mardi 6 septembre 2011

Extraits d’un rapport du RNDDH : PRÉSENCE ET PERCEPTION DE LA MINUSTAH À PORT-SALUT




A Port-Salut, les agents uruguayens du contingent de la MINUSTAH sont basés respectivement au PS Hôtel, situé à la rue François Capois, à proximité du Lycée Jean Hubert FEUILLÉ et à L’Uruguay Batallion Naval Task Group, une base navale localisée à la rue du Quai, près de la cité du Bord de Mer et du Marché de Port-Salut. Ils assurent la surveillance et la protection maritimes de la côte sud du pays. Leur présence contribue à la diminution du trafic de produits illicites. De plus, ils interviennent dans les cas d’accident de la circulation, offrant leur assistance aux autorités policières en cas de sollicitation.
Ces agents entretiennent avec des filles et des femmes de la population des relations sexuelles contre les produits alimentaires. Ils ont introduit des mineurs issus de familles pauvres, dans des activités commerciales sous forme de troc. En effet, pour se pourvoir en alcool, en cigarettes, en cartes de recharge et en produits illicites comme la Marijuana, ces agents donnent aux mineurs des produits alimentaires qu’ils reçoivent pour leur consommation, à charge par ces derniers de les échanger pour eux. Cette activité connue dans la commune sous le nom de « Cambiar », a été instituée par les agents de la MINUSTAH depuis leur arrivée.
Il faut souligner que cette activité a rapproché les agents de ces mineurs qui assurent le troc à leur compte. Conséquemment, ces mineurs se targuent d’être les amis de ces agents de la MINUSTAH qui profitent de cette prétendue amitié et de leur naïveté, pour les abuser. De plus, il est fait état que les agents de la MINUSTAH mènent à Port-Salut, une vie de débauche, se retrouvent dans les bars et sur les plages à toute heure du jour et de la nuit, dorment chez leurs concubines, et établissent dans la commune des activités de prostitution contre produits alimentaires.
FAITS RELATIFS AU VIOL DE JOHNY JEAN
Johny JEAN, né le 12 décembre 1992, est le dernier fils d’une famille de quatre (4) enfants. Il est admis en cinquième (5e) année fondamentale à l’Ecole Communautaire de Port-Salut. Cependant, pour des raisons économiques, Johny JEAN n’a pu aller à l’école au cours de l’année académique 2010-2011. Il est présenté par sa famille comme étant un jeune préalablement très actif, corpulent et aimant le sport, particulièrement, le football.
Johny JEAN figurait parmi les mineurs qui fréquentaient les agents de la MINUSTAH et procédaient aux activités de troc au profit de ces derniers. Mais, il s’est rapproché d’un dénommé Pocho, un uruguayen agent de la MINUSTAH lui aussi qu’il considère comme étant son ami.
Le jeudi 28 juillet 2011, aux environs de quatre (4) heures de l’après-midi, Johny JEAN revenait d’un match de football et passait près de L’Uruguay Batallion Naval Task Group, situé à quelques mètres de chez lui lorsqu’il a été violemment agrippé par un des agents de la MINUSTAH connu sous le nom de Kolke. Ce dernier l’a introduit de force dans une chambre située sur la base où se trouvaient déjà deux (2) autres agents répondant aux noms de Léo et Nicolas CASARIEGO. Ils ont fait appel à un autre agent, connu pour sa part, sous le nom de Rodriguez qui sortait nu de son bain.
Les quatre (4) agents ont maltraité à coups de poing le jeune Johny Jean. De plus, ils l’ont contraint à s’allonger sur un matelas préalablement placé à même le sol. Son pantalon a été déchiré du côté de l’enfourchure. Retenu mains au dos, l’agent Rodriguez a été le premier à le violer par sodomisation, suivi dans son forfait par Léo. Ces agents n’ont pas utilisé de préservatif pour commettre le viol qui, selon toute vraisemblance, a été bien planifié.
Tout au cours du viol, Johny JEAN appelait son ami Pocho au secours. Ses agresseurs, ne voulant pas que Pocho vienne en aide à leur victime, ont délibérément fermé la porte à clé. Pour sa part, Nicolas CASARIEGO enregistrait la scène à partir de son portable, dans une atmosphère macabrement hilare.
Johny JEAN, après avoir subi le viol, est rentré chez lui. Il n’a raconté les faits à personne, de peur d’être stigmatisé et humilié dans la commune. De plus, en raison du fait que sa mère lui avait préalablement interdit de fréquenter les agents, il n’a pas non plus rapporté le viol à ses parents. La victime saignait et se sentait fébrile.
Conséquemment, il a décidé de découcher, pour éviter tout soupçon de ses parents. Non contents d’avoir violé et battu Johny JEAN, les agents uruguayens se sont fait un plaisir de montrer la vidéo aux jeunes habitués de la base, tous amis de la victime. L’un d’entre eux, ingénieux, a enregistré la vidéo grâce à laquelle l’exaction est rendue publique.
Parallèlement, les images, répandues sur internet et diffusées dans toute la communauté, ont interpellé un ami de la famille qui vit à l’étranger. Ce dernier a appelé la mère et a partagé avec celle-ci les informations qu’il détenait. C’est ainsi que le 24 août 2011, les parents de Johny JEAN ont été mis au courant du viol subi par leur progéniture.
