnisme.
Le rassemblement, au soir du dimanche 10 janvier, devant la mairie de Fort-de-France fût à cet égard hautement symbolique : Aimé Césaire, le chantre de l’émancipation du peuple antillais, en avait été l’hôte durant de nombreuses années. L’apparition de Serge Letchimy, 57 ans, urbaniste de formation, successeur du poète aux fonctions de maire et député (apparenté PS), déclenche une immense liesse.
L’élu commence par un vibrant « Mes très chers compatriotes Martiniquaises, Martiniquais ! » Une tonalité nationaliste qui dénote la complexité de la vie politique locale : s’il était hostile à l’article 74, Serge Letchimy est pour l’autonomie. Mais à la condition que le contour précis des institutions soit défini en concertation avec les élus « avant » toute consultation de la population, et « pas après » contrairement à ce que l’article 74 prévoit.
Soulagement des héritiers de Césaire
Cette position a obligé l’héritier d’Aimé Césaire à faire campagne pour le « non » avec l’UMP, qui est minoritaire en Martinique avec un député (Alfred Almont) sur cinq et deux conseillers généraux. Serge Letchimy s’apprête d’ailleurs à renouveler l’opération dans la perspective de la deuxième consultation, fixée au dimanche 24 janvier. Il s’agira alors de se prononcer sur l’article 73.
Il est donc peut-être un peu excessif de conclure du résultat de dimanche qu’il s’agit d’un « cri d’amour pour la France », comme l’a vite traduit à Paris le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre. Les esprits et les motivations sont ici plus complexes. Sans doute faut-il privilégier l’analyse du délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer, Patrick Karam, pour lequel les Guyanais et les Martiniquais « ont eu peur » d’un « engrenage » vers l’indépendance. Selon lui, « c’est aussi un ‘oui’ à la France qu’ils ont administré alors que ce n’était pas la question posée ».
L’attachement des Martiniquais et des Guyanais à la France ? À cet égard, Daniel Compère, 65 ans, homme de gauche, ancien enseignant et rédacteur du journal du Parti progressiste martiniquais ne regrette pas d’avoir campé sur la même ligne que l’UMP. Il se dit même soulagé.
La droite prête à promouvoir la fusion de la région et du département
« Le plus pénible durant cette campagne a été d’être présentés comme des traîtres à la cause d’Aimé Césaire par les partisans du ‘oui’ , indique-t-il. Césaire aurait opté pour le non à l’article 74, par réalisme. N’oubliez pas qu’en 1981, au lendemain de la victoire de François Mitterrand à la présidence de la République, il avait proclamé une pause dans la revendication autonomiste, au motif que les Martiniquais n’étaient pas prêts. Ils avaient voté à 83 % pour Valéry Giscard d’Estaing par peur de voir leur île larguée par les socialistes. »
Déjà, en 2003, une consultation en Martinique – et en Guadeloupe – sur la perspective d’une collectivité unique (article 73), qui était présentée par les indépendantistes comme favorisant une plus grande efficacité politique, avait été rejetée. « Césaire était pour une évolution progressive, poursuit Daniel Compère. La fusion du conseil régional et du conseil général est une étape désormais nécessaire. Il faut la mener à bien. Elle sera un préalable à plus de responsabilité pour le territoire. »
Ancien représentant médical, Maurice Moreau, 66 ans, est d’un avis contraire : « L’article 74, dit-il aujourd’hui avec de la déception dans la voix, était une chance donnée aux Martiniquais pour prendre en main leur destinée. Cela les aurait dynamisés. Ils sont trop habitués à ce que tout se décide à Paris. Et puis la centralisation ne permet pas une politique adaptée. Les gens ont eu peur, à tort. Il n’a jamais été question d’aller vers l’indépendance et de perdre les acquis sociaux (assurance-maladie, allocations familiales, RMI), comme on a tenté de le leur faire croire à droite. »
Aujourd’hui, la droite martiniquaise se dit prête à promouvoir la fusion de la région et du département, après l’avoir combattue en 2003.
Antoine FOUCHET (à Fort-de-France)
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