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mercredi 7 septembre 2011
Une famille stigmatisée demande justice à l'Etat
Combien de jeunes à Port-Salut, petite ville touristique de la côte sud d'Haïti, sont victimes d'abus sexuel des agents de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) basés dans cette commune ? On n'en saura rien. Les soldats de la force onusienne, dont la mission consiste à assurer un climat sûr et stable, déstabilisent les communautés en catimini.
Haïti: Depuis que les images montrant la scène de viol que les quatre agents uruguayens de la MINUSTAH établis à Port-Salut ont commis sur Johnny Jean, 18 ans, sont diffusés sur Internet, l'information s'est répandue comme une traînée de poudre. La victime, humiliée et offensée, se cloître chez elle et garde le lit pour pleurer.
Dans sa maisonnette construite dans un lakou du bord de mer, Rose-Marie Jean, la mère de Johnny, est effondrée le jour où elle a appris que son fils a été sodomisé, sauvagement violé par quatre agents de la force onusienne au cours du mois de juillet.
« J'ai appris mercredi dernier que quatre soldats de la MINUSTAH ont violé Johnny. Le jour même, son beau-père et moi, nous l'avons questionné sur son silence. Il nous a dit qu'il avait peur de nous en parler surtout que nous l'avions toujours mis en garde de ne jamais passer devant la base des messieurs de la MINUSTAH », dit-elle, la voix blanche.
Une famille stigmatisée
Assise dans une cour parmi les siens, Rose-Marie se dit profondément affectée depuis que les gens de la communauté la pointent du doigt. Elle est devenue la mère du garçon de la vidéo que des jeunes Port-Salutains téléchargent sur leur portable.
La famille est stigmatisée et ne sort dans les rues de Port-Salut qu'en cas de besoin. « Je pleure souvent, je pleure chaque jour. Les gens appellent Johnny madan Minista. Moi, je ne dors pas, ma tension artérielle a augmenté; Johnny se cache dans la maison pour pleurer. »
Tout au cours de notre entretien avec son beau-père, sa tante et deux de ses quatre frères, Johnny n'a pas mis le nez dehors. Pendant que sa mère raconte le malheur de la famille, l'un de ses jeunes fils s'excite et fait des va-et-vient incessants sur la cour. Il crie des mots incompréhensibles en faisant des gestes qui dénotent une grande colère mal contenue.
« Ne t'occupe pas de lui. Il ne se possède plus depuis que tout le monde ici ne parle que de nous », avoue-t-elle.
Rose-Marie distille au compte-gouttes les informations. Elle éprouve une grande pudeur pour parler de son fils consulté au centre hospitalier de Port-Salut bien des mois après le viol que les soldats ont commis sans préservatif ; un viol blessant qui laisse de grandes lésions au niveau de l'orifice anal de Johnny.
A l'échelle de l'infraction, le viol est considéré comme un crime. Aussi les organisations qui prônent la défense des droits humains ont-elles commencé à défiler chez Rose-Marie et investiguer. Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) est venu sur le terrain et a mené son enquête, consignée dans un rapport diffusé dans la presse.
« Des membres de la MINUSTAH venus de Port-au-Prince nous ont contactés. Ils sont venus ici. Le juge de paix de Port-Salut, Paul Tartre, est venu nous parler. D'autres personnes sont venues nous supporter », confie-t-elle tristement.
Denis Rémy, l'un des frères de la victime, raconte qu'il était à Port-au-Prince quand il a appris la nouvelle sur les ondes. « Quand des amis m'en parlent, je n'ai pas eu assez de courage pour leur dire que c'est mon frère qui a été victime des soldats de la MINUSTAH. J'ai vraiment honte ! Je ne sais que faire, tout simplement je demande justice à l'Etat de mon pays », dit ce jeune venu de Port-au-Prince pour supporter sa famille.
Repliée au fond de la cour de sa maison sise au quartier du bord de mer, la famille de la victime reste en attente quand des associations commencent à organiser à Port-Salut des marches de protestation afin de réclamer justice et réparation pour les parents de la victime et le départ de la force onusienne que l'on accuse de tous les maux, dont l'apparition du choléra en Haïti qui a fait des milliers de victimes. Hier lundi, sur les pancartes brandies devant la base occupée par les Uruguayens, les manifestants scandaient « Dehors MINUSTAH ! », « Justice pour Johnny Jean ! »
Claude Bernard Sérant
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