Chers collègues,
Il nous est donc demandé de donner mandat au président du Conseil Régional pour « saisir l’Etat afin de négocier l’adhésion de la Martinique » à l’OECS, à l’AEC et au CARICOM. Mandat est aussi sollicité « en vue de la participation de la Martinique, au nom de la France, aux travaux du sous-groupe régional de la Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPALC). »
A l’évidence, le Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants accorde son soutien à cette démarche, tant il est vrai que la précédente mandature, on le sait, a beaucoup œuvré pour développer et consolider la coopération avec la Caraïbe. RAYI CHYEN MEN DI DAN-Y BLAN… S’il y a -et je le dis avec la distance de l’observateur- une équipe qui a fait de l’intégration à la Caraïbe une grande ambition martiniquaise, c’est bien celle qui a été aux affaires jusqu’en 2010.
LA CARAÏBE ET LE DISCOURS DES PERROQUETS VERTS
C’est d’ailleurs cette question précise de la coopération avec la Caraïbe qui a été à l’origine des attaques les plus viles contre Alfred MARIE-JEANNE , attaques portées, clandestinement, sous la cagoule , par la confrérie dite des « perroquets verts » ou « green parrots », pour des raisons bassement électoralistes.
Je le dis comme je le pense, nous n’avons pas le droit d’oublier, par souci hypocrite d’un faux consensus, cet épisode lamentable de la vie politique de notre pays où certains ont cherché, machiavéliquement, à opposer coopération vitale avec la Caraïbe et solidarité obligatoire avec les Martiniquais en difficulté. Une propagande « lepénisante « a alors été organisée par la confrérie des perroquets verts pour faire croire que « l’argent de la Martinique était gaspillé dans des pays étrangers ».
Je veux, aujourd’hui, dire à celles et à ceux qui nous écoutent que certains membres de la dite confrérie sont devenus, depuis mars 2010, les porteurs les plus zélés de dossiers de solidarité avec certains pays de la Caraïbe, solidarité qu’ils dénonçaient avec une rare haine, jadis !
Je m’empresse de préciser, pour ne laisser place à aucune confusion et à aucune manœuvre, que nous avons, dans la cohérence de notre vision, apporté notre soutien à ces opérations.
« Les perroquets verts sont », en apparence en tout cas, devenus de bons samaritains à la conscience immaculée.
Mais leur discours était fondé sur le vieux socle idéologique réactionnaire qui a instrumentalisé Haïti comme repoussoir facile contre toute idée de responsabilité et d’émancipation de notre pays. Cette idéologie réactionnaire a eu pour effet collatéral d'exacerber la xénophobie, la méfiance systématique et le dénigrement pervers envers nos voisins les plus proches. Le mal est fait et il a laissé des traces !
Le dynamisme de la région Caraïbe et de l’Amérique du Sud, aujourd’hui, dans un contexte de crise de la zone euro, montre que nous aurions commis une erreur de jugement impardonnable en ne cherchant pas à accélérer la coopération avec les peuples de notre bassin géographique naturel. La création de la Communauté des Etats de l’Amérique Latine et de la Caraïbe (CELAC), en décembre 2011, avec 33 pays et 550 millions d’habitants, le dynamisme de pays comme le Brésil, confirment l’intérêt et l’urgence de mieux nous ancrer dans notre environnement.
Contrairement à ce que l’on a voulu faire croire à nos compatriotes, la coopération ce n’est pas la charité faite aux autres, c’est le rendez-vous de l’échange, du donner et du recevoir. Nous pouvons en tirer profit pour nous-mêmes si nous savons nous montrer à la hauteur des enjeux et des mouvements du monde, si nous sommes imaginatifs et entreprenants. C’est donc une opportunité de développement pour notre pays, pouvant ouvrir un nouvel horizon pour la jeunesse martiniquaise.
UNE LONGUE LUTTE POUR L’INTEGRATION DANS NOTRE CARAÏBE
J’ai dit que nous voterons ce rapport, mais je dois admettre que sa rédaction est extrêmement pauvre et décevante. On a fait dans le petit, on a fait dans l’égotisme banal, on a fait dans la récupération sans intelligence.
En effet, pour le concepteur du rapport, l’action de plusieurs générations d’élus de tous bords se résume à deux dates :
- La Loi d’Orientation de l’Outre-Mer, de décembre 2000
- Et le vœu exprimé par l’URAG, en juin 2010 (en 2010 ! Yè bonmaten !), d’adhérer aux organisations de notre région.
On procède ainsi à une tentative éhontée visant à effacer de la mémoire un processus très long pour, croit-on, mieux se faire valoir. Pire ! On n’a aucune honte à écrire (avant -dernier paragraphe de la page 1) : « A ce jour, les dispositions législatives relatives à l’adhésion des collectivités territoriales aux organisations régionales n’ont pas été mises en œuvre ». Et on met tout cela en gras dans le rapport, manière de suggérer : Zot wè ! Yo pa fè ayen ! Sé nou sèl ki sa fè ! Refrain que nous ne connaissons que trop bien !
