La France a abandonné toute prudence oratoire face à l'ampleur de la menace nucléaire au Japon et reconnaît désormais la gravité d'une catastrophe potentiellement pire que celle de Tchernobyl en 1986. Accusé dans un premier temps par l'opposition, écologistes en tête, de sous-évaluer son appréciation des évènements, le gouvernement français a commencé à modifier son discours après l'augmentation des émissions radioactives consécutive aux accidents en série dans la centrale de Fukushima-Daiichi. "Dans le pire des scénarios, l'impact sera supérieur à Tchernobyl", a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement, François Baroin. "C'est une hypothèse qu'on ne peut pas écarter aujourd'hui."
Après avoir parlé de "risque de catastrophe majeure", la ministre de l'Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet a évoqué dans la cour de l'Élysée "le scénario du pire" en raison des dégâts sur les réacteurs nucléaires consécutifs au séisme et au tsunami de vendredi dernier dans le nord-est du Japon. "On peut dire aujourd'hui que le scénario du pire est possible et même probable autour de la centrale de Fukushima", a-t-elle dit à la presse après le conseil des ministres. Les incidents en série dans cette centrale peuvent "amener à relarguer dans l'environnement des niveaux de radioactivité très supérieurs à la normale et très supérieurs à ce qui s'est fait dans les premiers jours de l'accident", a-t-elle estimé. Plus tôt dans la matinée, elle avait déclaré sur i>Télé : "Le terme de catastrophe, je l'assume."
"Situation confuse"
Selon Marie-Pierre Comets, commissaire à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), "la situation est confuse" à Fukushima. "Elle n'évolue pas favorablement (...) il est de plus en plus difficile d'obtenir des informations fiables" en provenance du Japon, a-t-elle dit lors d'une conférence de presse à Paris. La France, qui a augmenté la fréquence des vols en direction du Japon pour faciliter le retour de ses ressortissants, se refuse à parler d'évacuation ou de plan de rapatriement. L'heure est grave, cependant, comme l'a reconnu mardi le ministre de l'Énergie Éric Besson, avant une réunion interministérielle à Matignon sur la menace nucléaire au Japon. Quelques heures plus tôt, le premier secrétaire du Parti socialiste Martine Aubry avait dénoncé les "propos lénifiants" des autorités françaises sur la situation au Japon.
Pour Éric Besson, les propos de la France dans les premiers jours qui ont suivi le séisme et le tsunami s'expliquent par les informations dont elle disposait en provenance du Japon, qui a désormais, selon lui, "perdu visiblement l'essentiel de la maîtrise" de la situation. "L'analyse a été convergente pendant les trois premiers jours", a dit mercredi le ministre de l'Énergie sur RMC. "C'est hier (mardi) qu'elle a divergé quand l'autorité de sûreté nationale française a classé l'accident au niveau 6 sur une échelle qui en compte 7, alors que les Japonais l'ont maintenu au niveau 4", a-t-il ajouté. "Ils estiment pouvoir encore intervenir sur les centrales, alors qu'une partie des autorités dans le monde pensent qu'ils ont déjà atteint (...) l'accident majeur, l'accident très grave", a poursuivi Éric Besson.
Débat national
Si la France parle désormais d'une voix claire pour évaluer la situation en Japon, elle n'est cependant pas tout à fait prête à relancer un débat national sur sa politique énergétique, et encore moins à organiser un référendum sur la sortie du nucléaire que réclament les écologistes. "Il est tout aussi absurde d'affirmer que le nucléaire est condamné par cet accident que d'affirmer qu'il ne nous concerne pas", a dit mardi le Premier ministre, François Fillon.
Pays le plus nucléarisé au monde après les États-Unis, la France compte 19 centrales, 58 réacteurs et deux géants mondiaux du secteur, le constructeur de réacteurs Areva et l'électricien EDF. Nicolas Sarkozy a annoncé mercredi une réunion des ministres de l'Énergie et de l'Économie du G20 sur les options énergétiques, à la lumière des évènements du Japon.
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