Le 30 août 2011, près d’un mois plus tard, Johny JEAN a été ausculté à l’Hôpital Communautaire de Référence (HCR) de Port-Salut. « L’examen physique de la victime a révélé une lacération de deux (2) millimètres environ, en voie de cicatrisation au niveau de la marge anale. Cependant, aucune prophylaxie n’a été réalisée pour la victime en raison du délai écoulé. En ce sens, il est conseillé de faire un suivi para-clinique des maladies sexuellement transmissibles tant pour les agresseurs que pour la victime. »
Le Juge de Paix de Port-Salut, Paul TARTRE, informé du viol par clameur publique, s’est transporté le 30 août 2011 sur les lieux de résidence de la famille et a recueilli les déclarations relatives au viol. Le 31 août 2011, le dossier, ensemble le pantalon et le maillot que portait la victime lors du viol, a été transmis au Parquet du Tribunal de Première Instance des Cayes pour les suites légales.
COMMENTAIRES
Le RNDDH note que depuis leur arrivée en Haïti, plusieurs agents de la MINUSTAH sont impliqués dans des cas de viol, de vol, de bastonnade, d’assassinat et d’arrestations illégales et arbitraires. Les cas suivants peuvent être pris en exemple :
1. Le 18 février 2005, trois (3) agents pakistanais du contingent de la MINUSTAH basés aux Gonaïves ont violé Nadeige NICOLAS.
2. Le 20 mars 2005, Robenson LARAQUE, Journaliste de Radio Télé Contact a été mortellement atteint par des projectiles tirés par des agents de la MINUSTAH qui délogeaient les anciens militaires du Commissariat de Police de Petit-Goave ;
3. Le 26 novembre 2005, au Carrefour Trois Mains, sur la Route de l’Aéroport, Marie Rose PRÉCÉUS a été contrainte de faire une fellation pour un soldat jordanien avant d’être violée par sodomisation par ce dernier ;
4. Le 20 décembre 2006, Stephane DUROGÈNE, étudiant en troisième année au Centre de Formation Classique et Économique (CFCE) a été atteint de projectiles à l’oeil gauche tirés par des agents de la MINUSTAH alors qu’il passait près du Commissariat de Delmas 62 ;
5. Le 3 novembre 2007, cent –onze (111) agents Sri-lankais sont impliqués dans un cas d’abus et d’exploitation sexuels dont sont victimes des mineurs ;
6. Le 29 mai 2008, le policier Lucknis JACQUES, affecté au Commissariat de Cité Soleil a été molesté par des agents de la MINUSTAH ;
7. Le 6 août 2008, les agents de la MINUSTAH ont brutalisé deux (2) policiers Donson BIEN-AIMÉ A2 et Ronald DENIS A3, tous deux (2) affectés au Commissariat de Cité-Soleil. Ces faits ont été perpétrés contre les victimes en dépit du fait qu’ils se soient clairement identifiés ;
8. Le 18 août 2010, un mineur orphelin, âgé de seize (16) ans répondant au nom de Gérald JEAN GILLES a été retrouvé pendu à un amandier qui se trouve sur la base des soldats népalais de la MINUSTAH, située à Carénage, au Cap-Haïtien. Ce mineur fréquentait la base et rendait de menus services aux agents qui y sont affectés ;
9. A la mi-octobre 2010, les agents Népalais de la MINUSTAH affectés à Mirebalais sont impliqués dans l’apparition et la propagation du choléra en Haïti par le déversement de déchets humains dans les rivières Boukan Kanni et Jenba ;
10. Le 12 mai 2011, Géna WIDERSON élève en septième (7e) année fondamentale au Collège Centre de Formation Classique de Verrettes, département de l’Artibonite, âgée de quatorze (14) ans, est atteint de deux (2) projectiles tirés par des agents de la MINUSTAH. Cet incident s’est produit au moment où des élèves du Lycée Jacques Stephen Alexis organisaient une manifestation contre la révocation d’un (1) enseignant.
Ces faits ne sont pas exhaustifs. Cependant, dans tous les cas susmentionnés, le RNDDH met en cause la responsabilité de la MINUSTAH et par voie de conséquence, celle de l’ONU car, il est inconcevable que des agents engagés dans une force onusienne, fonctionnent en dehors de toute règle de redevabilité et s’adonnent à des activités répréhensibles de toute sorte sous le couvert de leur immunité conférée par l’ONU.
Aujourd’hui, toute la communauté de Port-Salut détient la vidéo du viol, sujet prisé des discussions, ce qui constitue en soi une stigmatisation à l’encontre de la victime. Conséquemment, si rien n’est fait pour accompagner Johny JEAN en vue de l’aider à surmonter cette douloureuse épreuve et à reprendre les rennes de son existence, il risque de ne trouver aucun goût à la vie.
Les auteurs du viol crapuleux prémédité, perpétré sur Johny JEAN doivent être sanctionnés avec la dernière rigueur. L’Etat haïtien ne peut accepter que ce dossier rejoigne les nombreux cas de violations impliquant les agents de la MINUSTAH et placés dans les tiroirs. Johny JEAN a droit à un procès juste et équitable pour tous les torts causés à son endroit.
Recommandations
Tout en condamnant le viol de Johny JEAN perpétré par les agents uruguayens de la MINUSTAH basés à Port-Salut, le RNDDH recommande aux autorités concernées de :
• Prendre toutes les dispositions pour que justice soit rendue à la victime ;
• Mener des enquêtes supplémentaires sur d’autres allégations de prostitution, de viols, d’usage de produits illicites, perpétrés par les agents uruguayens basés à Port-Salut ;
• Porter le Conseil de Sécurité des Nations-Unies à inclure, dans les clauses régissant le mandat de la MINUSTAH, des règles de redevabilité relative à la mission onusienne en Haïti.

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