La LOOM, c’est incontestable, prévoit en effet la possibilité pour les présidents des conseils généraux et régionaux des « DOM » de solliciter, auprès des autorités françaises, le pouvoir de négocier avec un Etat étranger ou une organisation internationale des accords à caractère technique, dans leurs domaines de compétences et dans le strict respect des engagements internationaux de la France. Ils peuvent donc, en principe, siéger dans les organisations internationales de leur zone géographique respective, avec l’accord de l’Etat français.
Mais il n’est pas vain de rappeler que le contenu de la LOOM est, en partie, l’aboutissement des nombreuses pressions des élus. En effet, la loi de décentralisation de 1982 n’avait pas accordé aux collectivités de marges de manœuvre particulières dans le domaine de la coopération. D’ailleurs, une circulaire en date du 12 juillet 1987 réaffirmait le rôle central des ambassades et des préfectures dans les relations internationales. C’est dans cet esprit que la France signait, le 24 mai 1996, à Mexico, un accord d’association avec l’AEC, au titre de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane.
La conférence de Cayenne, en 1990, a contribué à remettre en question cette situation figée et inacceptable. Vers la fin des années 90, une forte impulsion est donnée par l’équipe précédente à la coopération. En 1998, Alfred MARIE-JEANNE participait au conseil des ministres de Barbade ; en avril 1999, il était présent, en République Dominicaine, au second sommet des chefs d’Etats de la Caraïbe ; en décembre 2000, il était invité au 7ème conseil des ministres, au Honduras ; puis au troisième sommet des chefs d’Etats et de gouvernements à Margarita, en décembre 2001 et, enfin, au quatrième sommet, à Panama, en juillet 2005.
Je tiens à rappeler ici, à l’attention de ceux qui seraient, éventuellement, victimes, malgré eux, d’une amnésie opportune, que la première demande d'adhésion au Caricom / Cariforum date de 1999.
Quant à la première demande d’adhésion, en tant que membre associé, à l'Association des Etats de la Caraïbe (AEC), elle remonte au 1er juin 2001 (courrier adressé à M. Lionel JOSPIN, premier Ministre de la cohabitation avec Jacques CHIRAC). L'intention d'adhésion avait été exprimée dès 2000.
Souvenez-vous que le processus amorcé avait été capoté… par l’Etat français lui-même ! En effet, Lionel JOSPIN avait donné son aval pour que soit inscrite à l'ordre du jour de la réunion de l’AEC, des 12 et 13 juillet 2001, la demande d’adhésion de la Martinique. Sous les conseils pressants d’un de ses proches « amis », Madame Lucette Michaux-Chevry, Jacques CHIRAC était alors intervenu pour faire retirer cette question , la veille même de la réunion de l’AEC.
Le débat a ensuite été relancé en 2006, lors de la visite officielle du Secrétaire général de l'AEC de l'époque, Ruben Silie Valdes (du 02 au 5 février 2006).
Point n’est besoin de mentionner les relances et démarches du député MARIE-JEANNE auprès du gouvernement français.
Si donc « A ce jour, les dispositions législatives relatives à l’adhésion des collectivités territoriales aux organisations régionales n’ont pas été mises en œuvre », il y va de la seule responsabilité de l’Etat français dont on sait bien qu’il ne se précipite jamais pour appliquer les lois qu’ils votent, en particulier dans les colonies.
Soit dit en passant, j’ai entendu le candidat socialiste à la présidentielle française déclarer le week-end dernier que, dès son élection, il mettrait tout en œuvre pour favoriser l’adhésion de notre pays à l’AEC, au CARICOM et à l’OECS …Je ne sais pas comment il a été briefé ,ou s’il comprend vraiment ce qui se passe, mais, apparemment, Sarkozy est en train de lui brûler la politesse puisque, saisi de cette question par les soins du président de la région Martinique, Alain JUPPE a demandé à notre assemblée de prendre une délibération en faveur de cette adhésion… Ce que nous faisons aujourd’hui. Tout cela montre que nous restons trop souvent les jouets des Gouvernements qui lâchent du leste au gré d’enjeux très éloignés des intérêts fondamentaux de notre pays.
DES INITIATIVES CONCRETES DEJA EN COURS
D’autre part, même si notre adhésion ne s’est pas encore formellement concrétisée, la mandature précédente, avec l’accord de l’ensemble des élus, a pris des initiatives et mis en place des mécanismes qui ont déjà considérablement amélioré la qualité de notre intégration dans la Caraïbe.
Contrairement à ce que pourraient prétendre des esprits qui considèrent que l’histoire du monde ne peut pas avoir commencé sans eux, Il ne s’agit pas seulement d’études - lesquelles sont d’ailleurs toujours indispensables aux opérations futures- mais bien d’actions concrètes développées sur le terrain.
