Intervention de Marie-Luce Penchard, Ministre chargée de l’outre-mer - Débat sur le Conseil Interministériel de l’Outre-Mer à l’Assemblée Nationale, le 18 mai 2011
Mesdames et messieurs les députés,
Vous le savez, le conseil interministériel du 6 novembre 2009 a été l’aboutissement d’une large concertation dans les outre mers.
Les décisions prises lors de ce comité interministériel sont directement le fruit de ces larges discussions auxquelles ont participé les élus, les forces économiques et de nombreuses associations.
Le CIOM a entendu nos concitoyens d’outre mer qui estimaient que la concurrence était insuffisante et les mécanismes de formation des prix peu transparents. Les premières décisions du CIOM sont allées en ce sens.
Mais le CIOM c’est avant tout des décisions qui visent à fonder le développement économique des outre-mer sur une autre logique : la valorisation de leurs atouts et une plus grande ouverture sur l’environnement régional.
L’accompagnement des PME dans la conquête de nouveaux marchés, la diversification de l’agriculture et le soutien à l’aquaculture et à la pêche, le développement des énergies renouvelables, le soutien au redémarrage du tourisme, le développement d’universités d’excellence constituent les axes forts de cette nouvelle approche.
Le développement économique de l’outre mer doit aussi être mis au service de l’emploi, de l’insertion, tout particulièrement des jeunes et globalement de l’égalité des chances.
Des grands chantiers ont donc été inscrits dans le CIOM : la relance du logement social, la lutte contre l’illettrisme et pour la réussite scolaire des jeunes. L’égalité des chances, c’est aussi favoriser l’excellence qu’elle soit universitaire, professionnelle ou sportive.
En cohérence avec ces nouvelles politiques, le président de la République et le gouvernement ont souhaité enfin valoriser les richesses culturelles et identitaires des outre-mer. L’année des outre-mer en est une formidable déclinaison.
Quel bilan peut-on tirer aujourd’hui de la mise en œuvre du CIOM ?
Je voudrais vous faire partager un constat simple : le gouvernement fait clairement son travail.
Ce sont aujourd’hui près de 85% des 137 décisions du CIOM qui sont réalisées ou en cours de réalisation.
L’Etat a dégagé des moyens humains - 5 sous-préfets à la cohésion sociale et 3 commissaires au développement endogène ont été nommés – et des moyens financiers conséquents dans un contexte budgétaire souvent difficile. Deux exemples parmi les plus significatifs : l’abondement du programme POSEI par des crédits nationaux (40 M€ par an) et les crédits sanctuarisés de la LBU (274,5 M€/an).
Permettez-moi de profiter de l’occasion qui m’est donnée pour répondre à un certain nombre d’allégations qui ont été mises en avant par votre collègue Victorin LUREL.
La méthode retenue pour effectuer le bilan du CIOM est connue. Les décisions sont regroupées dans un panel de 137 mesures réparties en 8 thèmes correspondant aux ateliers des Etats généraux et en mesures spécifiques à chaque territoire.
Cette méthode n’a jamais été contestée. Elle évite les doublons puisque de nombreuses mesures identiques sont mises en œuvre simultanément dans plusieurs territoires.
Lorsque M. LUREL indique que le CIOM comporte 640 mesures, je ne peux que constater qu’il s’agit là d’un moyen pour majorer artificiellement le dénominateur qui va servir à rendre compte du taux effectif de réalisation. Mais, je suis sûre que cet artifice n’aura pas échappé à tous les parlementaires de bonne foi.
Je voudrais en venir plus précisément au taux d’exécution des mesures du CIOM dans plusieurs territoires.
Si l’on prend en compte les mesures à ce jour réalisées ou en cours de mises en œuvre, les résultats obtenus sont de 62 % en Guadeloupe (5 mesures sur 8 sont réalisées ou très avancées), de 85 % en Martinique (6 mesures sur 7), de 85 % en Guyane (7 mesures sur 8), de 75 % à la Réunion (6 mesures sur 8 sont réalisées ou très avancées). A Mayotte, parmi les 7 mesures territorialisées, 2 sont réalisées et 5 ont trouvé un début d’exécution.
Parmi les mesures transversales dont j’ai pu lire que seules 25 % étaient appliquées, je voudrais m’inscrire en faux : sur 71 mesures transversales, 31 sont réalisées, 35 sont en cours d’exécution et seulement 5 sont dites "en panne".
