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mardi 20 juillet 2010
Haïti, cible permanente des ‘Boss’ « colons ».
(En évocation de l’article « Haïti a besoin d’un boss » de Patrick Lagacé, paru dans la Cyberpresse canadienne du 14 juillet 2010)
Haïti a déjà été et est encore colonisée, recolonisée et ce, bien au-delà du néocolonialisme classique où les colons se gardent d’être physiquement présents sur le sol de leur butin géographique. C’est même devenu un cobaye pour l’interventionnisme expérimental du siècle en cours. En fait, les mufles criminels du racisme occidental qui n’avaient jamais digéré la présence d’un pays nègre ayant amorcé les abolitions de l’esclavage formel à l’aube du 19ème siècle, ont planifié en maîtres du jeu, l’échec permanent de la première république noire indépendante, pour pouvoir cycliquement héler par toutes sortes de baragouins pernicieux l’inaptitude de ce pays constamment avorté dans ses efforts d’existence. Car si la masse d’esclaves parvenus à la libération formelle devait grandir dans l’histoire pour prétendre à un degré de liberté mentale suffisante afin de construire un pays, la main prédatrice des colonialistes, usant des aspérités et clivages créés par l’histoire qu’ils ont eux-mêmes façonnée, n’a jamais manqué d’étouffer par des politiques imposées via une engeance politicarde et une racaille économique à leur solde, toute vie propre à Haïti, toute velléité des haïtiens dignes régulièrement occis dans leur tentative de construire le pays.
D’abord, la France avec sa dette fictive imposé en subvention pour ses propres crimes coloniaux, qui a siphonné toute l’économie haïtienne au 19ème siècle, puis, au 20ème, les Etats-Unis et leurs alliés extérieurs manœuvrant en sous-main une horde de fanges ambulantes dites personnalités politiques civiles ou militaires qui ont appliqué sans réserve les politiques d’autodestruction du pays. L’on comprend cela facilement par la succession vertigineuse de coups d’État et d’assassinats des hommes dignes que ce pays ait portés. Puis, à force de marginalisations, la fatidique et bête sentence justifiée par les faits que clament les puissants : Haïti est un état en faillite ; comme on dit ici, un pays « loser » ! Là règne le quolibet courant d’une bonne frange d’ineptes racistes, kyrielle de petits inaptes mal dans leur peau et toujours pitoyablement joyeux du malheur d’autrui, auquel, ils sont pourtant loin d’être étrangers. Haïti serait donc le modèle de toutes les déchéances qu’il faille racheter par un nouveau colonialisme !? Pourtant, vu la catastrophe des colonialismes successifs en ce pays bien plus ravagé par les politiques étrangères imposées et appliquées que par l’apocalyptique séisme connu, je persiste à croire qu’une collectivité nationale ne peut exister que par elle-même, si on la laisse faire ses choix, ses erreurs et ses redressements en l’aidant sincèrement et amicalement sans lui créer des monstres intérieurs que l’on arme de l’extérieur pour tout dénaturer et tout freiner en réifiant les hommes pour imploser les structures et détruire le pays.
La perniciosité du mal haïtien est qu’il consiste en une politique menée comme par suggestion d’effondrement de soi, d’autopunition jusqu’à la disparition. De la létalité planifiée et suggérée. Suggestion donc de mort. La suggestion, par son voile, son masquage la rendant insaisissable, est de loin plus puissante que l’injonction en matière de commande et de domination. Subtile et jamais démasquée dans sa propension destructrice lorsqu’elle est utilisée pour le mal, elle est le champ de la hantise, de la réification ou de la phagocytation. Elle permet de posséder sans laisser voir la main du maître preneur subreptice de possession comme un esprit du mal qui possèderait et envoûterait sa victime démonisée, réduite à néant devenant simple reflet du démon et du malfaiteur meurtrier.
Haïti-tutelle, le jeu des stimuli-réponses…
Le poids de l’histoire est non évacuable. On ne peut que le gérer en assumant le présent. Mais encore faudrait-il que le présent soit libre, que les horreurs des balafres passées soient guéries par réparation de ce qui est réparable et restitution de ce qui est restituable. La question de la débâcle programmée d’un petit pays ayant la mauvaise race et l’odieux mérite d’avoir dit non à l’ordre du monde, constitue le mal naturel, l’infrahumanité qui justifie toutes les tutelles. Dans cette page de behaviourisme pratique et collectif que même Skinner, dans ses plus envolées n’a osé rêver, Haïti répond aux stimulations des dei ex machina mimant les saintes nitouches par l’angélisme malsain de l’ « aide » à la reconstruction et au ‘développement’ !
Et si, tel un os irrésistible, le pays fait encore saliver les chiens colonialistes, je doute fort qu’un nouvel épisode colonial saura créer un nouvel homme haïtien capable de relever tous les défis alors que le colonialisme quel qu’il soit a toujours été le mal dominant responsable de toutes les déshumanisations de la société, pardon, la jungle haïtienne où prolifèrent charognards et fauves de toutes les couleurs et de toutes les origines pour le plus grand malheur du peuple haïtien.
Ah ! Vraiment le caractère atypique de l’histoire haïtienne est un prisme déformant où des critiques tronquées, croyant œuvrer pour le bien, ne font que conspuer le bon sens en ironie involontaire de l’intelligence, au dédain de toute vérité ! La lacune est ce point intronisée, que toutes les analyses de bonne foi - car je crois Patrick Lagacé de bonne foi, en partie d’ailleurs parce qu’il est québécois et que je ne trouve guère les québécois d’aujourd’hui, résistants intraitables aux prédations culturelles anglophones, ni colonialistes ni apprentis colons - se fourvoient en route, reprenant sans s’en rendre compte, les vieilles sociodicées et mesquineries anachroniques des colons brandissant le messianisme occidental, dispensateurs du pain de la sagesse par la mise sous tutelle des barbares, dont on n’ose dire le nom, à qui il faut tout apprendre pour les sauver d’eux-mêmes !
Non Patrick, Haïti n’a pas besoin d’un boss, car jusque là tous les boss extérieurs se sont avérés bosse, gibbosité politique mortelle, difformité sociale pour ce petit pays caribéen. Haïti a plutôt le besoin urgent d’une nouvelle éducation humano-citoyenne désaliénante pour toute la société où les « élites » sont les plus aliénées, les plus bêtement bourgeoises les plus sottement pseudo-intellectuelles au point d’avoir collaboré en zélateurs vendus et complexés avec les racistes prédateurs et haineux de ce que l’avènement d’Haïti à l’existence signifiait comme symbole et fait, pour transformer leur propre pays si naturellement beau, véritable perle écologique des taïnos, en déchetterie à ciel ouvert dans la superbe mer des Caraïbes…
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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