Dans ce livre, recueil d’articles récents, le fondateur de Mediapart s’appuie sur les méfaits de Sarkozy depuis le début de son mandat, pour mettre en cause le fonctionnement de la ve République qui autorise toutes les dérives du pouvoir.
Fondateur du journal en ligne Mediapart, Edwy Plenel (EP) a eu la bonne idée de rassembler dans ce volume ses chroniques et articles des dernières années. Esprit critique et insoumis, EP met sa plume brillante et acérée au service d’un objectif important : résister à l’air du temps. Le fil conducteur du livre c’est « le Président de trop », Monsieur Nicolas Sarkozy – mais aussi, au-delà du personnage, le système du présidentialisme français, cette sorte de monarchie bonapartiste corrompue. La politique du sarkozysme est au service des appétits voraces des plus grandes fortunes de l’hexagone : le nouveau président est leur homme. Non seulement leur ami, mais aussi leur représentant, leur obligé, leur fondé de pouvoir. Dans ce berlusconisme à la française, le règne de l’argent s’affiche sans vergogne, en forçant le trait dans le tape-à-l’œil et le clinquant. Ce qui rend d’autant plus ridicule le discours des ralliés de la dernière heure, les ministres « de gauche » ; ce débauchage révèle en négatif, souligne EP, les ambiguïtés de la gauche de gouvernement : « une gauche sans question sociale, c’est ce qui reste quand on a renoncé à la question de la justice et de l’égalité » (Daniel Bensaïd, cité par EP).
Tout cela rappelle irrésistiblement Napoléon iii, cette caricature grotesque du premier Bonaparte, dont se réclament, sans complexe, Sarkozy et ses plumitifs. Dans un premier moment, notre éditorialiste s‘inspire du célèbre pamphlet anti-bonapartiste de Victor Hugo, Napoléon le Petit. Mais, comme il le reconnaitra peu après, cet opuscule vindicatif n’est pas la lecture la plus éclairante : « on recommande plutôt Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852) de Karl Marx », ouvrage qui, sans ignorer le rôle néfaste du chef bonapartiste, analyse surtout les affrontements de classes qui ont conduit à la destruction de la Deuxième République (c’est moi qui ajoute).
Notre auteur passe en revue l’affaire Bettencourt, les manœuvres xénophobes et racistes du président, l’assaut contre les libertés, et autres exemples honteux de cette démocratie de faible intensité qu’est devenue la France sarkozyenne. Mais il s’intéresse aussi à des personnalités qui allument des contre-feux de résistance : François Maspero, « symbole d’intégrité, de droiture, de rigueur », Stéphane Hessel, ou Édouard Glissant, dont l’œuvre réunit « l’acuité du visionnaire et la générosité du conteur ». Et il salue, bien entendu, avec enthousiasme, les révoltes du « printemps arabe ». Rappelant que Monsieur Strauss-Kahn avait fait l’éloge, en 2008, du « modèle tunisien », sans un mot sur le régime Ben Ali, il observe : l’insurrection tunisienne signifie le retour au premier plan de la question démocratique et de la question sociale, indissolublement. Bref, conclut-il, « le peuple tunisien nous donne l’exemple » !
Michael Löwy
Edwy Plenel, Le Président de trop. Vertus de l’antisarkozisme, Vices du présidentialisme, Paris, Don Quichotte (Éd. du Seuil), 2011, 507 pages, 19, 90 euros.
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