Je voudrais aussi préciser que parmi les mesures qui sont classifiées dans la catégorie "en cours de réalisation", beaucoup s’inscrivent dans des politiques publiques complexes et de long terme. Dans ces conditions, il est facile de les faire basculer dans la catégorie des mesures qui n’avancent pas alors même que des actions précises ont été déployées pour rendre leur réalisation irréversible.
Je voudrais maintenant revenir sur deux critiques infondées qui ont été formulées à la hâte.
S’agissant du fond exceptionnel d’investissement (FEI), je ne peux pas laisser dire que « seuls 3 millions de crédit sont disponibles pour de nouveaux projets en 2011 ». C’est confondre les autorisations d’engagements et les crédits de paiement. S’il est exact que sur les 20,4 M€ de crédits de paiement 2,8 M€ sont destinés à couvrir les engagements 2011, il n’est pas honnête de passer sous silence les 10 M€ de nouvelles autorisations d’engagement prévues en 2011 mais aussi en 2012 et en 2013 pour faire face à de nouveaux besoins.
Depuis sa création, le FEI a permis de financer 27 opérations en 2009 et plus de 60 en 2010 pour un total d’engagements de 76 M€ auxquels s’ajoutent 125 M€ au titre du plan de relance, soit environ 200 M€.
Je voudrais maintenant en venir à une critique particulièrement injuste à l’endroit du service militaire adapté (SMA) dont chacun s’accorde à louer les réussites.
Affirmer que la montée en charge du SMA se traduit par une diminution de moitié de la durée de formation est un travestissement de la réalité. En réalité, le SMA, à notre demande, a choisi d’élargir son public. En plus des jeunes non diplômés qui restent le cœur de cible du dispositif, il est désormais prévu d’accueillir des jeunes plus qualifiés qui ne parviennent pas à s’insérer dans l’emploi. Il est normal que les durées de stage aient été, pour eux, adaptées puisque le niveau de formation de départ n’est pas le même.
Je voudrais enfin réaffirmer avec force que la mise en œuvre du CIOM est une entreprise collective et que les collectivités territoriales doivent elles aussi, dans le cadre de leurs compétences, participer à la mise en place concrète de très nombreuses mesures. Leur implication est malheureusement inégale. Or, c’est ensemble que nous serons le plus efficace pour les populations qui attendent beaucoup de nous et dans tous les cas autre chose que de vaines polémiques.
Mesdames et messieurs les députés,
Le groupe socialiste a demandé avec force un débat sur la mise en œuvre du CIOM. C’est parfaitement légitime. Malgré des circonstances personnelles douloureuses, je suis là aujourd’hui devant vous. Débattre avec la représentation nationale est pour moi plus qu’un devoir, c’est un honneur.
Ce qui se joue aussi, c’est à l’évidence une certaine vision de l’outre-mer.
Si l’on retient une approche purement comptable qui cantonne nos outre-mer dans le rôle de réceptacle des deniers de la métropole, en occultant soigneusement le fait qu’une crise internationale majeure n’a pas épargné notre pays, on peut dire bien des choses.
Si en revanche l’on regarde nos outre-mer, leurs atouts, leurs richesses humaines, économiques, culturelles, on comprend alors que le gouvernement cultive une autre ambition pour nos 12 collectivités, à travers une approche fondée sur la confiance, le respect et la responsabilité partagée.
La vérité, c’est que jamais un gouvernement n’a donné, avec la LODEOM puis le CIOM, une telle impulsion pour l’outre-mer. Loin de nous cantonner au seul ministère de l’outre-mer,c’est avec le président de la République et le Premier ministre, tout un gouvernement qui est à la tâche.
Jamais un gouvernement n’avait réussi à traiter avec succès – et courage politique - des sujets aussi sensibles - voire tabous - et aussi différents que la promotion des ultramarins aux postes de responsabilité, la réforme des indemnités de retraites, l’assouplissement des visas ou les réformes institutionnelles.
Avec l’année des outre-mer, jamais un gouvernement n’avait autant mis à l’honneur nos outre-mer, leurs cultures, leurs histoires, leurs grands hommes. L’hommage solennel de la Nation à Aimé Césaire puis le dévoilement d’une stèle en l’honneur, pour la première fois, du combat des esclaves pour la liberté, ce sont des gestes dont la portée symbolique résonnera longtemps dans la mémoire collective de nos outre-mer.
Oui, Mesdames et Messieurs les parlementaires, ce bilan du Président de la République et du gouvernement, je suis fière de le porter. En tant que ministre et, je dois le dire aussi, en tant qu’ultramarine.
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