Il en va ainsi du séminaire « Clovis BEAUREGARD » pour le développement de la coopération régionale dans la Caraïbe à travers les fonds européens (17-18 novembre 2005). Clovis BEAUREGARD, à qui il faut rendre hommage, a été le pionnier de cette coopération dans l’immédiat après seconde guerre mondiale. A ce propos, sous l’impulsion de certains élus et de Claude LISE, alors président du Conseil Général, les Archives Départementales, avec l’aide précieuse de la famille de monsieur BEAUREGARD, ont constitué un fonds Clovis BEAUREGARD dont l’intérêt n’est pas à démontrer (2007). Nous avions d’ailleurs, dans la même période, lancé une recherche dans les pays de la région où il avait exercé ses fonctions pour retrouver d’autres documents pouvant enrichir encore les archives confiées par ses enfants.
En ces temps d’amnésie savamment entretenue et joyeusement assumée, il n’est pas vain de rétablir quelques vérités sur la politique de coopération menée de 1998 jusqu'en mars 2010 :
- La mise en place de chargés de mission Martinique pour la Caraïbe (des jeunes martiniquais diplômés envoyés à Barbade, Trinidad& Tobago ou encore en République Dominicaine avec pour mission le développement des affaires et de la coopération entre les pays respectifs et la Martinique).
- Les nombreux projets touchant diverses thématiques :
- Le lancement du projet Invest Karaïb pour le développement du Commerce et de l'investissement entre les pays du Cariforum et la Martinique,
- la mise en œuvre du projet de construction d'une identité caribéenne à travers à travers notamment le multilinguisme, l'histoire et la culture,
- La mise en œuvre du projet de mécanisme de coopération régionale pour la constitution de la zone de tourisme durable (en partenariat justement avec l'AEC),
- La mise en œuvre du projet ARICABA, réseau de surveillance des maladies émergentes dans la Caraïbe,
- Le projet CARES (Caraïbe Expérience et Service) pour le transfert d’expériences et de savoir-faire de notre région géographique ainsi que l’identification des pôles d’excellence,
- Le projet de valorisation scientifique des propriétés de nos plantes médicinales (TRAMIL) ou encore la Stratégie pour la réduction des risques naturels(NRSS),
- Le projet de multidestination dans sa phase 2.
Fruits de longs mois de discussions partenariales avec des institutions de coopération dans chacun des domaines ciblés, tous ces projets ont été choisis comme projets phares de la mandature Marie-Jeanne. Le personnel de la Région qui s’y est consacré, aux côtés des élus, doit être félicité et remercié pour ses efforts et son engagement.
Mais qu’en a fait la « gouvernance nouvelle » ?
La participation de la Martinique aux travaux des comités spéciaux de l’ASSOCIATION des ETATS de la CARAÏBE doit être tout particulièrement soulignée (Comité spécial Catastrophes naturelles, Comité spécial tourisme durable, Comité spécial transport, Comité spécial sur le Développement du commerce et des relations économiques extérieures, Fonds Spécial etc).
Démonstration est donc faite que la coopération voulue par Alfred Marie-Jeanne ne s'est pas contentée d’attendre le bon vouloir des autorités françaises pour agir.
Bien entendu, toutes ces initiatives, toute cette expérience méritent d’être évaluées et, le cas échéant, nous devons procéder à des améliorations, mais on ne peut pas faire comme si rien n’avait jamais existé auparavant et que l’histoire de la coopération régionale venait tout juste de commencer avec l’URAG. C’est pour le moins absurde et abscons !
Chers collègues,
On ne peut pas penser la coopération avec la Caraïbe et l’Amérique du Sud sans repenser notre développement et notre modèle économique, sans repenser notre production, sans définir les axes stratégiques les plus porteurs pour notre pays.
Sans une rupture radicale avec l’économie de comptoir, sans une mobilisation intelligente de nos ressources humaines, notamment dans une perspective de développement national, cette coopération connaîtra rapidement de sérieuses limites. Nous ne saurions en effet être de simples relais de l’économie française dans la région. La vocation de la Martinique ne consiste pas à être une banale vitrine de l’Europe dans la Caraïbe. La Martinique doit avant tout défendre ses propres intérêts, sans chercher à nier ceux des autres peuples.
A terme, nous devrons trouver notre place dans ce vaste espace que constitue la Communauté des Etats de l’Amérique Latine et de la Caraïbe (CELAC).
La coopération devra s’étendre à l’Afrique qui , dans la difficulté aujourd’hui, prépare sa Renaissance et laisse entrevoir des signes encourageants pour l’avenir . Elle devra s’étendre à l’Inde et à l’Asie.
L’ambition consiste à permettre à la Martinique de s'ouvrir sur le reste du Monde, pour mieux le comprendre, mieux anticiper les enjeux et mieux s'adapter à la perpétuelle recomposition du monde. Si notre vision du futur ne doit pas exclure l’Europe, elle ne saurait se focaliser sur la seule Europe. Notre avenir c’est le Monde. Cette coopération, nous devons la construire avec le peuple martiniquais et dans l’intérêt de la jeunesse et du peuple martiniquais.
Francis CAROLE
Pour le Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants
Plénière du Conseil Régional du jeudi 19 janvier 2012
PArti pour la LIbération de la MArtinique
Route des Religieuses – Entrée Cité Bon Air – 97200 FORT DE FRANCE
0696.45.43.13 – e-mail : lepalima@orange.fr - Site Internet : www.lepalima.org
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