"Une indigestion de violence", titrait le mois dernier France-Antilles, à la veille d'un week-end au cours duquel trois nouveaux crimes de sang étaient perpétrés. Agressions, violences sexuelles, homicides, vols à main armée, cambriolages : la Guadeloupe a le triste privilège de figurer parmi les départements les plus violents de France.
Les maires ayant tiré la sonnette d'alarme, le congrès des élus s'est réuni pour chercher des solutions à ce fléau, deuxième source d'inquiétude après le chômage pour les Guadeloupéens. Au-delà des polémiques politiciennes, ces assises ont permis de mieux cerner les causes du phénomène, au nombre desquelles un chômage frappant 60 % des jeunes, un taux d'illettrisme de 25 % et des inégalités croissantes. A ces injustices s'ajoutent une crise du modèle familial et de l'école et un délitement des liens sociaux. "Nous avons connu une histoire troublée avec les violences fondatrices que sont l'esclavage, la colonisation, les luttes sociales ", rappelle aussi Victorin Lurel, président socialiste du conseil régional, à l'initiative de ces rencontres."C'est comme si notre société se rongeait de l'intérieur, jette de son côté la députée maire Gabrielle Louis-Carabin.On tue pour un rien."
Un constat partagé par les services de l'Etat, absents du congrès. Directeur du cabinet du préfet, Etienne Desplanques souligne la rapidité du passage à l'acte. "50 % des homicides sont liés à des accès de colère pour des motifs futiles", assure-t-il. Dans son commissariat tout neuf de Pointe-à-Pitre, Frédéric Peyran, directeur départemental de la sécurité publique, note que cette violence impulsive est favorisée par le nombre des machettes et fusils de chasse en circulation. "On attaque des commerces ou des automobilistes pour satisfaire un besoin immédiat."
Les moyens sont-ils à la hauteur de la situation ? "La Guadeloupe n'est pas plus mal lotie que les autres départements, assure Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'Outre-mer.La réponse aux problèmes n'est pas dans les moyens, mais dans la façon de les utiliser." Il n'empêche ! Avec des effectifs de police en baisse, un parc automobile vétuste (il faut six mois pour obtenir une pièce détachée, trente mois pour faire venir un véhicule neuf), des policiers obligés d'utiliser leurs téléphones portables personnels faute de disposer d'un réseau de communication, l'absence de matériel lumineux ou de gilets de protection, "c'est de plus en plus dangereux d'être policier en Guadeloupe", concluait, lors du congrès, Christian Vinqueur, délégué de l'unité SGP police de FO.
"La courbe est en train de s'inverser, affirme pourtant Etienne Desplanques ; les atteintes aux personnes ont chuté de 6,4 % en un an. " Des équipes de patrouilleurs, une cellule police/gendarmerie anti-cambriolage, deux escadrons de gendarmerie mobile ont été mis en place. "Ces efforts commencent à payer ", se félicite le directeur de cabinet du préfet. "Tous nos agrégats sont en baisse, confirme de son côté Frédéric Peyran.Et il n'y a pas en Guadeloupe de zone de non-droit."
Médiation familiale. Mais il y a suffisamment de zones d'insécurité pour que les pouvoirs publics songent à réagir. Les élus départementaux et régionaux se sont engagés à accentuer les actions de prévention, à développer la médiation familiale ou à mettre en place un conseil guadeloupéen de la parentalité. Des mesures qui, pour le seul conseil régional, représentent 1,5 million d'euros. L'Etat - dont la sécurité est une compétence régalienne - s'est vu réclamer le classement de la Guadeloupe en zone difficile (synonyme de moyens accrus), la reconstruction de la maison d'arrêt de Basse-Terre (en surpopulation de 150 %) ou la création d'une unité canine. Comme le suggère Jean-Jacques Urvoas, député socialiste du Finistère et spécialiste des questions de sécurité, "il faudrait peut-être admettre l'idée que la France républicaine doit adapter ses moyens à la situation particulière de la Guadeloupe."
CHRISTINE RIGOLLET
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