jeudi 8 juillet 2010

Un slogan devenu rengaine


/Chronique hebdomadaire de Philippe Randa/

Il en va des réputations comme des pucelages, une fois qu’elles sont perdues, c’est pour toujours… Celle d’Éric Woerth l’est indubitablement. Aucune importance, à vrai dire ! On vit très bien sans, surtout dans la politique française. Et surtout quand il est question d’honnêteté.

L’exemple le plus célèbre restera à jamais le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002. Rappelez-vous : Jacques Chirac affrontait Jean-Marie Le Pen. Les veaux de gauche, sous les rictus odieusement béats des veaux de droite, hurlaient qu’il fallait mieux l’élection d’un “voleur” à celle d’un “facho”… Près de 82 % d’électeurs le confirmèrent électoralement, persuadés ainsi de sauver la démocratie.

La prestation d’Éric Woerth sur TF1, hier soir, n’aura certes convaincu aucun télespectateur, mais ce n’était pas fait pour. Elle se devait d’être tenue, pour la bonne forme seulement.

L’actuel ministre du travail durant ses heures de travail et trésorier de l’UMP le reste du temps, s’est montré fort courroucé d’être accusé d’avoir empoché des enveloppes sonnantes et trébuchantes de dame Bettencourt. Il s’en est même étranglé d’indignation devant la poitrine dubitative de Laurence Ferrari.

Monsieur Woerth a martelé qu’il ne démissionnerait pas, qu’il n’y avait jamais songé et qu’il n’était pas prêt de l’envisager, prouvant par là qu’il n’était pas le premier ministricule venu, un vulgaire Joyandet ou Blanc qui ont préféré tirer d’eux-mêmes leur révérence du gouvernement avant l’été plutôt que d’être virés à l’automne, à l’exemple d’autres ministricules précédents, une Boutin, un Laporte ou un Darcos, par exemple.

À ses côtés, le ban et l’arrière ban de la Sarkozie se mobilise. Le plus virulent des pompiers de service a été François Baroin, mardi à l’Assemblée nationale. Ancien protégé de Jacques Chirac et promu pour l’occasion gardien du temple des nauséabondes affaires de son parti, il a accusé le Parti socialiste de faire le jeu de l’extrême droite, ce qui a provoqué le départ de l’hémicycle de la quasi-totalité des députés PS.

Va-t-on vivre dans les jours qui viennent une version réactualisée du célèbre conte d’Andersen “Les habits neufs de l’empereur” : le Roi y parade entièrement nu car deux escrocs lui ont assuré avoir confectionnés pour lui des vêtements dans une étoffe “invisible aux yeux de ceux qui ne convenaient pas à leurs fonctions ou qui étaient simplement idiot” : personne, pas même le roi, n’ose alors reconnaître l’évidence… sauf un enfant qui s’exclame : “Mais il n’a pas d’habit du tout !” (ou dans une traduction plus habituelle : “Le roi est nu !”)

Son père, émerveillé de la parole de son fils, s’écrie alors : “Entendez la voix de l’innocence !”

À force de marteler un slogan devenu rengaine de la politique française – “voleur” plutôt que “facho” –, la question qui risque de se poser bientôt est celle de savoir quand un enfant s’écriera : “Mais alors, seuls les fachos sont honnêtes !”

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